L’échec politique de Paschal Grousset

Paschal Grousset n’a jamais été un social-démocrate. Il refusait de reconnaître la lutte des classes et ne voulait pas faire de la classe ouvrière la classe dirigeante de la société. Il était cependant un républicain progressiste et avait très bien compris le danger que représentait le boulangisme pour la démocratie.

Il avait saisi également, dès le début, la signification et la portée historique de l’Affaire Dreyfus :

« Il y a présomption d’injustice dans l’exécution sommaire et à huis clos d’un officier juif visiblement livré, par le ministre de la guerre, aux fureurs catholiques et romaines de l’Etat-Major général. »

Son ouvrage L’affaire Dreyfus et ses ressorts secrets : précis historique (1893) retraçant de manière précise et détaillée le déroulement de « l’affaire » est tout à fait remarquable.

Paschal Grousset était alors député de Paris. Il s’était fait élire dans le XXIIe arrondissement, notamment grâce à l’appuie de sociétés de cyclistes, au nom desquelles il a porté un projet de loi réglementant la circulation à vélo sur la voie publique.

Il avait été convaincu de se présenter comme député par Alexandre Millérand, sous le mot d’ordre de renoncer aux « utopies dangereuses » (c’est-à-dire aux projets révolutionnaires). Il était proche des radicaux comme George Clemenceau et déclarait lors de sa campagne :

« Je suis républicain, radical, patriote, socialiste.

Je ne conçois pas la République sans l’organisation pacifique des forces productives du pays et sans l’orientation systématique de la législature vers l’intérêt du plus grand nombre.

Si vous m’envoyez à la Chambre, je siégerai à l’Extrême Gauche, pour travailler de mon mieux à faire adopter par les députés moins avancés, mais d’intelligence ouverte aux grandes réformes, les points essentiels du mandat réaliste que j’accepte sur l’honneur. »

Ces propos étaient cependant suffisamment radicaux pour être porté en horreur par les fractions les plus réactionnaires de la bourgeoisie, ce qui était préjudiciable à la Ligue Nationale de l’Éducation Physique.

Cela d’autant plus qu’il était un député très actif, dénonçant l’influence grandissante de la droite réactionnaire et du nationalisme. Il n’hésitait pas à prendre à partie devant l’Assemblée des personnalités importantes comme le Général Gallifet, « fusilleur de la Commune ».

Au printemps 1895, Paschal Grousset avait demandé au Conseil Municipal de Paris un budget pour la rénovation de la piste cycliste de la Porte de Madrid. Celui-ci lui avait été refusé alors qu’un crédit pour les travaux d’un vélodrome luxueux au bois de Boulogne par le Cercle des Patineurs avait été voté.

Voyant-là une décision en faveur d’un projet privé et lucratif servant l’aristocratie parisienne, il avait dénoncé ce vélodrome et fait prouver des irrégularités, ainsi que des documents falsifiés et du personnel de la ville de Paris corrompu.

Après avoir obtenu gain de cause, Paschal Grousset s’était saisi de cette affaire comme d’une tribune pour dénoncer la corruption et les intérêts privés, se portant même parti civil pour engager des poursuites contre les personnes en cause.

La situation se retourna alors contre lui. Des personnalités lui reprochait son « jusqu’au boutisme », arguant qu’il aurait suffit de profiter de la fin des travaux pour faire avancer les projets de la ligue et ne pas s’acharner. Dans le même temps, une puissante campagne réactionnaire de calomnie avait été lancée à son encontre.

Son prestige fut terni par son image trop radicale, aggravée par son passé de communard. Ce fut le début de la fin pour la LNEP qui ne survivra pas à cette affaire et à la réputation de son fondateur.

Paschal Grousset refusa d’adhérer à la SFIO lors de sa fondation en 1905, confirmant là son refus de la social-démocratie et son parcours de progressiste républicain radical, vindicatifs mais finalement isolé.

Il mourut à Paris en 1909 et ses conceptions ainsi que son apport au sport en France furent largement ignorés pendant près d’un siècle, avant d’être reconnus par quelques universitaires à partir des années 1990.

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de la gymnastique et du sport en France