Paul Gondrexon (1863-1915) n’a réalisé que très peu d’oeuvres, mais il serait dommage de ne pas mentionner En grève (1889) et Un accident (1891).
Si l’on est là dans un naturalisme typique, avec son pittoresque, ses traits forcés concernant les attitudes, la posture photographique, le ton misérabiliste, il est à noter que ce style marqué par une luminosité « asséchée » pour ainsi dire est extrêmement proche d’œuvres des pays de l’Est européen après 1945, avec une sorte de réalisme faible.
Ces deux oeuvres représentent indéniablement une forme de naturalisme tendant dans la bonne direction, malgré la dimension affaiblie, qui fait que l’oeuvre marque, mais n’imprime pas, n’accède pas à l’esprit de synthèse.
L’oeuvre de Paul-Louis Delance (1848-1924), Grève à Saint-Ouen, se situe dans la même perspective. On notera qu’il s’agit d’une manifestation, liée à une grève – on voit les usines à l’arrière-plan – mais dans le cadre de deux enterrements, évidemment à la suite d’une lutte, puisqu’on peut entrevoir deux corbillards.
On notera que cela se situe, ici encore dans une perspective républicaine, comme en témoigne une autre œuvre du peintre, Le Dimanche 4 septembre 1870, Jules Simon proclame la Répulique sur la place de la Concorde.
Parmi ces peintres témoignant d’une lutte ouvrière, mais avec une forme naturaliste non réaliste et par ailleurs éphémère, il faut mentionner Jules Adler (1865-1952), « le peintre des humbles ».
La grève au Creusot, une peinture de 1899, reflète tout à fait cette incapacité à ne pas basculer dans le pittoresque au lieu du typique, avec des personnages schématisés à l’extrême. Ce n’est évidemment pas pour rien qu’ici les drapeaux ne sont pas rouges, mais tricolores.
La manifestation Ferrer (le pédagogue franc-maçon libertaire Francisco Ferrer ayant été condamné à mort en Espagne), La Soupe des pauvres et Les las sont peut-être davantage intéressantes comme œuvres, dans la mesure où, au moins, le naturalisme souligne un certain côté sombre.
Le chemineau, de 1902, montre cependant à quel point on a affaire à un naturalisme très basique en général. La Transfusion de sang de chèvre de 1892, est une sorte de cliché naturaliste. On en revient directement à Emile Zola et sa conception expérimentale expliquée dans Le roman expérimental.
Le naturalisme est parallèle à l’émergence de la photographie, mais également de la décadence anti-réaliste de la bourgeoisie. L’engagement à travers des tableaux s’intègre de ce fait dans l’idéologie bourgeoise républicaine, parce la forme de ceux-ci est éloignée du réalisme, voire s’y opposant franchement.
D’ailleurs, le naturalisme s’effondrera d’une manière abrupte face aux coups de boutoirs des prétendues avant-gardes, reflet d’une bourgeoisie passée dans le camp définitif du subjectivisme, conformément à sa position de classe dominante.
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