Lors de la destruction de la population juive d’Europe par les nazis, seulement la moitié environ des personnes assassinées le furent de manière industrielle, au moyen des camps d’extermination, les sinistres Auschwitz, Treblinka, Bełżec, Sobibor, Chełmno, Majdanek.
Les nazis procédèrent à la « Shoah par balles », sur le tas, parallèlement à leurs conquêtes militaires. Cet aspect est totalement négligé et incompris en France, ce qui fut largement employé par les négationnistes niant qu’il y ait eu un « plan » d’extermination et niant les chambres à gaz, sans jamais parler et pour cause de la « Shoah par balles ».
Ce qu’il s’agit de comprendre, c’est que les S.A. avaient comme base idéologique un « socialisme national » prônant l’unité de l’Allemagne sur une base pangermaniste et sa « purification » du pouvoir de « l’argent ». Les choses s’arrêtaient là en termes de dynamique idéologique ; il s’agissait d’un anticapitalisme romantique, d’une sorte de « repli sur soi » absolu.
Or, la dynamique avait naturellement servi l’expansionnisme impérialiste des monopoles, qui profitèrent de cet élan. Seulement, une fois conquis de vastes territoires, une idéologie uniquement « allemande » ne suffisait pas : il fallait disposer de leviers pour profiter de mobilisations pro-nazies dans les autres pays, il fallait une idéologie justifiant le rôle « mondial » de l’Allemagne nazie.
Cela, c’est la S.S. qui lui fournira ; le passage de la « Shoah par balles » au génocide industriel reflète la montée en puissance de la S.S. qui, contrairement à la S.A., agissait directement dans une perspective « mondiale ».
A la base, la S.S. est l’escadron de protection (Schutzstaffel) d’Adolf Hitler, qui devint une structure nationale en janvier 1929, dirigée par Heinrich Himmler. Le rôle de la S.S. était à la base de protéger Adolf Hitler ; le recrutement puisait dans les « meilleurs » éléments de la S.A..
Toutefois, la S.S. surveillait par ailleurs la S.A., servant de la « police militaire » de celle-ci le cas échéant, et également de système secret de surveillance au sein du parti nazi ; ici on retrouve le « Service de sécurité » (Sicherheitsdienst) de la SS, qui surveillait également les opposants et soutenait les forces nazies d’autres pays (Autriche, Tchécoslovaquie…).
La S.S. fut ainsi un appareil technique, sur une base élitiste – elle n’a que 4 000 membres en 1931, 52 000 membres en 1933 – et c’est ainsi qu’avec la prise du pouvoir, elle se charge d’organiser la police allemande (Ordnungspolizei – police de l’ordre), ainsi que de gérer les camps de concentration.
Par la suite, la S.S. forma des troupes militaires d’élite, la Waffen-SS, qui organisa ensuite notamment des regroupements militaires internationaux sous sa supervision (Divisions « Charlemagne » composée de Français, « Landstorm Nederland » de Néerlandais, « Hunyadi » de Hongrois, etc.), s’appuyant pour recruter sur le concept de « Volksdeutsche » (« Membres du peuple allemand », sans être allemand de nationalité, avec une définition « raciale »).
La Waffen SS passa de 16 000 personnes en 1937 à 90 000 en 1940, 236 000 en 1942, 500 000 en 1943, 600 000 en 1944 ; son recrutement devint de plus en plus ouvert, et dans tous les cas les troupes étaient connues pour leur brutalité extrême et leurs massacres innombrables.
Ce sont d’ailleurs les « Einsatzgruppen » (groupes d’intervention) de la SS qui menèrent la « Shoah par balles », liquidant par ailleurs des cadres politiques ennemis d’autres pays, des prisonniers de guerre, etc. ; bien entendu, c’est la S.S. qui supervisa le génocide industriel des populations juives, rom et sinti.
La S.S. est ainsi la S.A. de l’époque de la conquête impérialiste ; au « socialisme national » allemand a succédé la bataille pour la suprématie mondiale « aryenne ». L’idéologue nouveau sur ce plan – toujours considéré comme non officiel par le parti nazi – est Alfred Rosenberg (1898-1946), par l’intermédiaire de son ouvrage « Le mythe du XXe siècle ».
Toute la camelote mystique nazie puise son origine ici. Alfred Rosenberg ne s’intéresse pas à l’Allemagne historique, comme le faisaient les théoriciens nationaux-socialistes, Rudolf Jung en premier lieu. Alfred Rosenberg dresse en effet un tableau général de l’histoire du monde comme conflit entre les « Aryens » et les « races » inférieures.
Cette idéologie totalement idéaliste alla de pair avec toute une série de fantasmes occultistes (la terre serait « creuse », l’univers « fermé », le Tibet hébergerait le « roi du monde », etc.)
Alfred Rosenberg, à côté donc de son rôle essentiel de propagandiste antisémite, a ici synthétisé une idéologie prônant un retour au folklore païen, une « âme » aryenne traversant les époques et resurgissant – ce qui ici sert bien entendu de justificatif aux conquêtes nazies.
Le fascisme tournait ici en roue libre, l’idéologie S.S. était une excroissance liée à l’organisation du pouvoir de manière adaptée à la guerre impérialiste, comme nouvelle superstructure historique.