L’écrasement du communisme taborite

Les Taborites les plus radicaux ne disposaient pas d’un mode de production adéquat par rapport à leurs exigences. S’ils anticipaient le communisme futur, leur démarche revenait cependant à se précipiter dans le passé, dans un égalitarisme étant celui du premier christianisme, dans l’esprit du communisme primitif.

Cette situation d’arriération bloquait la compréhension de la lutte des classes, alors qu’inversement les artisans, les bourgeois et les hobereaux (la petite noblesse, les chevaliers) savaient se montrer indispensables, de par la production proposée, la capacité culturelle à organiser ou encore le savoir-faire militaire.

Ainsi, le programme taborite d’abolir le servage et les privilèges aristocratiques, de supprimer le pouvoir royal, la mise en commun de tous les biens de consommation, se voyaient irréalisables pratiquement, et inversement un danger pour les couches non populaires composant le mouvement.

Tant la noblesse que la bourgeoisie, mises de côté par le flot paysan et plébéien du début du mouvement, ne pouvaient tolérer l’affirmation social-révolutionnaire taborite. La noblesse était une composante de l’aristocratie, remettre l’ordre féodal en cause lui était impossible.

Et la bourgeoisie n’était pas assez développée pour imaginer un cheminement indépendant de la noblesse en elle-même.

C’est en ce sens qu’il faut comprendre qu’en décembre 1420, des théologiens convoqués à l’hôtel du grand maître de la monnaie condamnèrent 72 propositions des prédicateurs taborites.

Jan Žižka procéda pour cette raison à l’écrasement au sein de ses propres troupes des fractions les plus révolutionnaires, organisées autour du prêcheur Antoch.

Jan Žižka vu par Alphonse Mucha

Puis, il mena une opération contre Tabor, écrasant les forces populaires révolutionnaires, mettant sur le bûcher soixante de leurs cadres à Klokoty. Il traqua les dernières structures adamites, organisant la mort par le glaive ou par le feu.

Sur le plan idéologique, il fallait également une distinction, et la fraction hussite conservatrice mit en avant le refus du caractère sacré du sacrement de l’autel par les hérétiques ; de fait, la fraction populaire-révolutionnaire entendait abolir le principe d’église en tant que tel.

Martin Huska, le dirigeant de la fraction populaire-révolutionnaire de Tabor, avait ainsi constaté que le sacrement de l’autel pouvait moisir, etc., et par conséquent que cela ne pouvait être considéré comme sacré.

La fraction populaire-révolutionnaire procédait à une remise en cause générale du christianisme dans sa forme organisée à l’époque des âges roman et gothique, et cela allait trop loin pour la fraction hussite conservatrice.

Jan Hus vu par Alphonse Mucha

Martin Huska tenta par la suite de rejoindre un Nouveau Tabor fondé en Moravie, près de Nedakonice, sur la rivière Morava, qui fut lui-même vite écrasé. Il fut cependant capturé en route, torturé à de nombreuses reprises, sans se repentir pour autant et il fût finalement mis au bûcher le 21 août 1421, de manière discrète afin d’éviter un soulèvement populaire à Prague.

L’écrasement des forces communistes paysannes mit sur le devant de la scène à Tabor les artisans et la petite-bourgeoisie, dans une cité nouvelle sans patriciens ni grands bourgeois.

Toute conception communiste fut écrasée et les Quatre articles de Prague furent renforcés dans un sens bourgeois populaire, avec le droit de sanctionner les péchés accordé à tout membre de la confrérie de Tabor, et non plus seulement aux personnes désignées par les autorités.

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