Les douze mois de l’année chez Bruegel

Le très riche percepteur Niclaes Jonghelinck avait acheté La Tour de Babel de Bruegel, ainsi par ailleurs que Le Portement de Croix.

Il était très proche du peintre et on sait également qu’il s’était procuré les « douze mois de l’année ». Si on n’est pas certain de ce à quoi cela fait référence, il a été conjecturé qu’il s’agissait de six tableaux, représentant chacun deux mois.

Cela est d’autant plus logique qu’alors aux Pays-Bas, on ne parlait pas de quatre saisons, mais de six : le pré-printemps, le printemps, le début de l’été, l’été avancé, l’automne et l’hiver.

Pour les œuvres concernées, on pense à La Journée sombre pour février et mars, La Fenaison pour juin et juillet, La Moisson pour août et septembre, La Rentrée des troupeaux pour octobre et novembre, Chasseurs dans la neige pour décembre et janvier.

Une œuvre est perdue ; La moisson et Chasseurs dans la neige sont des chefs-d’œuvre ici déjà valorisés.

La Journée sombre mérite bien son nom ; dans le coin droit, on voit deux enfants, avec une couronne (pour les rois mages) et une gaufre (comme au moment du carnaval).

On retrouve les éléments habituels chez Bruegel, avec une mise en perspective, un paysage montagneux inquiétant (et non présent aux Pays-Bas de toutes façons), etc.

Ce qui est par contre différent et indéniablement réussi, c’est le ciel : toute la surface concernée est grise et en mouvement, complètement en contraste avec le partie brune-ocre de la partie basse du tableau.

C’est à en regretter que le ciel n’ait pas mérité une peinture en lui-même, mais pour cela il aurait fallu une approche romantique qui ne peut être que post-protestante.

La fenaison, si on regarde bien, obéit au même découpage compositionnel.

Et il en allait pareillement pour La moisson et Chasseurs dans la neige !

Voici La Rentrée des troupeaux.

Si on regarde bien, la construction est celle de la moisson, mais inversée.

Il y a une pente descendante, qui aboutit à un prolongement dont le bout est qualitativement plus prononcé. Il y a un espace central aspirant.

Et on retrouve ce principe d’une ligne qui vient d’en haut pour s’étaler en contre-bas dans Le Suicide de Saül (33,5 cm sur 55 cm) et La Conversion de saint Paul (108 cm sur 156 cm).

Saül, roi d’Israël, se suicide après sa défaite face aux Philistins ; Paul (ou Saül) était un juif romain persécutant les chrétiens, mais ayant une vision et devenant littéralement le fondateur du catholicisme.

La Fuite en Égypte fonctionne pareillement selon le même principe. Joseph emmène Marie et le petit Jésus pour se réfugier en Égypte, le roi Hérode ayant décidé de tuer tous les enfants de moins de deux ans par peur du « roi des Juifs ».

Il en va de même pourLe Dénombrement de Bethléem, de 1556, de format 116 cm sur 164,5 cm. Bruegel joue sur un arc de cercle, et pour le combler il place souvent un cours d’eau, qu’il ajuste pour équilibrer l’ensemble.

On notera que les gens, dont Marie et Joseph, viennent se faire recenser à un endroit dont l’enseigne visible sur la droite représente en quelque sorte l’aigle double des Habsbourg,la couronne impériale et la chaîne de l’Ordre de la Toison d’Or !

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