Les illuminations d’Arthur Rimbaud – 1re partie : le solipsisme

Arthur Rimbaud (1854-1891) est une figure littéraire extrêmement célèbre en France, ayant été valorisé comme grand symbole de la créativité et de l’adolescence.

Le fait qu’il est ait écrit des poèmes à quinze ans, fréquenté d’importantes figures littéraires de l’époque comme Paul Verlaine, puis cessé toute écriture à vingt ans, a été une source d’innombrables fascinations, d’autant plus puissantes que l’on ne connaît que très mal sa vie par la suite.

L’unique photographie connue avec certitude pendant longtemps a renforcé la dimension pratiquement magique de ses poèmes, considérés comme une affirmation de la modernité individuelle, de la libération du moi.

La réalité est cependant bien différente de cette valorisation idéaliste. En réalité, Arthur Rimbaud est le pur produit de la formation républicaine la plus conformiste émergeant à l’époque. Il a une formation entièrement académique ; c’est un latiniste éprouvé.

Ce qu’on appelle sa créativité n’est ainsi qu’une lancée délirante dans le solipsisme le plus virulent, accompagnant l’émergence du capitalisme engloutissant toute la société.

Il y a une dimension romantique chez Arthur Rimbaud : il proteste clairement contre certains traits typiquement bourgeois de la vie quotidienne. Néanmoins, il s’appuie pour cela sur un ultra-individualisme produit par le capitalisme lui-même.

Ce qui aurait été soit une véritable mélancolie produisant un souci esthétique comme chez Paul Verlaine, ou bien une quête esthétique d’harmonie qu’on trouvera dans le symbolisme.

Il n’y a toutefois rien de cela chez Arthur Rimbaud et c’est cela qui le conduisit à voir sa démarche littéraire s’effondrer totalement. Une fois atteintes les « illuminations », poèmes ultra-individualistes, quintessence de l’esprit bourgeois allant jusqu’à engloutir son propre environnement dans la subjectivité devenue subjectivisme, Arthur Rimbaud n’avait plus rien à dire.

Ne restait alors que l’aventure, comme fuite en avant, dans un esprit néo-colonial qui correspond également à une lecture subjectiviste de son propre environnement. Le colon est un bourgeois façonnant le monde selon sa propre lecture des choses, selon son bon vouloir.

Pour cette raison, Arthur Rimbaud fut toujours célébré par la bourgeoisie, mais en même temps celle-ci ne sut pas quoi en faire. Un certain esprit contestataire pouvait tenter de l’interpréter dans le sens d’une rébellion, au sens de quelqu’un allant jusqu’au bout d’une démarche pour anéantir sa propre démarche en même temps, comme une sorte de créativité s’auto-annihilant.

C’est là pourtant une lecture à la Nietzsche, avec son éternel retour opposant créativité-naissance et beauté-effondrement, qui n’a pas lieu d’être, car Arthur Rimbaud a assumé un contenu qui est bien celui du subjectivisme, poussé tellement loin qu’il va jusqu’à la négation du monde.

Arthur Rimbaud a assumé le solipsisme dans l’art et partant de là le caractère suicidaire du subjectivisme en général et dans les arts en particulier. Sa quête esthétique est marquée par une déstructuration générale, un goût prononcé pour l’auto-destruction, et cela de manière d’autant plus forte que, finalement, Arthur Rimbaud ne trouvait rien à dire.

Rien à dire alors que, en même temps, naissait le mouvement ouvrier, la social-démocratie, l’affirmation du socialisme, l’appel au communisme.

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