Le structuralisme, Claude Lévi-Strauss et les mythes

Claude Lévi-Strauss (1908-2009) est considéré comme l’un des plus grands intellectuels français de la seconde moitié du XXe siècle ; il est une figure intouchable systématiquement valorisé. Il est, au sens strict, le premier vrai porteur du structuralisme français des années 1960.

Sa conception est, pourtant, ni plus ni moins que celle de l’ethno-différentialisme, maquillé en respect des autres cultures. Il est le socle même des théories racialistes modernes des partisans de la « déconstruction » ; un film hollywoodien comme Black Panther, qui présentent des noirs africains ultra-développés technologiquement mais restant entièrement tribaux-patriarcaux, s’appuie entièrement sur sa conception.

Dès sa thèse en 1948, intitulée Les Structures élémentaires de la parenté, Claude Lévi-Strauss théorise que la parenté repose sur une « alliance » structurale des différentes familles, dans un souci d’alliance. C’est l’idée d’une structure comme base de la famille et Claude Lévi-Strauss va prolonger sa perspective avec Anthropologie structurale, un recueil d’articles de 1958.

Dans le chapitre La Structure des mythes, on peut lire une longue présentation de la perspective structuraliste :

« Un mythe se rapporte toujours à des événements passés : « avant la création du monde, » ou « pendant les premiers âges, » en tout cas, « il y a longtemps. »

Mais la valeur intrinsèque attribuée au mythe provient de ce que ces événements, censés se dérouler à un moment du temps, forment aussi une structure permanente.

Celle-ci se rapporte simultanément au passé, au présent et au futur. Une comparaison aidera à préciser cette ambiguïté fondamentale. Rien ne ressemble plus à la pensée mythique que l’idéologie politique. Dans nos sociétés contemporaines, peut-être celle-ci a-t-elle seulement remplacé celle-là (…).

Nous posons, en effet, que les véritables unités constitutives du mythe ne sont pas les relations isolées, mais des paquets de relations, et que c’est seulement sous forme de combinaisons de tels paquets que les unités constitutives acquièrent une fonction signifiante.

Des relations qui proviennent du même paquet peuvent apparaître à intervalles éloignés, quand on se place à un point de vue diachronique, mais, si nous parvenons à les rétablir dans leur groupement « naturel, » nous réussissons du même coup à organiser le mythe en fonction d’un système de référence temporel d’un nouveau type et qui satisfait aux exigences de l’hypothèse de départ.

Ce système est en effet à deux dimensions : à la fois diachronique et synchronique, et réunissant ainsi les propriétés caractéristiques de la « langue » et celles de la « parole. » Deux comparaisons aideront à comprendre notre pensée.

Imaginons des archéologues de l’avenir, tombés d’une autre planète alors que toute vie humaine a déjà disparu de la surface de la Terre, et fouillant l’emplacement d’une de nos bibliothèques.

Ces archéologues ignorent tout de notre écriture mais ils s’essayent à la déchiffrer, ce qui suppose la découverte préalable que l’alphabet, tel que nous l’imprimons, se lit de gauche à droite et de haut en bas. Pourtant, une catégorie de volumes restera indéchiffrable de cette façon. Ce seront les partitions d’orchestre, conservées au département de musicologie.

Nos savants s’acharneront sans doute à lire les portées l’une après l’autre, commençant par le haut de la page et les prenant toutes en succession ; puis, ils s’apercevront que certains groupes de notes se répètent à intervalles, de façon identique ou partielle, et que certains contours mélodiques, apparemment éloignés les uns des autres, offrent entre eux des analogies.

Peut-être se demanderont-ils alors, si ces contours, plutôt que d’être abordés en ordre successif, ne doivent pas être traités comme les éléments d’un tout, qu’il faut appréhender globalement.

Ils auront alors découvert le principe de ce que nous appelons harmonie : une partition d’orchestre n’a de sens que lue diachroniquement selon un axe (page après page, de gauche à droite), mais en même temps, synchroniquement selon l’autre axe, de haut en bas. Autrement dit, toutes les notes placées sur la même ligne verticale forment une grosse unité constitutive, un paquet de relations.

L’autre comparaison est moins différente qu’il ne semble. Supposons un observateur ignorant tout de nos cartes à jouer, écoutant une diseuse de bonne aventure pendant une période prolongée.

Il voit et classe les clients, devine leur âge approximatif, leur sexe, leur apparence, leur situation sociale, etc., un peu comme l’ethnographe sait quelque chose des sociétés dont il étudie les mythes.

Notre observateur écoutera les consultations, les enregistrera même sur un magnétophone pour pouvoir les étudier et les comparer à loisir, comme nous faisons également avec nos informateurs indigènes.

Si l’observateur est suffisamment doué, et s’il recueille une documentation assez abondante, il pourra, semble-t-il, reconstituer la structure et la composition du jeu employé, c’est-à-dire le nombre de cartes – 32 ou 52 – réparties en quatre séries homologues formées des mêmes unités constitutives (les cartes) avec un seul caractère différentiel, la couleur. »

Comme on le voit, c’est là une reprise directe de la conception de Ferdinand de Saussure, sorti de la linguistique pour être appliqué aux phénomènes culturels, interprétés ici de manière anthropologique.

Claude Lévi-Strauss en 1973.

C’est cela qui a fait de Claude Lévi-Strauss le grand théoricien du relativisme absolu dans le domaine des cultures, dans le rejet tant de l’histoire que de l’universalisme.

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