L’URSS socialiste a connu deux constitutions, tout à fait différentes dans leur approche et dans leur esprit. La première constitution considérait en effet qu’une partie de la population devait être mise à l’écart des décisions de l’État – celle ne vivant pas du fruit de son travail.
Tant les anciennes couches sociales dominantes (bourgeoisie, clergé, cadres militaires…) que la petite-bourgeoisie encore présente était exclue de toute possibilité d’influencer l’État.
A cela s’ajoute que le droit de vote, s’il concernait à la fois les ouvriers et les paysans, était organisé de telle manière à ce que les ouvriers aient l’hégémonie.
La seconde constitution a une démarche tout à fait contraire, puisqu’elle instaure la citoyenneté soviétique, concernant toutes les personnes vivant en URSS. Elle efface même la distinction entre ouvriers, paysans et les couches intellectuelles.
L’esprit des deux constitutions est donc très différent. La première instaure une démocratie uniquement pour les ouvriers et les paysans, en appuyant les ouvriers. La seconde instaure la démocratie la plus totale, aussi fut-il parlé de « la constitution la plus démocratique du monde ».
La première constitution est, à ce titre, très inégale dans sa conception. Elle instaure l’URSS, mais en tant qu’État en construction, dont les fondements ne sont pas encore réellement établis, et ce de manière assumée.
La seconde constitution est, par contre, résolument équilibrée. Elle l’est en fait tellement que, dans sa définition même, elle est d’ailleurs davantage démocratique que socialiste, le Parti venant simplement appuyer le caractère démocratique qui, selon la conception d’alors, allait naturellement, sans accrocs, de l’avant dans le développement du socialisme, jusqu’au communisme.
Il est bien connu qu’il y a ici une sous-estimation de la dimension culturelle – idéologique dans les étapes de développement du socialisme, ce que Mao Zedong corrigera avec le principe de la révolution culturelle.
Il est marquant d’ailleurs de noter ici la différence fondamentale entre la constitution soviétique de 1936 et la constitution chinoise de 1975.
La constitution soviétique de 1936 traite uniquement de l’État dans ses fondements démocratiques, le Parti étant présenté simplement, dans un article placé pratiquement vers la fin et de manière isolée, comme le regroupement des gens les plus avancés sur le plan de la conscience.
La constitution chinoise de 1975 affirme quant à elle dès le début que le Parti dirige la société et que son idéologie est le marxisme-léninisme Pensée Mao Zedong. Alors que la constitution soviétique de 1936 présente un cheminement graduel, linéaire, littéralement dépolitisé, la constitution chinoise affirme un chemin spécifique, dans les conditions chinoises, de la démarche à adopter (la Pensée Mao Zedong).
De manière fort logique, la constitution soviétique de 1936 aboutit ainsi aux thèses du XIXe congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchevik) de 1952, caractérisées par une dépolitisation au profit d’une lecture mécanique de la croissance des forces productives.
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