L’évaluation au début 1949

Il va de soi que la défaite des mineurs produisit une mobilisation en leur faveur. Voici les paroles d’une chanson intitulée Le chant des partisans de l’amnistie aux mineurs, reprenant bien entendu la mélodie du Chant des partisans.

« Amis, écoutez :
C’est ici, parmi nous,
C’est en France.

Amis, écoutez :
Grandes sont l’injustice,
La souffrance.

Leur cri, écoutez,
C’est leur cri qui nous poursuit,
Nous harcèle.

Ils sont en prison
Pour avoir combattu
Par la grève,

Ce droit, c’est le leur
Cependant chaque jour
Qui se lève.

Contre la misère
Ils sont toujours au combat,
Ceux des mines.

Ce sont ces vaillants
Qu’on veut avoir par la faim,
La vermine.

La pensée qu’ils ont
Leurs enfants dans les pleurs
Les ravage.

Quand ils sortiront,
Ils seront sans emploi,
Au chômage.

Mais ils restent fiers
Ceux qui sous les hitlériens
Ont fait grève.

Il y a des gens
Qui croient pouvoir les mater,
C’est un rêve.

Amis, nous allons
Délivrer les mineurs
De leurs serres.

C’est nous qui ouvrons
Les portes des prisons
Pour nos frères.

Nous crions : assez !
Libérez tous les mineurs,
C’est justice.

Nous crions : assez !
Amnistie pour les mineurs,
Amnistie. »

Reste qu’à la suite de l’échec de la grève des mineurs en 1948, la situation est lugubre pour le Parti Communiste Français et la CGT. Cette dernière se tourne vers une revendication qu’elle pense porteuse : une hausse des salaires de 25 %.

Quant au Parti, il remet en avant la grève politique de masses, qui était le pendant social-démocrate de la « grève générale » des syndicalistes révolutionnaires. Mais c’est trop tard et artificiel.

Il croit pourtant qu’il peut s’en sortir, au moyen de ce mot d’ordre et en cachant ses problèmes derrière le Mouvement Communiste International. Car la révolution chinoise triomphe, la guerre civile grecque d’immense ampleur a marqué les esprits, et de fait les démocraties populaires marchent en tandem avec l’URSS.

On a alors une sorte de mélange éclectique entre la grève comme principe et le thème de la paix qui devient absolument central.

Parallèlement, la répression commencée ne s’arrête pas. André Houllier est tué par un policier en civil le 12 décembre 1948 en banlieue parisienne, alors qu’il collait une affiche pour la paix réalisée par André Fougeron.

De manière notable, tant cet épisode que la grève des mineurs passeront dès la mort de Staline totalement à la trappe, et cet épisode du colleur d’affiches assassiné est absolument méconnu.

Voici comment, en janvier 1949, Jacques Duclos fait le bilan de la situation alors.

« En ce début de 1949, alors que la classe ouvrière et les masses populaires se préparent, avec courage et confiance, à de nouveaux combats, il n’et pas inutile de dresser le bilan des luttes livrées et des succès remportés au cours de l’année 1948.

Au mois de septembre 1947, au cours de la Conférence des neuf partis communistes et ouvriers, qui se tint en Pologne, notre regretté camarade Jdanov soulignait que dans la lutte entre le camp impérialiste et le camp anti-impérialiste on assistait au développement des forces de démocratie et de paix.

Avec force et précision, le camarade Jdanov mettait la classe ouvrière en garde contre le danger principal la menaçant, à savoir la sous-estimation de ses propres forces et la surestimation des forces de l’adversaire.

Et Jdanov ajoutait : « Si les Partis Communistes frères restent fermes sur leurs positions, s’ils ne se laissent pas influencer par l’intimidation et le chantage, s’ils se comportent résolument en sentinelles de la paix durable et de la démocratie populaire, de h souveraineté nationale, de la liberté et de l’indépendance de leur pays, s’ils savent, dans leur lutte contre les tentatives d’asservissement économique et politique de leur pays, se mettre à la tête de toutes les forces disposées à défendre la cause de l’honneur et de l’indépendance nationale, aucun des plans d’asservissement de l’Europe ne pourra être réalisé. »

L’année 1948 s’est déroulée en France et dans le monde sous le signe de luttes acharnées dont la classe ouvrière et l’ensemble de forces de paix et de liberté sont sorties plus puissantes et mieux préparées en vue des futurs combats.

Il y a un an, au début de 1948, les ouvriers français sortaient des grandes grèves de novembre et de décembre 1947.

Au nombre de deux millions et demi, pendant plus d’un mois, les travailleurs de chez nous avaient courageusement lutté pole la défense de leurs revendications.

Ces grèves avaient eu pour origine la réduction insupportable du pouvoir d’achat des masses laborieuses.

C’est ainsi qu’en avril 1947, alors que les communistes étaient encore au gouvernement, les salaires représentaient 70 % du pouvoir d’achat de 1938, et en novembre les salaires des travailleurs ne représentaient plus que 49% du pouvoir d’achat d’avant-guerre.

Avec une parfaite unanimité de vues, les dirigeants socialistes et les gaullistes qui venaient de se livrer aux plus cyniques collusions à l’occasion des élections municipales, s’employaient à présenter les grèves sous un jour insurrectionnel. Les ennemis de la classe ouvrière s’employaient ainsi à isoler la classe ouvrière et à dresser contre elle les masses paysannes et les classes moyennes des villes.

On notait, aussi bien chez les paysans que parmi les classes moyennes des villes, une meilleure compréhension des luttes ouvrières que par le passé et l’on voyait se produire de très significatives actions de solidarité.

Dans ces conditions, la propagande officielle faite auprès des paysans et des classes moyennes urbaines n’obtint pas le succès escompté. Et à peine le mouvement de grèves fut-il terminé que le gouvernement se livra à une attaque brutale contre les paysans, les artisans, les commerçants et les membres des professions libérales en leur appliquant le prélèvement Mayer avec le retrait des billets de 5.000 francs et la dévaluation du franc.

L’année 1948 débutait ainsi sous le signe d’une politique d’avilissement des conditions d’existence des masses laborieuses des villes et des campagnes.

C’était là la conséquence de la marshallisation de la France. Aussi le mécontentement s’étendait-il à de très larges couches de la population.

En janvier 1948, on vit se dérouler en plein Paris une manifestation contre les accords Blum-Byrnes livrant le cinéma français aux milliardaires de Hollywood ; on vit aussi les boutiquiers se rassembler pour définir et défendre leurs intérêts et la Conférence nationale paysanne du Parti Communiste exprima à la fois les inquiétudes et les revendications du monde paysan.

A l’appel de l’Union des Femmes Françaises, de puissantes démonstrations féminines se produisirent, le 7 mars, dans diverses villes de France et notamment à Paris où 100 000 Parisiennes défilèrent sur les grands boulevards.

[Suit une analyse de l’agressivité militariste de l’impérialisme.]

Le peuple de France ne veut pas faire la guerre; il ne veut pas la faire à l’U.R.S.S., notre alliée, et cela inquiète les impérialistes d’outre-Atlantique qui, eux, veulent avoir à leur disposition une France prête à se battre pour leurs intérêts.

On comprend que devant une telle situation, les agents français des gouvernants de Washington songent à porter des coups au Parti Communiste qui est l’âme de la résistance aux agissements’ criminels des fauteurs de guerre.

L’HÉROÏQUE GRÈVE DES MINEURS

Bien entendu, la grève des mineurs a été l’occasion de violentes attaques contre notre Parti, mais là encore les résultats escomptés n’ont pas été obtenus.

La grève héroïque des mineurs, qui a duré huit semaines, a suscité un profond courant de sympathie. et de solidarité tant sur le plan international que sur le plan national.

Le gouvernement et plus particulièrement le ministre de l’Intérieur, Jules Moch, pensaient, qu’en se livrant contre les mineurs en grève à une odieuse politique de répression, ils allaient semer le découragement et la résignation.

Leurs espoirs ont été déçus ; loin d’avoir devant eux des mineurs « soumis » et « repentants », ils ont des prolétaire résolus, dont le coeur est empli d’une haine tenace et dont la volonté de lutte, loin de s’être émoussée, s’est aiguisée et durcie dans le combat.

Quand des mineurs sont scandaleusement condamnés et emprisonnés tandis que les gangsters du marché noir, les affameurs sont l’objet de la sollicitude déférente des autorités, une colère légitime s’empare de la classe ouvrière tout entière et de la masse des honnêtes gens.

La grève des mineurs a été une étape particulièrement importante de la lutte des classes en France. Rien n’a été négligé par le gouvernement pour battre les mineurs.

Afin de pouvoir concentrer toutes ses forces contre eux, le gouvernement donna satisfaction aux travailleurs de l’électricité et du gaz, à ceux du métro et aux sidérurgistes de Lorraine, mais par cela même il ouvrait la porte à d’inévitables augmentations des salaires et des traitements comme l’exigent les travailleurs de la fonction publique.

Et les résultats de leur grève se feront sentir aussi pour les mineurs. qui sont sortis moralement vainqueurs de leur magnifique combat.

Quant aux attaques dirigées contre le Parti Communiste Français, par Jules Moch à l’occasion de la grève des mineurs, elles ont tourné à la confusion du ministre de l’Intérieur qui, d’accusateur qu’il prétendait être, a été transformé en accusé.

La frénésie anticommuniste du gouvernement s »accentue en même temps que s’amenuisent ses bases d’influence.

C’est cette politique anticommuniste qui a abouti à l’assassinat par un agent de police du communiste André Houllier, de Saint-Mandé, alors qu’il collait un tract reproduisant l’affiche du peintre Fougeron pour la défense de la paix.

Mais tout cela. loin de réduire l’autorité du Parti Communiste, pousse des masses de plus en plus importantes à lui accorder leur confiance.

Chacun comprend que si le Parti Communiste mérite la haine et les persécutions des ennemis du peuple et des naufrageurs de l’indépendance nationale, il mérite, par cela même, que le peuple se rassemble autour de lui pour défendre sa vie et son avenir.

Les élections de Firminy, en plein centre minier, où fut tué le mineur Barbier, ont montré que l’influence du Parti, loin de diminuer, augmente, cependant que l’on voit se réduire celle des partis de la troisième force et celle des gaullistes.

Les dirigeants du Parti socialiste S.F.I.O. perdent chaque jour de l’influence, comme le montrent toutes les élections.

Le M.R.P. voit une partie de clientèle passer au R.P.F. et l’on a pu constater que les députés du M.R.P. en votant la loi Moch-Giacobbi pour l’élection du Conseil de la République, ont fait en quelque sorte hara-kiri, en donnant la primauté à des considérations de classe sur l’intérêt de leur parti.

Quant au Parti radical-socialiste, qui se présentait autrefois comme le défenseur de la laicité, il a admis dans son dernier congrès l’appartenance de ses membres au R.P.F. qui reprend le thème de Pétain sur les subventions aux écoles confessionnelles.

L’anticommunisme sert de base de rassemblement à toutes les formations qui, de Blum à de Gaulle constituent le Parti américain.

C’est ainsi qu’on a vu le R.P,F. élire le socialiste Dardel maire de Puteaux. On a vu aussi les conseillers municipaux R.P.F., socialistes et M.R.P. voter pour un candidat commun (socialiste) à Firminy.

Mais la pression populaire a été telle que l’élection comme maire du camarade Combe révoqué par Jules Moch n’a pu être empêchée par les anticommunistes.

On comprend pourquoi Jules Moch laisse bien tranquille les gaullistes responsables de l’assassinat de Grenoble. A la vérité, en dépit de querelles subalternes, il y a complicité entre les dirigeants des partis gouvernementaux et les gaullistes dont ils font ke jeu.

Sur le plan de la marshallisation, de Gaulle est comme Queuille, tout dévoué aux maitres américains et c’est uniquement par tactique qu’il s’efforce de donner une nuance un peu différente à ses explications sur l’Allemagne qu’il veut comme alliée contre l’U.R.S.S., tout comme Queuille, Moch et Cie (…).

Au cours de l’année 1948 qui vient de s’achever, les forces de démocratie et de paix ont gagné du terrain.

L’U.R.S.S. a remporté de grandes victoires dans la réalisation de son plan quinquennal, les pays de démocratie populaire ont remporté des succès tant sur le plan économique que sur le plan politique.

Enfin, les événements considérables de Chine, la résistance du peuple grec et les mouvements de libération des peuples opprimés, témoignent du renforcement prodigieux du camp anti-impérialiste et de défense de la paix.

Dans la lutte pour le rassemblement de la classe ouvrière et des forces populaires que les circonstances lui font une obligation impérieuse de développer, notre Parti doit dénoncer le rôle joué par les dirigeants socialistes.

C’est ce que souligna le Comité Central du Parti dans sa session d’Ivry des 15 et 16 novembre, après avoir exalté la grève des mineurs dans les termes suivants :

« La magnifique grève revendicative des mineurs, qui dure depuis plus de six semaines, et l’obligation où se trouve l’Etat-patron de s’attaquer, après l’échec de la terreur et des mensonges, à la vie de leurs enfants, par la suppression des allocations familiales, attestent l’élévation exceptionnelle de la combattivité et de la conscience de la classe ouvrière française. » (…)

Et ce qui est vrai sur le plan de la situation intérieure en France, l’est aussi sur le plan de la situation internationale, comme l’a souligné le camarade Molotov en déclarant, à l’occasion du XXXIe anniversaire de la Révolution socialiste d’octobre:

« Les fondements de l’impérialisme s’ébranlent de plus en plus et deviennent peu sûrs.

En même temps, grandissent et s’unissent les forces de la démocratie, de la paix et du socialisme.

Dans ces conditions, les forces impérialistes bâtissent de plus en plus souvent leurs calculs sur l’exacerbation du caractère agressif de leur politique, sur la création d’une atmosphère d’hystérie guerrière, etc.

Tous ces procédés sont bien connus.

Mais plus messieurs les instigateurs d’une nouvelle guerre feront de bruit, et plus ils éloigneront d’eux les millions de petites gens de tous les pays, et plus ces messieurs se trouveront isolés au point de vue international.

En même temps, le camp international des partisans de la paix et de la démocratie à l’avant-garde duquel se trouve l’U.R.S.S., se consolide de plus en plus et se transforme en une grande force indestructible. »

C’est donc en pleine conscience du renforcement de notre camp anti-impérialiste, en pleine compréhension des perspectives de victoires qui sont devant nous, que nous devons aborder l’année 1949.

Nous devons l’aborder avec l’esprit de résolution de combattants convaincus que leurs efforts auront de très grandes répercussions sur le développement ultérieur des événements, dont nous pouvons et devons faire sortir la victoire des peuples, la victoire de l’indépendance nationale, la victoire de la liberté, la victoire de la paix. »

Le combat pour la « paix » devient la nouvelle ligne du Parti Communiste Français.

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et les trois grèves historiques : 1947, 1948, 1949