Toute révolution marque un tournant brusque dans la vie d’énormes masses populaires. Tant, que ce tournant n’est pas arrivé à maturité, aucune révolution véritable ne saurait se produire.
Et, de même que chaque tournant dans la vie d’un homme est pour lui plein d’enseignements, lui fait vivre et sentir quantité de choses, de même la révolution donne au people entier, en peu de temps, les leçons les plus substantielles et les plus précieuses.
Pendant la révolution, des millions et des dizaines de millions d’hommes apprennent chaque semaine plus qu’en une année de vie ordinaire, somnolente. Car lors d’un brusque tournant dans la vie de tout un peuple, on aperçoit avec une netteté particulière les fins que poursuivent les différentes classes sociales, les forces dont elles disposent et leurs moyens d’action.
Tout ouvrier conscient, tout soldat, tout paysan doit mûrement réfléchir aux enseignements de la révolution russe, surtout, maintenant, à la fin de juillet, quand il apparaît clairement que la première phase de notre révolution a abouti à un échec.
I
En effet, voyons ce que les masses ouvrières et paysannes voulaient obtenir en faisant la révolution. Qu’attendaient-elles de la révolution ? On sait qu’elles en attendaient la liberté, la paix, le pain, la terre.
Or, que voyons-nous maintenant ?
Au lieu de la liberté, on commence à rétablir l’arbitraire d’autrefois. La peine de mort est instituée sur le front [1] pour les soldats. On traduit devant les tribunaux les paysans qui, d’autorité, se sont emparés des terres des grands propriétaires fonciers.
Les imprimeries des journaux ouvriers sont saccagées. Les journaux ouvriers sont interdits sans jugement. On arrête les bolcheviks, souvent sans même formuler contre eux la moindre accusation ou en en formulant de manifestement calomnieuses.
On objectera peut-être que les persécutions dont les bolcheviks sont l’objet ne constituent pas une atteinte à la liberté, puisqu’elles ne visent que des personnes déterminées, sur lesquelles pèsent des accusations précises.
Mais cette objection est d’une mauvaise foi notoire et évidente. Commuent. peut-on, en effet, saccager une imprimerie et interdire des journaux pour des délits commis par des individus, ces délits fussent-ils prouvés et reconnus par un tribunal ?
Il en serait autrement si le gouvernement avait reconnu pour criminels, au regard de la loi, le parti bolchevique tout entier, son orientation, ses idées. Mais chacun sait que le gouvernement de la libre Russie ne pouvait rien faire et n’a rien fait de tout cela.
Ce qui montre surtout le caractère calomnieux des accusations formulées contre les bolcheviks, c’est que les journaux des grands propriétaires fonciers et des capitalistes se sont furieusement attaqués aux bolcheviks à cause de la lutte menée par ceux-ci contre la guerre, contre les grands propriétaires fonciers et contre les capitalistes, et que ces journaux réclamaient ouvertement l’arrestation et la persécution des bolcheviks alors qu’aucune accusation contre aucun bolchevik n’avait encore été montée.
Le peuple veut la paix.
Or, le gouvernement révolutionnaire de la libre Russie a recommencé la guerre de conquêtes en exécution de traités secrets, ceux-là mêmes que l’ex-tsar Nicolas II avait conclus avec les capitalistes anglais et français pour que les capitalistes de Russie puissent piller les peuples étrangers. Ces traités secrets ne sont toujours pas publiés.
Le gouvernement ont de la libre Russie a éludé la question par des dérobades et n’a pas proposé jusqu’à ce jour une paix équitable à tous les peuples.
Il n’y a pas de pain. De nouveau, la famine menace.
Tous voient que les capitalistes et les riches trompent sans vergogne le Trésor sur les fournitures de guerre (actuellement, la guerre coûte au peuple 50 millions de roubles par jour) ; qu’ils réalisent, grâce à la hausse des prix, des bénéfices exorbitants, tandis que rien, absolument rien, n’a été fait pour organiser un recensement sérieux de la production et de la répartition des produits par les ouvriers.
Les capitalistes, de plus en plus arrogants, jettent les ouvriers sur le pavé, cela à un moment où le peuple souffre de la disette de marchandises.
L’immense majorité des paysans ont proclamé haut et clair, en une longue suite de congrès, qu’ils considéraient l’existence de la grande propriété foncière comme une injustice et un vol.
Et le gouvernement, qui se prétend révolutionnaire et démocratique, continue depuis des mois à berner les paysans, à les tromper par des promesses et des atermoiements. Durant des mois les capitalistes n’ont pas permis au ministre Tchernov de promulguer la loi interdisant l’achat et la vente des terres.
Et lorsque cette loi a enfin été promulguée, les capitalistes ont déclenché contre Tchernov une odieuse campagne de calomnies qu’ils continuent jusqu’à ce jour.
Dans son zèle à défendre les grands propriétaires fonciers, le gouvernement en est arrivé à une telle impudence qu’il commence à faire poursuivre en justice les paysans qui se sont emparés «arbitrairement» des terres.
On berne les paysans en leur recommandant d’attendre l’Assemblée constituante, cette Assemblée dont les capitalistes continuent à différer la convocation.
Maintenant que, sous la pression des bolcheviks, sa convocation a été fixée au 30 septembre, les capitalistes crient bien haut que ce délai est trop court, «impossible» ; et ils exigent que l’Assemblée soit renvoyée à une date ultérieure… Les membres les plus influents du parti des capitalistes et des grands propriétaires fonciers – le parti «cadet» ou parti de la «liberté du peuple » – préconisent ouvertement, comme Panina par exemple, le renvoi de l’Assemblée constituante à la fin de la guerre.
Pour la terre, attends jusqu’à l’Assemblée constituante. Pour l’Assemblée constituante, attends jusqu’à la fin de la guerre. Pour la fin de la guerre, attends jusqu’à la victoire totale. Voilà ce qu’il en est. Les capitalistes et les grands propriétaires fonciers, qui ont la majorité dans le gouvernement, se moquent tout bonnement des paysans.
II
Mais comment cela a-t-il pu se produire dans un pays libre, après que le pouvoir tsariste a été renversé ?
Dans un pays non libre, le peuple est gouverné par un tsar et une poignée de grands propriétaires fonciers, de capitalistes, de fonctionnaires que personne n’a élus.
Dans un pays libre, le peuple n’est gouverné que par ceux qu’il a lui-même élus à cet effet. Aux élections, le peuple se divise en partis, et chaque classe de la population forme ordinairement son propre parti.
Ainsi, les grands propriétaires fonciers, les capitalistes, les paysans, les ouvriers forment des partis distincts. C’est pourquoi le peuple des pays libres est gouverné par le moyen d’une lutte ouverte entre les partis et de libres accords entre ces derniers.
Après le renversement du pouvoir tsariste, le 27 février 1917, la Russie fut gouvernée pendant près de quatre mois comme un pays libre, précisément par le moyen d’une lutte ouverte entre des partis librement formés et de libres accords entre eux.
Aussi, pour comprendre le développement de la révolution russe, faut-il établir avant tout quels étaient les principaux partis en présence, quelles étaient les classes dont ils défendaient les intérêts, quels étaient les rapports qui existaient entre tous ces partis.
III
Après le renversement du tsarisme, le pouvoir d’Etat passa aux mains du premier Gouvernement provisoire. Celui-ci était composé de représentants de la bourgeoisie, c’est-à-dire des capitalistes auxquels s’étaient joints les grands propriétaires fonciers.
Le parti «cadet», principal parti des capitalistes, y tenait la première place comme parti dirigeant et gouvernemental de la bourgeoisie.
Ce n’est pas par hasard que le pouvoir est tombé aux mains de ce parti, bien que ce ne soient pas les capitalistes, évidemment, mais les ouvriers, les paysans, les matelots et les soldats qui aient combattu les troupes du tsar et versé leur sang pour la liberté.
Le pouvoir est tombé aux mains du parti des capitalistes parce que cette classe possédait la force que donnent la richesse, l’organisation et l’instruction. Depuis 1905, et surtout pendant la guerre, la classe des capitalistes et des grands propriétaires fonciers qui marchent de conserve avec eux a fait en Russie de grands progrès quant à son organisation.
Le parti cadet a toujours été un parti monarchiste, aussi bien en 1905 que de 1905 à 1917.
Au lendemain de la victoire du peuple sur la tyrannie tsariste, ce parti se déclara républicain. L’histoire montre que, lorsque le peuple triomphe de la monarchie, les partis capitalistes consentent toujours à être républicains, pourvu qu’ils puissent sauvegarder les privilèges des capitalistes et leur pouvoir absolu sur le peuple.
En paroles, le parti cadet est pour la «liberté du peuple». En fait, il est pour les capitalistes ; c’est pourquoi tous les grands propriétaires fonciers, tous les monarchistes, tous les Cent-Noirs, se sont, aussitôt rangés de son côté. Témoin la presse et les élections. Après la révolution, tous les journaux bourgeois et toute la presse des Cent-Noirs se sont mis à chanter à l’unisson avec les cadets.
Tous les partis monarchistes, n’osant pas se présenter ouvertement aux élections, ont soutenu le parti cadet, comme ce fut le cas à Petrograd.
Maîtres du pouvoir, les cadets se sont employés de toutes leurs forces à continuer la guerre de conquête et de brigandage commencée par le tsar Nicolas II, qui avait signé des traités secrets de brigandage avec les capitalistes anglais et, français. Ces traités promettaient aux capitalistes russes, en cas de victoire, l’annexion et de Constantinople, et de la Galicie, et de l’Arménie, etc.
Quant au peuple, le gouvernement des cadets lui donnait le change par des dérobades et des promesses vaines, renvoyant, le règlement de tous les grands problèmes d’un intérêt vital pour les ouvriers et les paysans à l’Assemblée constituante, dont il ne fixait d’ailleurs pas la date de convocation.
Le peuple, profitant de la liberté, commença à s’organiser de lui-même. Les Soviets des députés ouvriers, soldats et paysans étaient l’organisation principale des ouvriers et des paysans, qui forment l’immense majorité de la population de la Russie.
Ces Soviets avaient commencé à se constituer dès la révolution de Février ; quelques semaines plus tard dans la plupart des grandes villes de Russie et dans nombre de districts, tous les éléments conscients et avancés de la classe ouvrière et de la paysannerie étaient groupés dans les Soviets.
Les Soviets avaient été élus en toute liberté. Ils étaient les organisations authentiques des masses populaires, ouvrières et paysannes, les organisations authentiques de l’immense majorité du peuple. Les ouvriers et les paysans revêtus de l’uniforme militaire étaient armés.
Il va sans dire que les Soviets pouvaient et devaient prendre en main tout le pouvoir d’Etat. Il n’aurait dû y avoir dans l’Etat, jusqu’à la convocation de l’Assemblée constituante, aucun autre pouvoir que les Soviets.
Alors seulement notre révolution aurait été vraiment populaire, vraiment démocratique.
Alors seulement les masses laborieuses, qui aspirent réellement à la paix, qui ne sont réellement pas intéressées à une guerre de conquête, auraient pu commencer à appliquer, avec résolution et fermeté, une politique susceptible de mettre un terme à la guerre de conquête et d’amener la paix.
Alors seulement les ouvriers et les paysans auraient pu mater les capitalistes qui réalisent des bénéfices fabuleux «grâce à la guerre» et qui ont conduit le pays à la ruine et à la famine.
Mais, dans les Soviets, seule une minorité de députés se rangeait du côté du parti des ouvriers révolutionnaires, des social-démocrates bolcheviques, qui exigeaient la remise de tout le pouvoir d’Etat aux Soviets. Quant à la majorité des députés, elle se rangeait du côté du parti social-démocrate menchevique et du parti socialiste-révolutionnaire, qui étaient contre la remise du pouvoir aux Soviets.
Au lieu de supprimer le gouvernement de la bourgeoisie et de le remplacer par un gouvernement des Soviets, ces partis préconisaient le soutien du gouvernement de la bourgeoisie, l’entente avec lui, la formation d’un gouvernement de coalition.
C’est dans cette politique d’entente avec la bourgeoisie, pratiquée par les partis socialiste‑révolutionnaire et menchevique à qui la majorité du peuple avait donné sa confiance, que réside le contenu essentiel du développement de la révolution au cours de ces cinq premiers mois.
IV
Voyons d’abord comment, se faisait cette politique d’entente des socialistes-révolutionnaires et des mencheviks avec la bourgeoisie. Nous rechercherons ensuite la raison pour laquelle la majorité du peuple leur a fait confiance.
V
La politique d’entente des mencheviks et des socialistes-révolutionnaires avec les capitalistes a été pratiquée, tantôt sous une forme, tantôt sous une autre, à toutes les étapes de la révolution russe.
Juste à la fin de février 1917, dès que le peuple eut remporté la victoire et que le pouvoir tsariste eut été renversé, le Gouvernement provisoire des capitalistes s’adjoignit Kérenski, en tant que «socialiste».
A la vérité, Kérenski n’avait jamais été socialiste ; il n’était que troudovik [2] et ne commença à figurer parmi les «socialistes-révolutionnaires» qu’à partir de mars 1917, c’est-à-dire au moment où la chose n’offrait plus aucun danger et ne laissait pas d’être avantageuse. Le Gouvernement provisoire capitaliste s’appliqua aussitôt, par l’intermédiaire de Kérenski, vice-président du Soviet de Petrograd, à s’attacher le Soviet, à l’apprivoiser.
Et le Soviet – c’est-à-dire les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks qui y prédominaient – se laissa apprivoiser dès la formation du Gouvernement provisoire capitaliste, il accepta de «le soutenir» «dans la mesure» où il remplirait ses engagements.
Le Soviet se considérait comme un organisme de vérification, de contrôle des actes du Gouvernement provisoire. Les leaders du Soviet instituèrent une commission dite «de contact», qui devait assurer la liaison avec le gouvernement [3].
Au sein de cette commission de contact, les leaders socialistes-révolutionnaires et mencheviques du Soviet, qui étaient à vrai dire des ministres sans portefeuille ou des ministres non officiels, étaient constamment en pourparlers avec le gouvernement des capitalistes.
Cet état de choses dura pendant tout le mois de mars et presque tout le mois d’avril. Les capitalistes procédaient par atermoiements et dérobades, cherchant à gagner du temps.
Pendant cette période, le gouvernement capitaliste ne prit aucune mesure tant soit peu sérieuse pour développer la révolution. Même pour s’acquitter de la tâche immédiate qui lui incombait directement – convoquer l’Assemblée constituante -, le gouvernement ne fit absolument rien ; il ne posa pas la question devant les organisations locales, il ne créa même pas la commission centrale qui devait l’étudier.
Le gouvernement n’avait qu’une seule préoccupation : renouveler secrètement les traités internationaux de brigandage que le tsar avait signés avec les capitalistes d’Angleterre et de France ; freiner, aussi prudemment et insensiblement que possible, la révolution ; tout promettre, ne rien tenir.
A la «commission de contact», les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks faisaient figure de benêts que l’on nourrit de phrases pompeuses, de promesses, de «tu l’auras».
Les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks se laissaient prendre à la flatterie comme le corbeau de la fable et écoutaient avec plaisir les capitalistes qui protestaient de leur haute estime pour les Soviets sans lesquels, disaient-ils, ils n’entreprenaient rien.
En fait, le temps passait, sans que le gouvernement des capitalistes eût absolument rien fait pour la révolution.
Mais, contre la révolution, il avait réussi pendant ce temps à renouveler les traités secrets de brigandage, ou plus exactement, à les sanctionner et à les «ranimer» par des négociations complémentaires, non moins secrètes, avec les diplomates de l’impérialisme anglo-français.
Contre la révolution, le gouvernement, avait réussi pendant ce temps à jeter les bases d’une organisation (ou du moins d’un rapprochement) contre-révolutionnaire des généraux et des officiers de l’armée engagée sur les théâtres d’opérations.
Contre la révolution, le gouvernement avait commencé à organiser les industriels, les fabricants, les usiniers, qui, contraints de faire concession sur concession sous la poussée des ouvriers, commençaient, cependant, en même temps, à saboter la production et à en préparer l’arrêt au moment propice.
Cependant, l’organisation des ouvriers et des paysans d’avant-garde dans les Soviets progressait sans cesse.
Les meilleurs représentants des classes opprimées se rendaient compte que le gouvernement, malgré son accord avec le Soviet de Petrograd, malgré la grandiloquence de Kérenski, malgré l’existence de la «commission de contact», restait un ennemi du peuple, un ennemi de la révolution.
Les masses se rendaient compte que, si la résistance des capitalistes n’était pas brisée, la cause de la paix, de la liberté, de la révolution serait perdue à coup sûr. L’impatience et la colère grandissaient dans les masses.
VI
Elles débordèrent les 20 et 21 avril. Le mouvement fut spontané, personne ne l’avait préparé. Il était si nettement, dirigé contre le gouvernement qu’un régiment manifesta même en armes et se présenta au palais Marie pour arrêter les ministres.
Il apparut clairement aux yeux de tous que le gouvernement ne pouvait plus se maintenir. Les Soviets pouvaient (et devaient) prendre le pouvoir en main sans rencontrer la moindre résistance de quelque coté que ce fût.
Au lieu de cela, les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks soutinrent le gouvernement capitaliste en train de s’effondrer, se lièrent davantage par la recherche d’accords avec lui et prirent des initiatives plus funestes encore, qui conduisaient le révolution à sa perte.
La révolution instruit toutes les classes avec une rapidité et une profondeur inconnues en temps ordinaire, en temps de paix. Les capitalistes, mieux organisés et plus expérimentés en matière de lutte des classes et de politique s’instruisirent plus vite que les autres.
Voyant que la situation du gouvernement était intenable, ils eurent recours à un procédé dont ont usé des dizaines d’années durant, depuis 1848, les capitalistes des autres pays, afin de mystifier, de diviser et d’affaiblir les ouvriers. Ce procédé consiste à former un ministère dit de «coalition», c’est-à-dire réunissant des représentants de la bourgeoisie et des transfuges du socialisme.
Dans les pays où la liberté et la démocratie existent depuis plus longtemps qu’ailleurs à côté du mouvement ouvrier révolutionnaire, en Angleterre et en France, les capitalistes ont maintes fois usé de ce procédé avec grand succès.
Les chefs «socialistes», entrés dans un ministère bourgeois, ne manquaient pas de se révéler des hommes de paille, des marionnettes, qui jouaient le rôle de paravent pour les capitalistes, d’instrument de mystification à l’égard des ouvriers.
Les capitalistes «démocrates et républicains» de Russie ont eu recours à ce même procédé. Socialistes-révolutionnaires et mencheviks se sont tout de suite laissé jouer et, le 6 mai, un ministère «de coalition» comprenant Tchernov, Tsérétéli et Cie était un fait accompli.
Les benêts des partis socialiste-révolutionnaire et menchevique exultaient, pâmés d’admiration sous les rayons de la gloire ministérielle de leurs chefs. Les capitalistes, ravis, se frottaient les mains ; ils s’étaient assuré contre le peuple le concours des «chefs des Soviets», qui leur avaient promis de soutenir des «actions offensives sur le front», c’est-à-dire la reprise de la guerre impérialiste de brigandage, qui avait été sur le point de s’interrompre pour de bon.
Les capitalistes connaissaient bien la présomptueuse impuissance de ces chefs ; ils savaient que les promesses faites par la bourgeoisie – au sujet du contrôle et même de l’organisation de la production, au sujet de la politique de paix, etc., – ne seraient jamais tenues.
C’est ce qui se produisit. La deuxième phase du développement de la révolution, du 6 mai au 9 ou au 18 juin, a parfaitement confirmé les calculs des capitalistes qui avaient compté se jouer sans peine des socialistes-révolutionnaires et des mencheviks.
Pendant que Péchékhonov et Skobélev se leurraient eux-mêmes et leurraient le peuple par des phrases pompeuses, en disant qu’on prélèverait 100% sur les profits des Capitalistes, que la «résistance» de ces derniers «était brisée», etc., les capitalistes continuaient à se renforcer. Pratiquement, rien, mais absolument rien ne fut fait pendant ce temps pour mater les capitalistes.
Les transfuges du socialisme devenus ministres n’étaient en réalité que des machines à parler, destinées à donner le change aux classes opprimées cependant que tout l’appareil de l’administration d’Etat demeurait aux mains de la bureaucratie (des fonctionnaires) et de la bourgeoisie.
Le fameux Paltchinski, sous-secrétaire d’Etat à l’Industrie, était le représentant typique de cet appareil, qui entravait la réalisation de toutes les mesures dirigées contre les capitalistes. Les ministres bavardaient, et les choses restaient inchangées.
La bourgeoisie se servait surtout du ministre Tsérétéli pour combattre la révolution. On l’envoya «apaiser» Cronstadt : les révolutionnaires de là-bas avaient eu le front de destituer le commissaire [4] nommé par le gouvernement.
La presse bourgeoise lança contre Cronstadt une campagne extrêmement tapageuse, haineuse, acharnée, de mensonges, de calomnies et d’excitations, l’accusant de vouloir «se séparer de la Russie », répétant cette ineptie et d’autres analogues sur tous les tons, terrorisant la petite bourgeoisie et les philistins.
Tsérétéli, représentant le plus typique des philistins obtus et terrorisés, s’est laissé prendre avec une «bonne foi» inégalable à l’hameçon des calomnies répandues par la bourgeoisie ; plus que tous les autres, il s’employa avec zèle à «foudroyer et mater» Cronstadt, sans comprendre qu’il jouait le rôle d’un valet de la bourgeoisie contre-révolutionnaire.
Il se trouva être l’instrument grâce auquel un «accord» fut passé avec Cronstadt révolutionnaire, en ce sens que le commissaire de la ville n’était pas purement et simplement nommé par le gouvernement, mais élu à Cronstadt et agréé par le gouvernement. C’est à ces misérables compromis que consacraient leur temps les ministres transfuges passés du socialisme dans le camp de la bourgeoisie.
Là où un ministre bourgeois n’aurait pas pu se présenter pour assumer la défense du gouvernement, devant les ouvriers révolutionnaires ou dans les Soviets, on voyait paraître (ou plutôt la bourgeoisie y envoyait) un ministre «socialiste» – Skobélev, Tsérétéli, Tchernov, d’autres encore – qui œuvrait en conscience au profit de la bourgeoisie, suait sang et eau pour défendre le ministère, blanchissait les capitalistes, bernait le peuple en répétant des promesses, des promesses et des promesses, et en lui recommandant d’attendre, d’attendre et d’attendre.
Le ministre Tchernov était surtout absorbé par des marchandages avec ses collègues bourgeois ; jusqu’en juillet même, jusqu’à la nouvelle «crise du pouvoir» qui s’ouvrit alors à la suite du mouvement des 3 et 4 juillet, jusqu’à la démission des ministres cadets, le ministre Tchernov consacra tout son temps à une œuvre utile, intéressante et profondément conforme aux aspirations du peuple : il «exhortait», il engageait ses collègues bourgeois à consentir au moins à l ‘interdiction des transactions de vente et d’achat des terres.
Cette mesure fut solennellement promise aux paysans, au congrès (Soviet) des députés paysans de Russie à Petrograd. Promesse qui n’a jamais été tenue. Tchernov ne put la tenir ni en mai ni en juin, jusqu’au moment où la vague révolutionnaire des 3 et 4 juillet, explosion spontanée qui coïncida avec la démission des ministres cadets, lui permit d’appliquer cette mesure.
Mais, même alors, ce ne fut qu’une mesure isolée, impuissante à améliorer sérieusement la situation des paysans en lutte pour la terre, contre les grands propriétaires fonciers.
Sur le front, la tâche contre-révolutionnaire, impérialiste, de reprendre la guerre impérialiste de brigandage, tâche dont un Goutchkov détesté du peuple n’avait pu s’acquitter, était à ce moment accomplie brillamment et avec succès par le «démocrate révolutionnaire» Kérenski, membre tout frais émoulu du parti socialiste-révolutionnaire.
Kérenski se laissait griser par son éloquence ; les impérialistes, qui le maniaient comme on pousse un pion sur l’échiquier, lui offraient de l’encens, le flattaient, l’idolâtraient.
Tout cela parce qu’il servait avec foi et amour les intérêts des capitalistes et engageait les «troupes révolutionnaires» à accepter la reprise de la guerre en exécution des traités conclus par le tsar Nicolas II avec les capitalistes d’Angleterre et de France, de la guerre menée pour faire obtenir aux capitalistes russes Constantinople et Lvov, Erzeroum et Trébizonde.
Ainsi se passa la deuxième période de la révolution russe, du 6 mai au 9 juin. La bourgeoisie contre-révolutionnaire se renforça, se consolida, sous le couvert et sous l’égide des ministres «socialistes» ; elle prépara l’offensive à la fois contre l’ennemi extérieur et contre l’ennemi intérieur, c’est-à-dire contre les ouvriers révolutionnaires.
VII
Le parti des ouvriers révolutionnaires, le parti bolchevique, préparait pour le 9 juin une manifestation à Petrograd, afin de permettre aux masses d’affirmer de façon organisée leur mécontentement et leur indignation irrésistiblement accrus.
Les chefs socialistes-révolutionnaires et mencheviques, empêtrés dans leurs accords avec la bourgeoisie et liés par la politique impérialiste de l’offensive, furent terrifiés en sentant s’effondrer l’influence dont ils jouissaient auprès des masses.
Et ce fut contre la manifestation une clameur générale, qui associait cette fois aux cadets contre-révolutionnaires les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks.
Sous la direction de ces derniers et par suite de leur politique d’entente avec les capitalistes, la volte-face opérée par les masses petites-bourgeoises vers une alliance avec la bourgeoisie contre-révolutionnaire se précisa complètement, se dessina avec un relief saisissant. Là est la portée historique, la signification de classe, de la crise du 9 juin.
Les bolcheviks décommandèrent la manifestation, inspirés par le souci de ne pas mener les ouvriers à une bataille désespérée, à ce moment-là, contre les cadets, les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks réunis. Mais ces deux derniers partis, désireux de conserver tout au moins quelque reste de la confiance des masses, se virent obligés de fixer au 18 juin une manifestation commune.
L’exaspération de la bourgeoisie était à son comble, car elle interprétait à juste titre cette décision comme l’indice que la démocratie petite-bourgeoise penchait vers le prolétariat ; elle résolut de paralyser l’action de la démocratie en déclenchant l’offensive sur le front.
Effectivement, le 18 juin, les mots d’ordre du prolétariat révolutionnaire, les mots d’ordre du bolchevisme remportaient une victoire particulièrement imposante parmi les masses de Pétersbourg et, le 19 juin, la bourgeoisie et le bonapartiste [5] Kérenski annonçaient solennellement que, justement le 18, l’offensive avait commencé sur le front.
Pratiquement l’offensive signifiait la reprise de la guerre de brigandage dans l’intérêt des capitalistes, contre la volonté de l’immense majorité des travailleurs.
Aussi l’offensive impliquait-elle nécessairement, d’une part, une accentuation prodigieuse du chauvinisme et le passage du pouvoir militaire (et, par conséquent, politique) à la clique militaire des bonapartistes ; d’autre part, l’emploi de la violence contre les masses, la persécution des internationalistes, la suppression de la liberté d’agitation, les arrestations et les exécutions des adversaires de la guerre.
Si le 6 mai avait attaché les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks au char triomphal de la bourgeoisie par une corde, le 19 juin les y a rivés, et en tant que serviteurs des capitalistes, par une chaîne.
VIII
Par suite de la reprise de la guerre de brigandage, la colère des masses s’intensifia, naturellement, avec une rapidité et une violence accrues. Les 3 et 4 juillet, leur indignation éclata, malgré les efforts des bolcheviks pour contenir l’explosion à laquelle ils devaient, bien entendu, s’efforcer de donner une forme aussi organisée que possible.
Esclaves de la bourgeoisie, enchaînés par leur maître, les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks acceptèrent tout : et le rappel de troupes réactionnaires à Petrograd, et le rétablissement de la peine de mort, et le désarmement des ouvriers et des troupes révolutionnaires, et les arrestations, les poursuites, l’interdiction des journaux sans jugement.
Le pouvoir, que la bourgeoisie ne pouvait prendre en entier au sein du gouvernement et dont les Soviets ne voulaient pas, tomba aux mains des bonapartistes, de la clique militaire, soutenue sans réserve, cela s’entend, par les cadets et les Cent-Noirs, les grands propriétaires fonciers et les capitalistes.
De déchéance en déchéance. Une fois engagés sur la pente d’une entente avec la bourgeoisie, les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks glissèrent irrésistiblement et touchèrent le fond.
Le 28 février, au Soviet de Petrograd, ils avaient promis un soutien conditionnel au gouvernement bourgeois. Le 6 mai, ils le sauvaient de la déconfiture et, en acceptant l’offensive, se laissaient transformer en valets et en défenseurs du gouvernement.
Le 9 juin, ils s’unissaient à la bourgeoisie contre-révolutionnaire dans sa campagne de haine farouche, de mensonges et de calomnies contre le prolétariat révolutionnaire. Le 19 juin, ils approuvaient la reprise, devenue effective, de la guerre de rapine, Le 3 juillet, ils acceptaient que l’on fît venir les troupes réactionnaires ; ce fut le début de l’abandon définitif du pouvoir aux bonapartistes. De déchéance en déchéance.
Cette fin honteuse des partis socialiste-révolutionnaire et menchevique n’est pas l’effet du hasard ; c’est le résultat, maintes fois confirmé par l’expérience européenne, de la situation économique des petits patrons, de la petite bourgeoisie.
IX
Tout le monde évidemment a observé que les petits patrons se mettent en quatre, font l’impossible pour «parvenir», devenir de vrais patrons, se hausser au niveau de patron «aisé», au niveau de la bourgeoisie. Tant que règne le capitalisme, les petits patrons n’ont que cette alternative : ou devenir eux-mêmes capitalistes (ce qui arrive, dans le meilleur des cas, à un petit patron sur cent), ou passer à l’état de petit patron ruiné, de semi-prolétaire, puis de prolétaire.
Il en est de même en politique : la démocratie petite-bourgeoise, notamment ses chefs, s’aligne sur la bourgeoisie. Les chefs de la démocratie petite-bourgeoise bercent leurs masses de promesses et d’assurances sur la possibilité d’une entente avec les gros capitalistes. En mettant les choses au mieux, ils obtiennent des capitalistes, pour un temps très court et au profit d’une faible couche supérieure des masses laborieuses, de menues concessions.
Mais, dans toutes les questions décisives, importantes, la démocratie petite-bourgeoise a toujours été à la remorque de la bourgeoisie dont elle était un appendice impuissant et a toujours été un instrument docile entre les mains des rois de la finance. L’expérience de l’Angleterre et de la France a maintes fois confirmé cette vérité.
L’expérience de la révolution russe pendant laquelle les événements, influencés surtout par la guerre impérialiste et la crise profonde qu’elle a provoquée, se sont déroulés avec une rapidité extrême, cette expérience de février à juillet 1917 a confirmé avec une vigueur et une netteté remarquables le vieil axiome marxiste de l’instabilité de la petite bourgeoisie.
L’enseignement de la révolution russe, c’est que les masses laborieuses ne pourront s’arracher à l’étreinte de fer de la guerre, de la famine et du joug des grands propriétaires fonciers et des capitalistes qu’à la condition de rompre complètement avec les partis socialiste-révolutionnaire et menchevique, de prendre nettement conscience du rôle de trahison de ces partis, de repousser toute entente avec la bourgeoisie, de passer résolument aux côtés des ouvriers révolutionnaires.
Seuls les ouvriers révolutionnaires, s’ils sont soutenus par les paysans pauvres, sont en mesure de briser la résistance des capitalistes, de conduire le peuple à la conquête sans rachat de la terre, à la liberté complète, à la victoire sur la famine, à la victoire sur la guerre, à une paix juste et durable.
POSTFACE
Cet article, comme il ressort du texte, fut écrit fin juillet.
L’histoire de la révolution au cours du mois d’août en a pleinement confirmé le contenu. Ensuite, fin août, la rébellion de Kornilov [6] a amené la révolution à un nouveau tournant, en montrant nettement au peuple entier que les cadets unis aux généraux contre-révolutionnaires entendaient dissoudre les Soviets et rétablir la monarchie.
Quelle est la force de ce nouveau tournant de la révolution et réussira-t-il à mettre un terme à la funeste politique d’entente avec la bourgeoisie ? C’est ce que montrera le proche avenir…
N. Lénine
6 septembre 1917.
Notes
Les notes rajoutées par l’éditeur sont signalées par [N.E.]
[1]. Le 12 (25) juillet, le Gouvernement provisoire décréta la peine de mort sur le front. Des «cours martiales révolutionnaires» dont les verdicts étaient exécutoires immédiatement après publication, furent instituées dans les divisions. [N.E.]
[2]. Les troudoviks (Groupe du travail), fraction des démocrates petits-bourgeois dans les Doumas d’Etat, comprenant des paysans et des intellectuels de tendance populiste. La fraction des troudoviks, qui avait été constituée en avril 1906 par les députés paysans de la 1re Douma d’Etat hésitait entre les cadets et les social-démocrates révolutionnaires. Pendant la première guerre mondiale la majorité des troudoviks avait adopté des positions sociales-chauvines.
Après la révolution de Février, Ies troudoviks, porte-parole des intérêts des koulaks, soutinrent activement le Gouvernement provisoire. Hostiles à la révolution socialiste, ils prirent part. à la contre-révolution bourgeoise. [N.E.]
[3]. La Commission de contact fut instituée par le Comité exécutif menchevique et socialiste-révolutionnaire du Soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd, le 8 (21) mars 1917, pour «influencer» et «contrôler» l’activité du Gouvernement provisoire.
Pratiquement, la « commission de contact» aidait le Gouvernement provisoire à utiliser l’autorité du Soviet de Petrograd pour masquer sa politique contre-révolutionnaire. Avec son aide les mencheviks et les s.-r. espéraient. détourner les masses ouvrières d’une lutte révolutionnaire active pour le passage de tout le pouvoir aux Soviets. Tchkhéidzé, Steklov, Soukhanov, Philippovski, Skobélev (et un peu plus tard Tchernov et Tsérétéli) en firent partie. La «commission de contact» fut liquidée vers la mi-avril 1917, ses fonctions ayant été transmises au Bureau du Comité Exécutif. [N.E.]
[4]. A la suite d’un conflit entre le Soviet de Cronstadt et le commissaire du Gouvernement provisoire Pépéilaïev, le 17 (30) mai 1917, sur l’initiative de la fraction sans-parti du Soviet soutenue par les bolcheviks, une résolution fut adoptée sur la suppression du poste de commissaire gouvernemental et sur le passage de la totalité du pouvoir au Soviet de Cronstadt.
Le texte déclarait en substance que le seul pouvoir dans la ville de Cronstadt était le Soviet des députés ouvriers et soldats qui, pour toutes les affaires d’Etat, se mettait en contact direct avec le Soviet des députés ouvriers et soldats de Petrograd.
La presse bourgeoise, s.-r. et menchevique déclencha aussitôt une campagne de diffamation contre les responsables de Cronstadt et les bolcheviks, déclarant que la Russie commençait à se désagréger, que l’anarchie régnait, que Cronstadt s’était séparé, etc.
Pour résorber l’incident, une délégation (composée notamment de Tchkhéidzé et Gotz) fut dépêchée par le Soviet de Petrograd, puis par le Gouvernement provisoire (les ministres Skobélev et Tsérétéli). Ces derniers réussirent à faire voter par le Soviet de Cronstadt une décision de compromis en vertu de laquelle le commissaire devait être élu par le Soviet et confirmé dans son poste par le Gouvernement provisoire.
S’y ajouta une résolution de politique générale par laquelle le Soviet de Cronstadt déclarait que tout en reconnaissant le pouvoir du Gouvernement provisoire, «il ne renonçait nullement au droit de critique ni à son désir de voir la démocratie révolutionnaire créer un nouvel organisme du pouvoir central en transmettant la totalité du pouvoir au Soviet des députés ouvriers et soldats» ; il exprimait l’espoir que l’influence idéologique des bolcheviks suffirait pour y parvenir. La résolution se terminait par une protestation énergique contre la tentative d’attribuer aux bolcheviks de Cronstadt «l’intention de séparer Cronstadt du reste de la Russie ». [N.E.]
[5]. Le bonapartisme (du nom des deux empereurs français) est un gouvernement qui affecte d’être indépendant des partis, en mettant à profit la lutte aiguë que mènent entre eux les partis des capitalistes et des ouvriers. Servant en réalité les capitalistes, un gouvernement de ce genre s’attache surtout à tromper les ouvriers par des promesses et de menues aumônes.
[6]. La rébellion de Kornilov, soulèvement contre-révolutionnaire fomenté par la bourgeoisie et les propriétaires fonciers en août 1917 et dirigé par le commandant en chef de l’armée, le général Kornilov. La conspiration avait pour but de prendre Petrograd, de démanteler le parti bolchevique, de disperser les Soviets, d’instaurer la dictature militaire et préparer le rétablissement de la monarchie.
Le chef du Gouvernement provisoire, Kérenski, prit part au complot mais une fois le soulèvement déclenché, craignant qu’il serait lui-même balayé avec Kornilov, il se sépara de ce dernier et le déclara rebelle au Gouvernement provisoire.
La sédition fut déclenchée le 25 août (7 septembre). Kornilov lança contre Petrograd le 3e corps de cavalerie, dans la ville même les organisations contre-révolutionnaires se préparaient à intervenir.
Le parti bolchevique prit la tête de la lutte des masses contre Kornilov, sans cesser pour autant de dénoncer, comme l’exigeait Lénine, le Gouvernement provisoire et ses acolytes s.-r. et mencheviques.
Sur l’appel du C.C. bolchevique, les ouvriers de Petrograd, les soldats et les matelots révolutionnaires engagèrent la lutte. Les ouvriers de la capitale constituèrent rapidement des détachements de gardes rouges. Plusieurs comités révolutionnaires furent constitués. La progression des troupes de Kornilov fut stoppée. Démoralisées par la propagande bolchevique, elles commencèrent à se désorganiser.
La rébellion de Kornilov fut, étouffée. Sous la pression des masses le Gouvernement provisoire fut contraint d’ordonner l’arrestation de Kornilov et de ses acolytes, et de les traduire en justice pour rébellion. [N.E.]