Les gens apprécient les dialecticiens. Pourquoi ? Car ils donnent de bons conseils pour la vie de tous les jours. Il aiment analyser toute situation non pas par charité ou pour se flatter mais parce que toutes les situations relèvent du reflet de la réalité et renferment des enseignements.
Et il y a un domaine où l’on demande souvent des conseils et où cela tient particulièrement à cœur, ce sont les relations et, a fortiori, les relations sentimentales.
Pour la majorité des gens, il est en effet très difficile de démêler la complexité des sentiments et des réactions humaines. Ces dernières sont en effet considérées à part, et encore plus en inter-relation avec leur complexité intime. Et si l’on parle de la jeunesse, les relations ne sont même presque plus, ou très difficilement reconnues en tant que telles, noyées dans un flot de rencontres facilitées, banalisées par l’usage des applications sur internet.
Face à cette complexité, souvent revient l’idée qu’il faut se connaître soi-même, notamment grâce au fait d’être autonome dans sa vie, avant de pouvoir commencer une vraie histoire d’amour. En parlant en des termes matérialistes dialectiques, cela revient à maîtriser un des aspects de la contradiction, puisqu’une relation est une contradiction entre deux personnes cherchant à se résoudre. C’est cela le moteur d’une relation.
En pratique, dans les discussions, grâce au matérialisme dialectique, il est possible de saisir les différents aspects, y compris ceux qui apparaissent comme secondaires ou sans rapport. Il ne suffit évidemment pas d’avoir le point de vue des personnes impliquées dans une relation mais aussi de mettre les choses en rapport avec le contexte et les autres niveaux de contradiction.
C’est une démarche qui n’a rien à voir avec la psychologie, car la psychologie sépare les choses, sépare les individus et ne vise qu’à recentrer sur soi. Cela ne permet, au mieux, qu’à deux individus d’avancer côte à côte en mettant en avant la « compatibilité », au lieu de mettre en avant l’existence d’une contradiction productive.
L’approche psychologique est malheureusement très répandue parmi les masses, principalement par le biais du développement personnel.
Ce dernier est une voie de garage psychologique qui n’est qu’une manière de faire peser le poids de la société sur l’individu et dont les méthodes principales sont l’auto-persuasion et la consommation (de paysages, de voyages, d’une multitude de styles de vie,de régime alimentaire, de salles de fitness, de pratiques sectaires de repli sur soi…).
Sous cette influence, les gens deviennent des petits rois et reine de l’illusion du bien-être et de la joie, sans cesser d’être tout à fait malheureux en leur for intérieur. Dans ces conditions, impossible de vivre de vraies rencontres.
Avec un tel arrière-plan historique, les dialecticiens sont, dans les discussions, le plus souvent assimilés à des psychologues savants, ou du moins, à des personnes s’intéressant à la psyché humaine, ce qui n’est pas faux bien entendu. Mais il existe un fossé entre les conceptions dialectiques et celles « psychologiques », un antagonisme profond qui sera un aspect de la bataille culturelle entre la bourgeoisie et le prolétariat.
Il y a également un autre travers possible quand on parle de relations, c’est de tomber dans la sociologie. Cette dernière introduit la notion de contexte historique avec les rapports d’oppression, mais ne voyant pas cela comme une contradiction, elle formule des solutions tranchées, volontaristes, niant la dignité du réel.
Ici, la richesse des rapports entre les êtres humains est nié au nom d’un formalisme qui démolit, qui assèche. On disqualifie l’autre, on nie la complexité, on supprime le rapport dialectique. Cela a pu donner entre autre, en tant que courant idéologique, le lesbianisme politique ou le séparatisme (entre hommes et femmes), mais le pragmatisme capitaliste qui rejette les sentiments au nom du calcul des bénéfices n’est pas fondamentalement différent.
Le matérialisme dialectique, lui, saisit les mouvements historiques en mettant en avant la contradiction millénaire entre les hommes et les femmes. Il comprend ce qu’est le patriarcat. Il regarde d’où viennent les gens, de quoi ils sont le produit, vers quoi ils se tournent. Il distingue les tendances en développement.
Soulignons toutefois un point, justement dialectique. Discuter avec une personne maniant la dialectique peut être tour à tour réconfortant et déboussolant, car cela expose, tout en remettant en cause. Qui plus est, cela ne saurait suffire à régler ses problèmes, sinon il suffirait d’avoir des consultants en dialectique.
Pour aller vers la symbiose et les relations harmonieuses, il faut évidemment changer les rapports sociaux et pour cela que les gens eux-même s’emparent de la dialectique et l’appliquent à tous les aspects de leur vie, pour en faire ressortir les contradictions.
Qui ne le fait pas ne peut pas prétendre à être communiste, et c’est précisément parce que plein de « contestataires » ne sont pas matérialistes dialectiques qu’il y a, de manière régulière, des viols et des personnes toxiques dans le milieu « militant ».
C’est là une situation de vie quotidienne corrompue par le capitalisme, reproduisant les crimes qu’on trouve dans la société. L’incapacité à s’emparer du matérialisme dialectique qu’on trouve ici reflète le caractère petit-bourgeois d’un tel milieu, révulsé de se soumettre à une idéologie toute puissante car scientifique.
Des relations saines pour l’homme nouveau, la femme nouvelle, passent par le principe de non-séparation entre les sentiments et la sexualité, entre les membres du couple et le couple lui-même. Dans le capitalisme, la pensée dominante affirme exactement l’inverse.
Et les femmes sont ici les premières victimes, car en reprenant la ligne dominante, elles vivent dans la répétition de leurs traumatismes et dans la reproduction moderne du patriarcat.
Les hommes qui s’alignent sur l’individualisme ambiant sont quant à eux surtout des profiteurs qui s’arrêtent à ce qui les arrange.
Dans ses Souvenirs sur Lénine, Clara Zetkin reconstitue de manière tout à fait claire le point de vue de Lénine.
« En tant que communiste, je n’ai pas la moindre sympathie pour la théorie du verre d’eau [qui affirme qu’on peut coucher avec quelqu’un comme on boit un verre d’eau], même quand elle arbore cette belle étiquette de « libération de l’amour ».
D’ailleurs, cette libération de l’amour n’est plus une chose nouvelle, pas plus qu’elle n’est communiste. Rappelez-vous qu’elle a été prêchée dans la littérature au milieu du siècle dernier, comme l’« émancipation du cœur ». Dans la pratique de la bourgeoisie, cette « émancipation du cœur » s’est révélée en fait comme l’« émancipation de la chair ».
La prédication était faite, à cette époque, avec plus de talent qu’aujourd’hui. Je ne puis juger à quel point elle reste en accord avec la pratique.
Ce n’est pas que j’aie l’intention de prêcher l’ascétisme. Pas le moins du monde.
Le communisme n’apportera pas l’ascétisme, mais la joie de vivre, la force, entre autres, par la satisfaction complète du besoin d’aimer. Mais je suis d’avis que cet abus des plaisirs sexuels que l’on constate en ce moment n’apporte ni la joie, ni la force.
Il ne fait que les diminuer. A l’époque de la Révolution, c’est grave, très grave !
C’est précisément la jeunesse qui a le plus besoin de joie et de force.
Du sport sain, de la gymnastique, de la natation, des excursions, des exercices physiques de toutes sortes, diversité des occupations intellectuelles !
Apprendre, étudier, faire des recherches, autant que possible en commun ! Tout cela donnera davantage à la jeunesse que les éternelles discussions et conférences sur les problèmes sexuels et les plaisirs de l’existence.
Des corps sains, des cerveaux sains : ni moine, ni Don Juan, ni non plus, comme milieu, le philistin allemand.
Vous connaissez notre jeune camarade X… Un garçon remarquable, très doué. Mais je crains qu’il n’arrive à rien de bon. Il bourdonne et va de femme en femme. Cela ne vaut rien pour la lutte politique, pour la Révolution.
Je n’ai aucune confiance dans la sûreté et la persévérance dans la lutte des femmes chez qui le roman personnel s’allie avec la politique.
Pas plus que dans les hommes qui courent après toutes les jupes et s’amourachent de toutes les femmes. Non, non, cela ne s’accorde pas avec la révolution !
La Révolution exige la concentration, le renforcement des énergies. Des individus autant que des masses.
Elle n’admet pas des excès, qui sont l’état normal des héros décadents à la d’Annunzio [écrivain italien d’esprit aventuriste et aligné sur le fascisme par la suite].
L’excès des plaisirs sexuels est un défaut bourgeois, c’est un symptôme de décomposition.
Le prolétariat est une classe qui monte. Elle n’a pas besoin de stupéfiant ni de stimulant.
Pas plus au moyen de l’excès des plaisirs sexuels qu’au moyen de l’alcool. Elle ne doit pas et ne veut pas s’oublier elle-même, oublier l’horreur et la barbarie du capitalisme.
Les motifs d’action, elle les tire de ses propres conditions d’existence et de son idéal communiste.
De la clarté, de la clarté, et encore de la clarté, c’est de cela qu’elle a surtout besoin ! C’est pourquoi, je le répète, pas d’affaiblissement, pas de gaspillage d’énergies !
La maîtrise de soi, la discipline intérieure, cela n’est pas de l’esclavage, même en amour ! »
Tout cela est très clair !