Les modalités du rapport État-monopoles selon Paul Boccara

Si l’État est façonné par les monopoles, c’est pour une raison très simple : selon Paul Boccara, les monopoles ne pourraient subsister sinon. Paul Boccara est ici, comme toujours, un disciple d’Eugen Varga.

Ce dernier avait développé une conception luxembourgiste du capitalisme ; une croissance capitaliste ne pourrait selon lui plus que provenir de l’extérieur, d’une conquête de zones non capitalistes. Or, le capitalisme se maintenait, donc il fallait trouver un justificatif à cela.

Il considéra alors que l’État, devenu neutre, servait de « cerveau » au capitalisme des monopoles, le guidant, le soutenant, lui ouvrant de nouveaux espaces.

Paul Boccara dit exactement la même chose. Voici comment il dresse le tableau des caractéristiques du capitalisme monopoliste d’État :

« Un premier trait caractéristique du capitalisme monopoliste d’État est constitué par le financement de type public de l’accumulation et de la production privées (…).

Le deuxième trait caractéristique, interférant, en effet, avec le premier, concerne le financement de type public ou collectif de certaines consommations et services (…).

Un troisième trait, en relation étroite avec les deux précédents, concerne les sources du financement de type public avec le prélèvement sur les revenus et l’intervention dans les circuits financiers (…).

Un quatrième trait, qui résulte des trois premiers, concerne la « programmation » publique et les « plans ».

L’intervention publique, désormais décisive dans le développement du capitalisme et concernant des décisions globales de portée durable, nécessite que ses diverses décisions soient beaucoup plus coordonnées que jadis (…).

Les derniers traits principaux du capitalisme monopoliste d’État se rapportent à l’économie mondiale.

L’exportation des capitaux publics encadre désormais, de plus en plus, l’exportation de capitaux privés et de marchandises par du capital dévalorisé publiquement, permettant d’assurer et de relever les taux de profits. »

Ce qui est essentiel ici – et qu’on ne peut pas voir si l’on n’a pas étudié le sens de la polémique provoqué par Eugen Varga en URSS, tant dans les années 1920-1930 que 1940-1950 – c’est la question de la capacité d’organisation du capitalisme.

L’un des grands combats de Staline a été d’écraser la conception social-démocrate du capitalisme organisé. C’est le sens de la mise à l’écart de Boukharine notamment. Or, Eugen Varga a réaffirmé ouvertement cette thèse après 1945, l’URSS l’a assumé officiellement après 1953.

Et si l’on regarde les caractéristiques mises en avant par Paul Boccara, on en retrouve la substance : le capitalisme peut se gérer, au moyen de plans.

La différence d’avec la social-démocratie des années 1930, c’est que le capitalisme n’est pas considéré comme s’organisant tout seul, mais sous la supervision de l’État.

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