José de Ribera (1591-1652) est un peintre espagnol qui est parti s’installer à Naples, sous domination espagnole. Si l’on parle du caractère décidé de l’esprit espagnol de ce temps, alors il faut se confronter à ces œuvres d’une présence forte, ténébreuse, à la fois raide et mobile.
Son Reniement de Saint Pierre, peint vers 1615, est d’un réalisme teinté de naturalisme. Il faut une vraie capacité de retranscription du réel pour parvenir à une telle composition, et les personnages nous marquent de leur détermination particulière à chacun.
Avec José de Ribera, on a la fougue de l’esprit, la netteté de la figuration, la clarté du positionnement, c’est-à-dire les caractéristiques de la posture espagnole au moment du siècle d’or. Inévitablement, c’est par des moments de tension extrême que c’est le mieux représenté.
On a alors tendance à lire quelque chose d’emporté, alors qu’en réalité c’est une mobilité fondée sur une grande raideur. Le Martyre de saint Barthélemy, vers 1616, est tout à fait représentatif de cette problématique.
Ce compagnon de Jésus, païen devenu apôtre, a fini écorché vif. Il est – cela ne s’invente pas – patron des bouchers, des tanneurs et des relieurs ! L’oeuvre est brutale, et même pleine de cruauté. Le personnage est raidi par sa position, puisqu’il est ligoté, et pourtant la scène est prise par le mouvement de celui qui massacre Barthélemy.
Raideur et mobilité, dans un cadre sombre, ténébreux, on retrouve tous les ingrédients de la conscience espagnole, qui se veut limpide mais est inquiète, se veut idéaliste tout en suivant rigidement des principes.
Voici La Flagellation du Christ et Le Martyre de saint Philippe, un apôtre qui fut lapidé et crucifié.
Deux œuvres sont d’une expressivité terrible, représentant deux figures tourmentées de la mythologie grecque, Ixion et Tytios.
José de Ribera a peint de très nombreux tableaux, et parmi eux on a plusieurs représentations de saint Jérôme.
On y retrouve l’attention extrême porté au corps – le peintre est souvent défini par les critiques d’art comme un « naturaliste ».
Cependant, il faut toujours avoir en perspective qu’une peinture est une composition, que les éléments se répondent.
On ne peut pas parler de naturalisme au sens strict lorsqu’est représenté une pose ou une situation figée de manière typique comme on en a dans les représentations religieuses.
On retrouve ici la question de ce qu’est le réalisme dans le cadre d’une société impériale et catholique. Plus que de naturalisme, il faudrait parler d’un réalisme encadré, avec des caractéristiques bien précises propres à l’émergence de la nation espagnole durant cette période de développement immense qu’est le « siècle d’or ».
On voit très bien comment la « légende noire » a frappé de son sceau l’histoire de l’Espagne dans les autres pays pour qu’un peintre comme José de Ribera ne dispose d’une renommée immense. S’il est bien entendu reconnu comme un immense artiste, et si le siècle d’or lui-même est reconnu comme tel, cela semble être quelque chose de totalement périphérique dans l’Histoire du monde, alors que naturellement, cela ne l’est pas du tout de par l’impact sur l’Amérique.
Voici le Portrait d’un musicien.
Voici Sébastien soigné par les saintes femmes.
Voici Le rêve de Jacob et Les larmes de saint Pierre, deux œuvres là encore réussies et puissantes, surtout la seconde. La profondeur psychologique est patente, la dimension humaine ressort avec une vigueur époustouflante, l’existence des personnages est palpable, prégnante même.
On imagine le degré de culture atteint par le siècle d’or à voir ces peintures. Pour parvenir à une telle intensité, il faut que la société soit en mesure de fournir au peintre les moyens de se confronter au réel et de parvenir à sa représentation.
Le vecteur catholique et impérial de cette peinture ne doit absolument pas masquer son double caractère, avec le réalisme qui jaillit parallèlement à l’émergence nationale espagnole.