Avec les dazibaos, on a le début d’un vaste mouvement de critique généralisée qui se lance dans toute la Chine. L’un des lieux où eut lieu une ébullition généralisée fut l’université de Pékin. C’est cependant l’ensemble des universités et des lycées qui furent touchés et le 13 juin, les examens furent reportés, les cours suspendus, les locaux devenant des bases d’une intense production politique.
Le mouvement était soutenu par Mao Zedong et le Parti lui-même ; on lit à la fin de l’éditorial du Quotidien du peuple du 20 juin 1966 :
« Mobilisons sans réserve les masses ! Laissons-les composer des dazibaos et, sous de la drapeau de la grande pensée Mao Zedong, sous la direction du Comité Central du Parti, menons résolument et jusqu’au bout la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. »
Cependant, au sens strict, on a ici un mouvement de rectification, visant à dénoncer certains cadres ayant eu des positionnements inadéquats par rapport à la construction du socialisme. Or, cette dénonciation devait passer par des « groupes de travail » mis en place par en haut pour superviser celle-ci.
Par en-haut, cela signifie un gigantesque problème si ce « haut » est également pénétré par des positionnements erronés ou hostiles. Et effectivement, on peut s’apercevoir que le président de la République Populaire de Chine était Liu Shaoqi et le secrétaire général du Parti Deng Xiaoping, deux opposants à Mao Zedong.
Ce dernier disparut alors du début du mois de juin, juste après avoir soutenu le premier dazibao, à la mi-juillet 1966. Cette période dite des « cinquante jours » fut une période de troubles : les « groupes de travail » cherchaient à neutraliser le mouvement, l’élan porté par les dazibaos aboutissait à un affrontement avec ces « groupes de travail ».
Les jeunes des lycées et des universités commencèrent à généraliser leur critique des « groupes de travail » comme un levier indirect utilisé par les partisans du retour au capitalisme pour se couvrir. Ils dénonçaient « l’interférence » de la jeunesse avec la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.
L’affrontement entre deux lignes commençait à être tout à fait lisible. Le mouvement de la jeunesse reçut alors, au bout des « cinquante jours », l’appui de Mao Zedong. Sa réapparition coïncide avec sa nage, le 16 juillet à Wuhan, de 15 kilomètres dans le Yangzi Jiang, le plus important fleuve de Chine.
Puis survint une session plénière du Comité Central du Parti, du 1er au 12 août. Cette session reflétait l’affrontement en cours, avec d’un côté Mao Zedong (et les garde rouges), de l’autre Liu Shaoqi et Deng Xiaoping (et les « groupes de travail »). Elle culmina par la victoire du premier sur les seconds.
La déclaration de la session appela à une massification des initiatives, soulignant qu’il ne fallait pas avoir peur du désordre et au contraire avoir confiance en la gauche révolutionnaire.
Mao Zedong y est présenté comme « le plus grand marxiste-léniniste de notre époque » et la « pensée Mao Zedong » comme un accompagnement du marxisme-léninisme. Lin Piao y était salué pour son document « Vive la victoire de la guerre populaire » et pour lancer le processus de la révolution culturelle dans l’armée.
La déclaration fut cependant accompagnée d’un autre document, qui eut un retentissement mondial. La décision du Comité Central du Parti Communiste de Chine sur la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, du 8 août 1966, faisait de celle-ci un mouvement prolongé et profondément ambitieux.
C’était en effet un véritable manuel à destination des rebelles et de leurs soutiens, avec une explication de qui il fallait viser et comment. Il y a ainsi une typologie des cadres (bons, relativement bons, qui ont commis de larges erreurs involontairement, droitiers), un appel à la mobilisation par les affiches et les débats, une présentation des approches (débats sans violence, pas de factionnalisme, pas de généralisation abusive).
Cela faisant, cette déclaration en seize points dénonçait les tendances gauchistes dans la jeunesse contestataire, mais visaient encore plus les « groupes de travail » utilisant tous les moyens pour assécher leur mouvement de dénonciation.
La jeunesse des lycées et des universités fut alors galvanisée et reprit, ouvertement soutenu par Mao Zedong à partir du 12 août, une désignation apparue alors depuis quelques semaines dans certaines universités : « Gardes rouges ».
Le 18 août Mao Zedong vint à un grand rassemblement de masse des Gardes rouges et se vit remettre un brassard avec écrit dessus « Garde rouge », typique de leur tenue associant le kaki militaire pour souligner l’engagement dans une logique d’affrontement et le petit livre rouge, diffusé dans l’armée depuis 1964.
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