Le grand remue-ménage dans les pays de l’Est européen et une opposition diffuse en URSS même affaiblissait grandement la position de Nikita Khrouchtchev. Lorsque ce dernier alla avec Anastas Mikoyan rendre visite en Pologne à Władysław Gomułka, en octobre 1956, il fut accompagné de Vyatislav Molotov et Lazare Kaganovitch, ce qui est un gage très clair aux forces opposées à lui.
Georgi Malenkov se rendit quant à lui à Budapest en janvier 1957 avec Nikita Khrouchtchev pour une réunion des dirigeants de l’Europe de l’Est et de l’URSS.
Et précisément durant cette période – d’octobre 1956 au tout début de l’année 1957 – les rumeurs allèrent bon train en URSS et dans les pays de l’Est comme quoi Nikita Khrouchtchev allait être remplacé.
Il apparut toutefois clairement qu’à partir de février 1957, il a regagné ses positions acquises, comme en témoignaient les apparitions publiques nombreuses et les différents programmes de l’économie soviétique auxquels il se voyait associé.
La clef fut la session du Comité Central de décembre 1956. Deux tendances y apparurent : celle considérant qu’il fallait en revenir au réalisme et arrêter d’imaginer un tempo incroyable amenant au dépassement du niveau américain à court terme, et celle s’appuyant sur le Parti et l’armée considérant qu’il y avait une incapacité ou une obstruction des hauts cadres de l’industrie.
Le résultat fut une alliance temporaire des deux : d’un côté il fut officiellement affirmé que l’administration de l’économie allait réétudier le plan quinquennal pour éventuellement le réviser (à la baisse), de l’autre de manière non officielle il fut décidé d’étudier les problèmes internes d’organisation de l’administration de l’économie.
Début février 1957, Mikhail Pervukhine présenta ainsi le plan pour l’année en cours, qui prévoyait 7,7 % de croissance et non plus 10,8 %. Parallèlement, il fut décidé de procéder à une coordination accrue entre les régions et par conséquent une décentralisation significative de la planification ; cela fut validé par le Plénum de la mi-février.
Cela signifie que Nikita Khrouchtchev avait réussi à neutraliser l’appareil économique au prix d’un compromis sur l’intensité de la production, tout en réussissant à briser en particulier l’appareil de planification, sous prétexte de la moderniser dans le cadre de « l’édification du communisme ». Cette tendance allait massivement se renforcer par la suite, avec la mise en concurrence des entreprises encadrées désormais par un nouveau type de « plan ».
Tout cela fut considéré comme allant trop loin par des forces parfois ayant épaulé Nikita Khrouchtchev jusque-là. Un front se forma par conséquent autour de Georgi Malenkov, Vyatislav Molotov et Lazare Kaganovitch, épaulés de Nicolaï Boulganine, Kliment Vorochilov, ainsi que de Dimitrii Shepilov, lui-même trouvant trop risqué la ligne de Nikita Khrouchtchev qu’il avait appuyé pourtant de bout en bout.
L’objectif de ce bloc ne fut pas de lancer une bataille idéologique dans le Parti, mais de simplement conquérir la majorité au Présidium, afin de démettre Nikita Khrouchtchev. On voit ici que sur le plan des mentalités et de la conscience, on reste totalement bloqué à l’horizon établi par le XIXe congrès et que la question de la sécurité d’État est considérée comme réglée.
En pratique, tout le monde a accepté la thèse de 1952 comme quoi l’URSS rentrait dans une étape entièrement nouvelle et part de cette base. La construction du socialisme était terminée, et donc le rôle de Staline également ; il s’agissait simplement de gérer au mieux les forces productives. Aucun opposant à Nikita Khrouchtchev ne sort de ce cadre conceptuel après la liquidation de l’appareil de sécurité d’État.
Le bloc autour de Georgi Malenkov, Vyatislav Molotov et Lazare Kaganovitch s’imaginait donc qu’il allait procéder à une correction du cours – peut-être à une rectification, il n’y a aucune clarté à ce sujet. Mais dans tous les cas, il ne considérait pas que l’ensemble du processus en cours était contre-révolutionnaire au sens strict.