Les chemises vertes, une mystique anticommuniste

Profitant de son implantation et des succès populistes de son agitation, Henri Dorgères fait alliance la droite agrarienne dans le cadre du Front paysan, juste quelques mois après le 6 février 1934 donnant lieu un sursaut populaire antifasciste dans tous les pays.

Il écrivait encore, en mars 1934, dans le journal le Progrès Agricole de l’Ouest :

« Pour ma part, je crois au développement d’un mouvement de genre fasciste »

Et en décembre 1935, il dit pourtant :

« je ne suis ni fasciste, ni antifasciste, je suis pour l’ordre, la justice, la propriété »

C’est une simple ré-orientation tactique, pour contourner le front antifasciste, en maniant l’apolitisme pour mieux mobiliser la paysannerie sur la base du « bon sens » communautaire.

L’Humanité raconte un épisode avec les chemises vertes et les agrariens

D’ailleurs, c’est au tournant de l’année 1934-1935 que la « défense paysanne » se dote d’un véritable service d’ordre du mouvement ; auparavant, Henri Dorgères avait profité des « dispos » des Croix de feu de La Rocque pour assurer certaines de ses réunions.

C’est que le Front paysan oblige à une certaine autonomie, du moins en apparence. Ainsi sont lancées les « Jeunesses paysannes » dirigées par Modest Legouez qui, calquées sur le modèle des Jeunesses Patriotes de Pierre Taittinger, vise surtout à contrer la gauche.

Voici comment Henri Dorgères présente une anecdote sur ces « chemises vertes » :

« Les socialistes et les communistes ont annoncé une contremanifestation et nos amis ont pris leurs précautions. Une centaine de jeunes paysans portant une chemise verte, assurent le service d’ordre.

300 gueulards veulent forcer l’entrée de notre salle. Ils sont éjectés en vitesse et courent se mettre à l’abri derrière les gardes mobiles qui ont été mobilisés. »

Cette jeunesse paysanne de type fasciste a un uniforme (chemises vertes) et toute une panoplie militante. Au serment de fidélité « croire, obéir, servir », calqué sur le « Croire, Obéir, Combattre » fasciste italien, s’accompagne d’un insigne où une fourche et une faux s’entrecroise sur une gerbé de blé.

Existent même des disques vinyles avec des chants d’un côté et les discours de Herni Dorgères de l’autre ; la brochure « Haut les fourches » est diffusée à plus de 100 000 exemplaires.

L’organisation développe alors son propre organe de presse du même nom que la brochure, devenant même un slogan lors de manifestations ou d’oppositions aux vente-saisies ou à la gauche socialiste et communiste.

Il y aura des tentatives de sections sportives, des groupes de théâtres ruraux ; l’insigne « haut les fourches » est même un label de qualité déposé sur les bouteilles de vin, notamment pour les vignerons de la Loire.

Jean Bohuon, l’ancien cultivateur-cultivant rallié à la défense paysanne déclare au congrès officiel des Jeunesses paysannes de décembre 1935 à Bannalec, dans le finistère :

« Nous les vieux, on lutte pour la revalorisation des produits agricoles, vous les jeunes, vous devez lutter pour la revalorisation des consciences. »

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Henri Dorgères et les chemises vertes