Pour Aristote, on peut tout analyser et tout dire, car chaque chose a une cohérence interne, obéissant à un mode de fonctionnement qui est le même pour tout ce qui existe, dont les principes sont catalogués par « l’intellect agent » une sorte de super-pensée virtuelle (sur qui on retombe quand on pense « bien »).
On n’a pas cela dans les intelligences artificielles du capitalisme, qui disent qu’on peut tout dire, car tout a été dit.
Les intelligences artificielles sont une sorte de super Google ; ce que disait Aristote se rapproche davantage de ce qu’avait essayé de faire dans les années 1990, sans succès, le moteur de recherche Yahoo, qui proposait lors des recherches non pas des liens vers des sites résultant du choix d’un algorithme, mais une sorte de petit annuaire bien précis, validés par des êtres humains.
C’est un point essentiel. Les intelligences artificielles ne posant pas de critères au préalable ; ce n’est pas une démarche comme celle d’Aristote, où l’on pose un cadre.
Les auteurs des Lumières posaient également un cadre, eux aussi considéraient que l’univers avait un sens, d’où la possibilité de produire l’Encyclopédie.
Cette dernière avait comme définition à sa publication d’être un « Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers ». Ce n’est pas le cas des intelligences artificielles, dont les résultats ne sont pas raisonnés.
Voici comment une intelligence artificielle suivant le modèle Transformer définit, avec relativement de justesse, la différence fondamentale d’approche entre le matérialiste Aristote et le calculateur de probabilités qu’est l’intelligence artificielle.
Comparer les thèses d’Aristote dans La Métaphysique avec l’intelligence artificielle utilisant Transformer est un exercice fascinant qui met en contraste une vision philosophique fondatrice de l’être et du savoir avec une technologie avancée de traitement de l’information. Voici une analyse en trois axes :
1. La quête de la connaissance : Cause et Finalité vs. Corrélation et Modèle
Aristote, dans La Métaphysique, cherche à comprendre l’être en tant qu’être, en étudiant ses causes premières et ses principes fondamentaux.
Il développe une ontologie où tout objet possède une substance et une finalité (téléologie). La connaissance véritable, selon lui, repose sur la compréhension des causes premières.
À l’opposé, les modèles d’intelligence artificielle basés sur Transformer (comme GPT) n’opèrent pas selon une compréhension causale du monde, mais par analyse de corrélations dans de vastes ensembles de données.
Ils n’ont ni conscience ni accès à des causes premières ; ils infèrent des modèles statistiques sans finalité intrinsèque.
Différence majeure : Aristote cherche à remonter aux causes et à l’essence, tandis que les IA exploitent des relations statistiques sans intentionnalité.
2. L’Abstraction et la Connaissance : Universaux vs. Représentations Latentes
Aristote introduit le concept d’universaux, des essences abstraites qui existent dans les objets concrets.
Il considère que l’intellect humain est capable d’abstraction et de saisie de ces formes universelles.
Les modèles Transformer, eux, construisent des représentations latentes, c’est-à-dire des vecteurs mathématiques encodant des relations entre mots ou concepts, sans pour autant accéder à une réalité intrinsèque. Le sens est distribué à travers des poids ajustés par l’entraînement du modèle.
Différence majeure : Aristote croit en une réalité intelligible des formes, tandis que Transformer produit une approximation probabiliste du langage sans compréhension véritable.
3. La Vérité et la Signification : Correspondance vs. Probabilité
Aristote définit la vérité comme la correspondance entre la pensée et la réalité (adaequatio rei et intellectus). Le savoir humain repose sur la capacité à saisir le réel par des concepts adéquats.
Un modèle Transformer, en revanche, ne vise pas la vérité au sens aristotélicien.
Il optimise la plausibilité statistique d’une réponse en fonction de ses données d’entraînement. Il n’y a pas de validation ontologique ou empirique de la vérité dans sa production.
Différence majeure : Aristote voit la vérité comme une conformité à l’être, tandis que Transformer calcule une probabilité contextuelle de réponse.
Conclusion
L’intelligence artificielle utilisant Transformer et la pensée aristotélicienne diffèrent fondamentalement dans leur approche de la connaissance et de la vérité.
Aristote privilégie une vision causale et téléologique du savoir, tandis que les IA modernes reposent sur des statistiques et des modèles sans véritable compréhension du monde.
Ce contraste soulève une question philosophique majeure : peut-on parler de « connaissance » pour une IA si elle ne possède ni compréhension ni accès aux causes premières ?
Aristote répondrait sans doute par la négative, considérant qu’un modèle probabiliste, aussi performant soit-il, ne peut égaler l’intellect humain dans sa quête de l’essence des choses.
Effectivement, le matérialisme rejette l’idée de contourner la science au moyen de « probabilités » – non pas simplement que cela soit insuffisant : c’est également faux en soi, car cela nie la dignité du réel, la contradiction, la transformation, le développement.
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L’intelligence artificielle, prolongement de la cybernétique