La fin du mois d’août 1966 fut celui d’une grande effervescence des Gardes rouges, en particulier à Pékin. Leur ligne de conduite se fondait sur le combat contre les « quatre vieilleries » : les vieilles idées, la vieille culture, les vieilles coutumes, les vieilles habitudes.
On trouve une mise en perspective de cet aspect culturel dans l’éditorial du Quotidien du peuple du 1er juin 1966, Balayons tous les génies malfaisants (en fait les démons-vaches et les esprits-serpents, expressions pour désigner à son époque les figures fantastiques du poète Li He (791–817), particulièrement apprécié par Mao Zedong).
On y lit que :
« La question fondamentale pour la révolution est celle du pouvoir. Des différents secteurs de la superstructure — idéologie, religion, beaux-arts, droit, pouvoir —, c’est le pouvoir qui est le point essentiel.
Avec le pouvoir, on a tout ; en perdant le pouvoir, on perd tout (…).
Les classes exploiteuses ont régné sur le peuple travailleur pendant des millénaires, elles ont monopolisé la culture créée par lui et elles ont utilisé celle-ci pour le leurrer, le mystifier, l’endormir, afin de consolider leur pouvoir réactionnaire.
Ayant dominé pendant des millénaires, leur idéologie ne pouvait qu’exercer une grande influence sur toute la société. Leur domination réactionnaire a été renversée, mais ces classes ne s’avouent pas vaincues, elles cherchent toujours à utiliser leur influence pour préparer l’opinion à un retour au capitalisme dans les domaines politique et économique (…).
La révolution culturelle prolétarienne vise à détruire de fond en comble la pensée, la culture, les mœurs et coutumes anciennes, que les classes exploiteuses utilisèrent au cours des millénaires pour empoisonner le peuple, et à créer et développer parmi les larges masses populaires une pensée, une culture, des mœurs et coutumes totalement nouvelles, celles du prolétariat.
C’est une grande tâche que de réformer les mœurs et coutumes, et elle est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Tout l’héritage, toutes les mœurs et coutumes des classes féodale et bourgeoise doivent être critiquées totalement selon la conception prolétarienne du monde.
Arracher à la vie du peuple les coutumes néfastes venant de la vieille société exige du temps, mais l’expérience acquise depuis la Libération montre que nous pouvons y parvenir plus rapidement, si nous mobilisons pleinement les masses, appliquons la ligne de masse, faisons de la réforme des mœurs et coutumes un véritable et vaste mouvement de masse. »
Tout ce qui avait en rapport avec le culte de ces « vieilleries » fut attaqué, depuis les longues listes généalogiques des familles jusqu’aux antiquités, depuis les temples jusqu’aux monuments, ainsi que les noms des magasins, des rues, des écoles, des hôpitaux, etc. Les maisons des familles riches furent particulièrement ciblés pour en récupérer les objets traditionnels.
Les tenants de la servilité typique des traditions furent vilipendés et présentés comme des ennemis du peuple.
Les Gardes rouges se mobilisèrent également de manière extrêmement bien organisée pour voyager dans tout le pays, parfois même à pied dans des équipes de « longue marche », et répandre leur approche, notamment au moyen d’une petite ronéo portative pour imprimer des petits documents.
Des centaines de millions de petits livres rouges furent également publiées et Pékin abrita pendant quatre mois en permanence un million de Gardes rouges, qui allaient et venaient au gré de leurs activités depuis tout le pays.
Très concrètement, cela signifie ici que des lycéens et des étudiants se tournent vers les ouvriers et les paysans. On a un mouvement qui part de la jeunesse, politisée par le régime mais découvrant une incohérence dans l’activité de celui-ci en raison de la présence de « partisans de la voie capitaliste », et qui va aux ouvriers et aux paysans.
La déclaration en seize points avait, en prévision de cette rencontre, déjà lancé le mot d’ordre « Faire la révolution et stimuler la production ».
Aussi, malgré les achoppements, il se forma rapidement une vague de « rebelles » et de « révolutionnaires prolétariens », profitant des installations des entreprises (imprimeries, moyens de transports, salles, etc.) pour lancer leurs activités parallèlement à la production.
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