L’Internationale Communiste à la fin des années 1930

L’investissement en faveur de l’antifascisme en Espagne devint l’aspect principal de l’orientation de l’Internationale Communiste, avec la considération qu’un succès en Espagne ferait pencher la balance du bon côté, d’autant plus que l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste soutiennent militairement le coup d’État franquiste. C’était là pour le court terme : pour le long terme, l’Internationale Communiste portait une attention extrême au développement du Parti Communiste de Chine de Mao Zedong.

L’appel du premier mai 1937 de l’Internationale Communiste s’appuie donc avant tout sur la lutte antifasciste espagnole, qui représente littéralement toute l’époque. Cependant, il n’y a pas de réussite dans la tentative de parvenir à un accord avec les socialistes regroupés dans l’Internationale ouvrière socialiste pour une mobilisation envers l’Espagne.

L’aile gauche de l’Internationale ouvrière socialiste consistant en la social-démocratie autrichienne avait été brisée par l’austro-fascisme en 1934 (même si le dirigeant de ses milices, Julius Deutsch, a été actif comme général dans l’armée populaire de la république espagnole), la SFIO française était pacifiste et sur une ligne de non-intervention en Espagne y compris dans le cadre du Front populaire au gouvernement, le Labour britannique était sur une position droitière tout comme le Parti Ouvrier Belge.

L’Espagne antifasciste

Qui plus est, le Parti Communiste d’Allemagne n’arrivait toujours pas à s’aligner sur la perspective du Front populaire, alors que la social-démocratie allemande y était opposée tout en étant entièrement impuissante sur le terrain.

La grande catastrophe se produisit alors en juillet 1937, avec l’invasion japonaise de la Chine. Cela avait comme conséquence directe de rendre plus compliquée et prolongée la révolution chinoise. C’était d’autant plus vrai que l’Internationale Communiste ne comprenait pas réellement la démarche de Mao Zedong qui dirigeait alors le Parti Communiste de Chine dans une lutte armée populaire victorieuse, sous la forme d’une guerre du peuple.

Mao Zedong en 1938, écrivant De la guerre prolongée

Toute cette mauvaise perspective apparente fut accentuée par le constat de l’échec de l’Internationale syndicale rouge. L’anéantissement concret de la section allemande faisait qu’il ne restait réellement que les syndicats soviétiques et ceux de Tchécoslovaquie, car la CGT Unitaire française avait fusionné avec la CGT dans le prolongement du Front populaire. C’était là une réussite au niveau français, mais un coup mortel au niveau international puisque la CGT réunifiée restait dans le cadre de la Fédération syndicale internationale, dite Internationale d’Amsterdam.

Il fut alors procédé en décembre 1937 à la dissolution de l’Internationale syndicale rouge, afin de gagner une possibilité de faire intégrer les syndicats soviétiques à la Fédération syndicale internationale.

Entre-temps, Léon Blum avait démissionné en juin 1937 du gouvernement du Front populaire qui passa dans les mains du radical Camille Chautemps. C’était le reflet de l’absence de perspective possible, même si Léon Blum revint de manière éphémère en mars-avril 1938 pour vite céder la place au radical Edouard Daladier.

Il était à ce moment-là clair que la République espagnole était dans une situation extrêmement difficile – la guerre civile sera définitivement terminée par la défaite en avril 1939 – et que les tendances nationalistes et militaristes l’emportaient. L’Internationale Communiste fut même obligée de procéder à la dissolution du Parti Communiste de Pologne en août 1938 pour avoir littéralement capitulé devant le régime fasciste polonais mis en place par Józef Piłsudski, mort en 1935.

Si l’on ajoute à cela que l’Allemagne nazie avait envahi et annexé l’Autriche en mars-avril 1938, et que la France et le Royaume-Uni avait signé en septembre 1938 les accords de Munich laissant l’Allemagne nazie démanteler la Tchécoslovaquie libérale-démocratique et annexé les Sudètes, alors il était clair que la seconde partie des années 1930 formait une terrible séquence pour l’URSS se retrouvant littéralement seule en Europe.

Staline, le dirigeant de l’URSS

La Tchécoslovaquie, un pays capitaliste développé (pour la partie tchèque), disposait d’une solide armée et une opposition franco-soviéto-britannique à l’Allemagne nazie aurait été marquée de succès. Il était clair que cette perspective était désormais entièrement close, que dans le cadre de la bataille pour le repartage du monde, la France et le Royaume-Uni comptait laisser l’Allemagne nazie partir à l’offensive anti-soviétique afin de tirer leur propre épingle du jeu impérialiste.

Le 5 novembre 1938, à l’occasion de l’anniversaire de la révolution d’Octobre, le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste affirma ainsi clairement que la seconde guerre mondiale a en fait déjà commencé.

« Au moment où les peuples de la République soviétique achèvent la construction d’une société socialiste sans classes et avancent plein de confiance vers le communisme, le monde capitaliste est en proie à une fièvre guerrière inquiétante.

La deuxième guerre impérialiste, une guerre de brigands pour une nouvelle répartition de la planète, a en fait déjà commencé.

Elle fait déjà rage dans divers coins du globe.

En Espagne et en Chine, les bouchers fascistes font leur abominable travail.

Plus de cinq cents millions d’êtres humains ont été précipités dans l’abîme de la destruction sanglante. La guerre menace de s’étendre à de nouveaux territoires et d’impliquer de nouveaux peuples. »

Et le moteur de cette guerre, ce sont les États fascistes à l’œuvre pour le repartage du monde.

L’article du milieu de l’année 1939« Il y a vingt-cinq ans – et aujourd’hui » publié dans la presse de l’Internationale Communiste exprime sans ambages la situation terrible alors :

« Il y a vingt-cinq ans, l’humanité faisait face au plus grand crime de l’histoire de l’humanité. Déchaîné par une bande de capitalistes avides de pouvoir et d’argent, la guerre impérialiste mondiale s’est précipitée sur les peuples (…).

Dans les jours et les années où les dirigeants sociaux-démocrates, côte à côte avec la bourgeoisie réactionnaire, ont étouffé la révolution prolétarienne dans ses débuts, a été rendu libre la voie pour la deuxième guerre impérialiste mondiale.

La guerre mondiale était terminée, mais l’impérialisme était resté. Cet impérialisme a pris dans les pays où il est apparu de manière trop juste une forme particulièrement agressive.

Il a donné naissance dans ces pays à des bandes de meurtriers fascistes, avec l’aide de qui la démocratie a été détruite et le peuple forcé à forger sans mot dire les armes d’une nouvelle guerre.

L’impérialisme allemand, italien et japonais s’est donné comme but non seulement de forcer un repartage violent du monde, mais également de mettre une fin à toute liberté dans le monde et de mener un petit regroupement de capitalistes à la domination barbare décomplexée sur toute la planète.

La lutte des impérialistes allemands, italiens et japonais pour la domination du monde est en même temps une campagne de destruction contre tous les droits démocratiques fondés sur la liberté de tous les peuples, aussi limités et réduits que soient ces droits.

L’agression des États fascistes a donné libre cours à la seconde guerre impérialiste. Cette guerre aurait déjà commencé plus tôt et serait passé à un monstrueux massacre mondial s’il n’y avait pas dans le monde une gigantesque force de pays qui n’existait pas en 1914 : l’Union Soviétique socialiste. »

Restait pour l’URSS à voir comment se sortir d’une situation où elle devenait la cible numéro 1 à la suite des accords de Munich où la France et le Royaume-Uni laissaient l’Allemagne nazie s’étendre à l’Est de l’Europe.

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l’Internationale Communiste des Brigades Internationales à la dissolution