Ce qui se déroule en fait lors du cinquième congrès de l’Internationale Communiste, c’est une crise d’autant plus profonde qu’elle est alors non apparente. En effet, il y a une tendance droitière et une ultra-gauche s’opposant à la direction historique de l’Internationale Communiste.
Cependant, la tendance droitière et l’ultra-gauche considèrent que leur propre affrontement est le cœur de l’actualité dans l’Internationale Communiste. C’est ainsi que les esprits conçoivent les choses lors du congrès : la tendance droitière fait de l’ultra-gauche sa cible, l’ultra-gauche fait de la tendance droitière son ennemi juré.
Or, à la suite du congrès, la tendance droitière et l’ultra-gauche s’unifieront pour former ce qu’on appellera alors le trotskysme.
Léon Trotsky ne fut pas présent lors du cinquième congrès. Dès 1923 il avait entrepris de dénoncer une « bureaucratisation » du Parti et avait commencé à se mettre l’ensemble de celui-ci à dos. Il avait formulé sa pensée dans la brochure « Cours nouveau », où il dénonce une « pétrification » idéologique, appelant à garder une prétendue souplesse complète dans les orientations :
« Si l’on prend maintenant notre parti bolchevik dans son passé révolutionnaire et dans la période consécutive à Octobre, on reconnaîtra que sa qualité tactique fondamentale la plus précieuse est son aptitude sans égale à s’orienter rapidement, à changer vite de tactique, à renouveler son armement et à appliquer de nouvelles méthodes, en un mot à opérer de brusques virages.
Les conditions historiques orageuses ont rendu cette tactique nécessaire. Le génie de Lénine lui a donné une forme supérieure.
Ce n’est pas à dire, certes, que notre Parti soit complètement affranchi d’un certain traditionalisme conservateur : un parti de masses ne peut avoir une telle liberté idéale.
Mais sa force s’est manifestée en ce que le traditionalisme, la routine étaient réduits au minimum par une initiative tactique clairvoyante, profondément révolutionnaire, à la fois hardie et réaliste. C’est en cela que consiste et que doit consister la tradition véritable du Parti.
La bureaucratisation plus ou moins grande de l’appareil du Parti s’accompagne inévitablement du développement du traditionalisme conservateur avec tous ses effets. Il vaut mieux s’exagérer ce danger que le sous-estimer.
Le fait indubitable que les éléments les plus conservateurs de l’appareil sont enclins à identifier leurs opinions, leurs décisions, leurs procédés et leurs fautes avec « l’ancien bolchévisme » et tentent d’assimiler la critique du bureaucratisme à la destruction de la tradition, ce fait, dis-je, est déjà par lui-même l’expression incontestable d’une certaine pétrification idéologique.
Le marxisme est une méthode d’analyse historique, d’orientation politique, et non un ensemble de décisions préparées à l’avance. Le léninisme est l’application de cette méthode dans les conditions d’une époque historique exceptionnelle.
C’est précisément par cette alliance des particularités de l’époque et de la méthode qu’est déterminée cette politique courageuse, sûre d’elle-même, de tournants brusques, dont Lénine nous a donné les plus hauts modèles et qu’il a, à maintes reprises, éclairés théoriquement et généralisés. »
Pour Léon Trotsky, le marxisme est une méthode et Lénine un véritable maître du pragmatisme. Il vise explicitement ceux pour qui au contraire il y a une idéologie à l’arrière-plan et qui chercheraient à en maintenir la « tradition ».
Une telle lecture des choses de la part de Léon Trotsky, qui n’avait rejoint le Parti qu’en 1917, fut considéré comme inacceptable et il commença à être relégué. Lui qui était systématiquement intervenu aux autres congrès n’était même plus présent.
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de l’Internationale Communiste