L’échec-catastrophe de l’unité ouvrière en France en février 1933

Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler est nommé chancelier. Le Parti Communiste Français ne peut que constater jour par jour le processus de démolition que subit à son encontre le Parti Communiste d’Allemagne. Mais c’est déjà une chose essentielle, permise par le poids de l’Internationale Communiste dont le Parti Communiste Français est membre.

Du côté des socialistes de la SFIO, en effet, on ne perçoit pas l’ampleur des événements, pour des raisons tant idéologiques puisque les socialistes ne considèrent pas qu’il y a une crise générale du capitalisme, que pratiques car les dirigeants socialistes entendent participer au gouvernement, ou du moins le soutenir, et une opposition interne est désormais vent debout contre une telle démarche.

Cela va provoque une grande bataille interne et le 6 février 1933, le Conseil national du Parti socialiste SFIO condamne ainsi avec bien plus des 2/3 des voix le groupe parlementaire pour s’être orienté dans une démarche gouvernementale avec « des partis de démocratie bourgeoise ».

Le chef de file de l’aile gauche du Parti socialiste SFIO, Jean Zyromski, en 1932

Rappelons qu’il existe également, depuis la campagne contre la guerre menée par le Comité d’Amsterdam, un important rapprochement anti-guerre et pro-URSS des ouvriers communistes et socialistes.

Le Parti Communiste Français fit alors une erreur tactique. Il se dit qu’il y allait avoir une poussée révolutionnaire des masses, en raison des mesures anti-sociales du gouvernement et de la prise de conscience de la victoire fasciste en Allemagne.

Il part ici notamment d’une base erronée parce qu’il pense que, par l’Internationale Communiste, il peut avoir un regard prenant les choses comme par en haut. C’est un formalisme, qui se lit bien dans l’appel suivant de début février 1933 :

« Appel au combat international contre le fascisme

déclaration commune des partis communistes de France, de Pologne et d’Allemagne.

L’établissement de la dictature ouverte en Allemagne, par la prise du pouvoir du gouvernement Hitler-Hugenberg-Papen, accentue, dans un rythme accéléré, les contradictions impérialistes entre l’Allemagne d’une part et la Pologne et la France de l’autre.

La bourgeoisie de ces pays déploie une campagne chauvine effrénée qu’elle exploite pour détourner l’attention des masses de la lutte de classe et accélérer fiévreusement les préparatifs de la guerre impérialiste.

En face de la politique agressive et rapace de l’impérialisme polonais, qui pousse vers l’annexion de Dantzig et de la Prusse orientale, et vis-à-vis de l’armement formidable de l’impérialisme français voulant maintenir son hégémonie en Europe et le système de Versailles, se dresse le réarmement militaire, la campagne chauvine et la politique de la bourgeoisie allemande, de la dictature fasciste en Allemagne.

Les peuples de l’Europe sont menacés plus fort que jamais d’un nouveau massacre impérialiste mondial.

Dans cette situation, en face des dangers graves de la guerre, les partis communistes de Pologne, de France et d’Allemagne déclarent leur volonté d’opposer avec plus d’audace la bannière de l’internationalisme prolétarien à la campagne chauvine de la bourgeoisie, de déployer la solidarité fraternelle dans la lutte de masse internationale commune des ouvriers d’Allemagne, de France et de Pologne et des autres travailleurs de ces pays et d’accentuer au plus degré la lutte contre l’ennemi dans leurs propres pays contre la classe dirigeante.

Le régime de terreur ouverte du fascisme, les attaques des dirigeants fascistes en Allemagne contre le prolétariat allemand et son avant-garde, le P.C.A., mettent en danger en même temps les intérêts vitaux des ouvriers et paysans de Pologne et de France.

Le règne de terreur fasciste et de sang de Pilsudski en Pologne menace non seulement les ouvriers et paysans polonais, mais également les travailleurs des autres pays. La politique de guerre de l’impérialisme français, pour le maintien du système de Versailles, ne signifie pas seulement l’oppression et la misère pour les ouvriers de France, mais aussi pour les masses travailleuses des autres pays.

A la campagne chauvine, à l’armement, au militarisme, au règne fasciste de la classe dirigeante, il faut opposer l’action internationale des masses prolétariennes et des travailleurs de la ville et de la campagne.

Nous déployons en Allemagne, en Pologne, en France, la bannière de combat de l’internationalisme prolétarien. Trois pays, mais un seul drapeau : le drapeau rouge du prolétariat combattant.

Les partis communistes de France, d’Allemagne et de Pologne disent aux masses :

Ne vous laissez pas détourner de la lutte de classe par vos ennemis, dans votre propre pays, par vos exploiteurs qui veulent vous imposer le service militaire obligatoire, le travail forcé, la discipline militaire et autres vertus militaires ! Ce n’est pas l’ouvrier ou le paysan polonais qui est l’ennemi des travailleurs d’Allemagne, ni vice-versa. Ce n’est pas l’ouvrier allemand qui est l’ennemi de l’ouvrier ou du paysan français.

Regardez l’Union soviétique où il n’existe pas d’oppression nationale, ni la terreur fasciste, ni une politique de guerre impérialiste, ni le chômage, ni la crise. C’est l’exemple pour les ouvriers et opprimés de tous les pays !

OUVRIERS SOCIALISTES DE FRANCE, DE POLOGNE ET D’ALLEMAGNE !

Abandonnez la politique de trahison de classe de vos chefs. Abandonnez les dirigeants de la IIe Internationale qui soutiennent la politique de guerre de la bourgeoisie, qui préparent le terrain au fascisme, qui retiennent les ouvriers de la lutte et du front uni antifasciste !

Forgez le front unique invincible du prolétariat combattant !

Pour vous tous, pour les masses travailleuses en France, en Pologne, comme en Allemagne, il n’y a qu’une seule issue de la crise. Il n’y a qu’un seul chemin vers l’affranchissement social et national, une seule voie qui anéantisse le système de Versailles, qui écarte le danger de la guerre impérialiste, qui détruise le système capitaliste :

LE POUVOIR OUVRIER ET SOCIALISTE !

Signé : Le P.C. de Pologne, le P.C. de France, le P.C. d’Allemagne. »

Le Parti Communiste Français rompit ainsi le 6 février toutes les discussions avec la SFIO, arguant qu’il s’agissait d’un « jeu de dupes », que la SFIO ne voulait en réalité pas de débats publics authentiques mais des positionnements en vases clos, que la SFIO n’était somme toute qu’un appendice des radicaux et le resterait.

Il se focalisa alors unilatéralement sur la dénonciation des mesures anti-sociales gouvernementales. Or, ces mesures touchaient principalement les fonctionnaires et les travailleurs des services publics. De par cette base sociale, il ne fallut que peu de temps aux socialistes pour se lancer eux-mêmes dans la bataille et se réaffirmer.

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