Lénine, l’impérialisme et la domination du capital financier

« Concentration de la production avec, comme conséquence, les monopoles ; fusion ou interpénétration des banques et de l’industrie, voilà l’histoire de la formation du capital financier et le contenu de cette notion. »

C’est ainsi que Lénine synthétise les deux premiers chapitres de L’impérialisme, stade suprême du capitalisme ; cependant, il considère comme nécessaire d’expliciter de manière scientifique deux notions étroitement liées : celles de capital financier et d’oligarchie financière.

Lénine constate habilement qu’il n’est pas nécessaire de posséder entièrement une société pour avoir le contrôle de la direction ; le grand capital utilise d’autres sections du capital pour se renforcer lui-même. Lénine explique à ce sujet :

« En fait, l’expérience montre qu’il suffit de posséder 40% des actions pour gérer les affaires d’une société anonyme, car un certain nombre de petits actionnaires disséminés n’ont pratiquement aucune possibilité de participer aux assemblées générales, etc.

La « démocratisation » de la possession des actions, dont les sophistes bourgeois et les opportunistes pseudo-social démocrates attendent (ou assurent qu’ils attendent) la « démocratisation du capital », l’accentuation du rôle et de l’importance de la petite production, etc., n’est en réalité qu’un des moyens d’accroître la puissance de l’oligarchie financière. »

Le grand capital construit tout un système opaque de relations hiérarchiques, de maisons-mères, de filiales, pour masquer son jeu, diluer ses responsabilités en cas de souci d’une branche particulière.

Cela ne va pas sans contradictions et Lénine, lors de son étude de la situation, note bien qu’il existe une critique petite-bourgeoise de l’impérialisme.

Elle n’a aucun sens, car elle ne remet pas en cause le mode de production capitaliste, simplement le rapport de force au sein du capitalisme. Lénine dresse le constat suivant :

« Les faits monstrueux touchant la monstrueuse domination de l’oligarchie financière sont tellement patents que, dans tous les pays capitalistes, aussi bien en Amérique qu’en France et en Allemagne, est apparue une littérature qui, tout en professant le point de vue bourgeois, brosse néanmoins un tableau à peu près véridique, et apporte une critique – évidemment petite-bourgeoise – de l’oligarchie financière (…).

Toutes les règles de contrôle et de surveillance, de publication des bilans, d’établissement de schémas précis pour ces derniers, etc., ce par quoi les professeurs et les fonctionnaires bien intentionnés – c’est-à-dire ayant la bonne intention de défendre et de farder le capitalisme – occupent l’attention du public, sont ici dépourvues de toute valeur.

Car la propriété privée est sacrée, et l’on ne peut empêcher personne d’acheter, de vendre, d’échanger des actions, de les hypothéquer, etc. (…).

Le monopole, quand il s’est formé et brasse des milliards, pénètre impérieusement dans tous les domaines de la vie sociale, indépendamment du régime politique et de toutes autres « contingences ». »

L’ensemble de la société est façonnée par les besoins des monopoles, qui naissent sur le terrain de la propriété privée et par conséquent n’ont qu’à prolonger leur activité pour engloutir toujours plus la société fondée justement sur la propriété privée.

Le capitalisme devenu monopoliste est tellement puissant qu’il assure un contrôle toujours plus grand sur la société, de par sa force toujours plus grande, la vigueur de sa croissance. Il donne naissance à une fine couche sociale parasitaire, de personnes vivant de leurs rentes, de leurs placements financiers.

Cette couche n’entre même plus en rapport avec la production ; elle est entièrement séparée du travail. C’est déjà le cas dans le capitalisme – ce que ne voient pas les partisans du capitalisme libéral – et c’est cela qui fait que l’impérialisme est l’évolution logique du capitalisme, le stade suprême du capitalisme, son aboutissement ultime.

Lénine nous enseigne :

« Le propre du capitalisme est, en règle générale, de séparer la propriété du capital de son application à la production; de séparer le capital-argent du capital industriel ou productif; de séparer le rentier, qui ne vit que du revenu qu’il tire du capital-argent, de l’industriel, ainsi que de tous ceux qui participent directement à la gestion des capitaux.

L’impérialisme, ou la domination du capital financier, est ce stade suprême du capitalisme où cette séparation atteint de vastes proportions.

La suprématie du capital financier sur toutes les autres formes du capital signifie l’hégémonie du rentier et de l’oligarchie financière; elle signifie une situation privilégiée pour un petit nombre d’Etats financièrement « puissants », par rapport a tous les autres. »

Cet aspect financier, Lénine l’aborde en traitant de la question de l’exportation des capitaux.

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