Les peintres-photographes naturalistes: Victor Gilbert

D’origine populaire, Victor Gilbert (1847-1933) a été d’abord apprenti chez un peintre et décorateur, Eugène Adam, tout en prenant des cours d’art le soir à l’École de la Ville de Paris. Il va réussir sa carrière de peintre, devenant chevalier de la Légion d’honneur en 1897 ; voici une photo de lui dans son atelier, à cette période.

Cette intégration institutionnelle ne doit pas étonner ; la République n’a rien à craindre du naturalisme, qui n’a pas l’esprit synthétique et incisif du réalisme. La force des peintures des Ambulants russes lui fait défaut et il en va de ses œuvres comme de celles d’Émile Zola : c’est au mieux socialisant, au pire pittoresque.

C’est tout à fait visible dans Le carreau des halles, de 1880. Le typique disparaît derrière une sorte d’image pouvant servir de carte postale pittoresque. L’attention portée aux animaux est intéressante, mais le tout reste mièvre.

Le carreau des halles

Le jour de marché, de 1881, est du même acabit : la fragilité des travailleurs est dégradée en scène touchante, pathétique, originale, pittoresque, etc. Le marché aux fleurs, de 1885, est quant à lui carrément niais.

Le jour de marché
Le marché aux fleurs

Son œuvre la plus connue est sans doute La halle aux poissons, le matin, de 1880. Ici, le pittoresque devient grotesque. La déformation de la dignité du travail dans des traits grossiers est une caractéristique du naturalisme, tant en peintre qu’en littérature.

La halle aux poissons, le matin

La peinture Les cuisiniers aurait pu être plus élaboré, mais à la démarche tendant à l’impressionniste s’associe toujours cette fascination pour le grotesque, jusqu’au glauque, avec ces cuisiniers trinquant devant des animaux morts. On est ici aux antipodes de la dignité du réel.

Les cuisiniers

Le caractère moderniste, tendant à l’impressionniste, d’Une soirée élégante, témoigne de la faiblesse générale de ce peintre, photographe naturaliste figeant la réalité, en niant la vigueur.

Une soirée élégante

La moisson est déjà supérieure dans son approche du typique, mais sur le plan technique c’est encore d’une terrible faiblesse, le découpage photographique est forcé, l’aspect général mièvre, le pittoresque de rigueur, etc.

La moisson

Le marché aux légumes, de 1878, est sans doute l’œuvre la plus gâchée. Les bâtiments sont d’une atmosphère puissante, mais les personnages sont fictifs et leurs poses artificielles, la couleur verte de la salade omniprésente jusqu’au dégoût.

Le marché aux légumes

Voici enfin trois œuvres relativement plus intéressantes : Scène sur un marché français, Pêcheurs au déchargement.

Scène sur un marché français
Pêcheurs au déchargement

Tout cela ne va pas bien loin et comme en témoignent les deux œuvres suivantes (aux titres non trouvés en français), ainsi que Le marché aux fleurs (1880), on ne sort pas du pittoresque.

Le marché aux fleurs

=>Retour au dossier sur les peintres-photographes naturalistes