Les soleils couchants de Paul Verlaine et sa reconnaissance de la nature

Lorsque Paul Verlaine a assumé du romantisme (allemand, anglais, très clairement) le fait de se tourner vers la nature, alors un déclic se produit. En ce sens Paul Verlaine est un romantique authentique arrivant trop tard.

Il faut bien saisir ici que le romantisme véritable n’amène pas à parler de la nature, mais à placer l’être humain comme une des ses composantes. Il y a une dimension cosmique.

C’est cela que réussit Paul Verlaine dans une œuvre de très grande qualité, un bijou, dans une série dénommée Paysages tristes des Poèmes saturniens, dédié à un autre poète du Parnasse, Catulle Mendès.

Soleils couchants combine la nature, les sentiments, la mélodie ; Paul Verlaine est ici un virtuose.

SOLEILS COUCHANTS

Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.
La mélancolie
Berce de doux chants
Mon cœur qui s’oublie
Aux soleils couchants.
Et d’étranges rêves,
Comme des soleils
Couchants, sur les grèves,
Fantômes vermeils,
Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
À des grands soleils
Couchants, sur les grèves.

Comme Marine, Soleils couchants est composé de pentasyllabes. Tous les vers ont le même rythme, ou plus exactement le même nombre de syllabes, car par l’accentuation de certains mots, il y a une accélération ou une décélération. On a ainsi « la mélancolie » qui dure autant de temps que « berce de doux chants », impliquant un mouvement plus rapide pour ces derniers mots.

Voici le repérage du mouvement qui s’associe, comme le soleil se couche, aux espaces allongés. L’opposition dialectique est brillante.

SOLEILS COUCHANTS

Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.
La mélancolie
Berce de doux chants
Mon cœur qui s’oublie
Aux soleils couchants.
Et d’étranges rêves,
Comme des soleils
Couchants, sur les grèves,
Fantômes vermeils,
Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
À des grands soleils
Couchants, sur les grèves.

On notera que le terme de « défiler » implique un allongement également. L’idée est aussi présente dans les chants, qui s’étalent comme son, et pareillement le « cœur qui s’oublie » implique une durée continue.

Cela peut être vrai pour les « étranges rêves » mais le pluriel sous-tend une répétition et brise la continuité de l’allongement.

Voici le repérage de la lumière affaiblie, qui s’associe à la nervosité mélancolique.

SOLEILS COUCHANTS

Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.
La mélancolie
Berce de doux chants
Mon cœur qui s’oublie
Aux soleils couchants.
Et d’étranges rêves,
Comme des soleils
Couchants
,
sur les grèves,
Fantômes vermeils,
Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
À des grands soleils
Couchants
,
sur les grèves.

Voici le repérage des éléments musicaux qui reviennent en tant que tels.

SOLEILS COUCHANTS

Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.
La mélancolie
Berce de doux chants
Mon cœur qui s’oublie
Aux soleils couchants.
Et d’étranges rêves,
Comme des soleils
Couchants, sur les grèves
,
Fantômes vermeils,
Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
À des grands soleils
Couchants, sur les grèves.

Le jeu sur les sonorités est évidemment essentielle pour la fluidité mélodique du poème. Voici le repérage des sons « o » et « é »/ « è ». Le premier son est assez marqué de par l’ouverture qu’il implique comme son, le second est plus léger, plus tendant à la fluidité.

SOLEILS COUCHANTS

Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.
La mélancolie
Berce de doux chants
Mon cœur qui s’oublie
Aux soleils couchants.
Et d’étranges rêves,
Comme des soleils
Couchants, sur les grèves,
Fantômes vermeils,
Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
À des grands soleils
Couchants, sur les grèves.

Voici le repérage de la lettre « l » et des sons « ou » / « an ». Le premier son atténue, les deux autres sont des sons prolongés et marqués.

SOLEILS COUCHANTS

Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.
La mélancolie
Berce de doux chants
Mon cœur qui s’oublie
Aux soleils couchants.
Et d’étranges rêves,
Comme des soleils
Couchants, sur les grèves,
Fantômes vermeils,
Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
À des grands soleils
Couchants, sur les grèves.

Et, il y a donc le compactage. Il est ici assez minimaliste puisque Paul Verlaine reprend des éléments clefs qu’il fait revenir. Il a trouvé une bonne formule qu’il fait se répéter et le lien à la nature lui amène à véritablement cadrer son œuvre. C’est là une clef essentielle.

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