Le Royaume-Uni a colonisé « les Indes » ; le territoire est passé à partir de 1757 sous la coupe de la « Compagnie des Indes orientales », avant d’être administré directement par le gouvernement britannique assumant le contrôle du pays.
Pour comprendre la question musulmane dans l’Inde britannique, il faut regarder la proportion de musulmans et d’hindous.

Voici les chiffres des documents officiels de l’empire britannique à l’époque.
Date du recensement | Population hindoue | Population musulmane |
1867/1876 | 139 343 820 | 40 867 125 |
1901 | 158 601 288 | 53 904 517 |
1911 | 163 621 431 | 57 423 889 |
C’est l’un des points les plus importants et les plus significatifs : la population musulmane est importante, mais les Hindous sont trois fois plus nombreux. Cela tient à ce que les Indes ont été colonisées par les conquérants musulmans avant de l’être par le colonialisme britannique.
Le Nord des Indes devient le Sultanat de Delhi au 13e siècle et la conquête se prolongera jusqu’à l’empire des Moghols.
Cet empire, c’est notamment le fameux Taj Mahal ; c’est également pour le suzerain un trône en or serti de 26 733 pierres précieuses, pour un prix équivalant à l’époque à la construction du château de Versailles.
En pratique, la domination moghole était classique de l’Islam : la conquête militaire produit un État militaire, qui exerce un pouvoir centralisé et vit des tributs organisés administrativement de manière toujours meilleure. Cela instaure une féodalité, mais militarisée et encore largement liée à la logique du mode de production esclavagiste.

Un tel système ne pouvait qu’entrer en décadence et, naturellement, ne faisait pas le poids face au colonialisme britannique porté par le capitalisme en pleine lancée.
Le contraste justement entre la prépondérance de la minorité musulmane de l’époque précédente et la gestion coloniale britannique va provoquer une profonde inquiétude dans l’élite musulmane, bien entendu avant tout composée de féodaux.
Ce n’était pas seulement que, désormais, l’hindouisme et l’Islam apparaissaient comme équivalents, somme toute, face à l’empire britannique dirigé par des chrétiens.
C’est surtout – et c’est là absolument capital – que cela remet en cause la lecture tant des élites musulmanes que celles des hindoues.
Avant la colonisation, les musulmans considèrent l’hindouisme comme les restes d’une invasion qui n’est pas allée jusqu’au bout. Ils pensent que l’hindouisme va s’effacer. Inversement, les hindouistes considèrent l’islam comme le produit d’une invasion, et pensent donc qu’il va disparaître car formant un phénomène étranger.
Le colonialisme britannique vient annuler les prétentions des uns et des autres.

Cela impose une coexistence, qui de fait existait déjà, mais pas dans les imaginaires, pas dans les idéologies. Il y avait bien sûr des échanges religieux, des emprunts et des influences, ainsi que la naissance de syncrétismes. L’empereur Akbar essaya même d’impulser une Dîn-i-Ilâhî (religion de Dieu) pour relier Islam et hindouisme.
Mais les Moghols exprimaient la logique féodale-militaire de conquête de l’Islam, avec une tendance à l’esclavagisme, ce qui n’était aucunement capable de donner naissance à un phénomène idéologiquement supérieur.
Il y avait donc de la part des Moghols à la fois une acceptation qu’une majorité de la population des Indes était païennes, une volonté de convaincre, une envie de réprimer, une grande tolérance et une féroce agressivité.
Ce fut d’autant plus la panique sur le plan idéologique avec le colonialisme britannique et c’est là que naît la « théorie des deux nations ».
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