L’intervention de l’armée lors de la révolution culturelle chinoise et la tentative de coup d’État militaire

Afin de chercher à neutraliser les Gardes rouges, les partisans de Liu Shaoqi et Deng Xiaoping profitaient de leur liaison avec l’armée. Pour cette raison, le 5 octobre 1966, le Comité Central du Parti Communiste de Chine annula le rôle dirigeant des comités du Parti dans les lycées et les universités militaires. 18 millions d’armes à feu furent distribuées aux masses, ainsi qu’une dizaine de milliers de pièces d’artillerie et trois millions de grenades.

On était passé à la question directe du pouvoir et à Shanghai, la principale ville industrielle, les gardes rouges et les rebelles, au nombre d’un million, dirigés par Wang Hongwen, renversèrent même la municipalité en janvier 1967, afin de former une Commune.

Cette « tempête de janvier » fut considérée par Mao Zedong comme une initiative formant un modèle et au bout d’un mois la Commune de Shanghai fut formalisée comme « Comité révolutionnaire », suivant le principe de la « triple alliance » devant se généraliser dans le pays : la triple alliance formait un Comité révolutionnaire en unissant le Parti, l’armée et les rebelles, et remplaçait les institutions précédentes.

Cette triple alliance déplut fortement, dans sa substance, au « nouveau courant d’idées », avec notamment Yang Xiguang, voulant le démantèlement du Parti et de l’État pour un pays entièrement organisé en communes. Cette petite faction ultra-gauchiste, très forte toutefois dans la région du Hunan, fut liquidée en 1968.

Mais surtout, les cadres de l’armée n’étaient majoritairement pas favorable à la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. Concrètement, l’armée intervint ainsi, sans employer les armes, en penchant pour l’un ou l’autre des courants des Gardes rouges et des rebelles. L’affrontement idéologique culmina même en le « contre-courant de Février », où une partie des responsables de l’armée assumèrent de s’opposer à Mao Zedong.

L’intervention de l’armée se généralisa pendant toute l’année 1967, avec des conflits ardus dans toutes les villes importantes. Les incidents se multipliaient avant de connaître une certaine stabilisation vers la fin de l’année, alors qu’à partir de l’été 1968, les équipes de propagande de la pensée Mao Zedong de l’armée furent envoyés dans les écoles, les institutions et les agences gouvernementales où le factionnalisme se maintenait encore.

Lin Piao, Zhou Enlai, Mao Zedong

Ce processus favorisait Lin Piao, ministre de la défense à partir de 1959. Il représentait le courant de l’armée favorable à la rupture avec les principes soviétiques ; lui-même écrira en 1965 Vive la victorieuse guerre populaire !, où l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie étaient définies comme les campagnes encerclant les villes. La même année, il mit en place le Petit Livre Rouge pour le diffuser dans l’armée.

Au milieu de l’année 1967, c’est lui qui devint la position clef dans le régime, puisqu’en faisant pencher la balance par l’armée, il facilitait une orientation ou une autre. En s’opposant aux partisans de Liu Shaoqi et Deng Xiaoping, il assit les fondements de la ligne de Mao Zedong du nouveau régime et au 5 septembre 1968, l’ensemble du pays avait comme administration des « Comités révolutionnaires ».

En octobre 1968, Liu Shaoqi fut rejeté du Parti lors de la 12e session plénière du huitième Comité Central, dont environ 65 % des membres et des suppléants avaient été purgés.

Mao Zedong et Lin Piao

Lin Piao devint de facto le numéro deux du pays. C’est lui qui lit le rapport politique au 9e congrès du Parti, en avril 1969, où sa position de numéro 2 est publiquement ratifiée, alors que 80 % du personnel du Comité Central, y compris ses suppléants, a été changé.

Il va alors se produire ce que Mao définit par la suite comme « un combat entre deux quartiers-généraux ».

Une tendance se forma en effet inévitablement dans l’armée considérant que, après tout, l’armée avait décidé de l’issue de la bataille et qu’elle était le garant de l’ordre, que le Parti avait été mis de côté par les Gardes rouges et les rebelles sur le plan de l’initiative politique, idéologique et culturelle.

La conclusion était que l’armée devait former l’ossature elle-même du régime. Mao Zedong avait posé une nouvelle approche, une nouvelle dynamique, il fallait désormais la solidifier.

En août 1970, au moment de la seconde session plénière du nouveau Comité Central, Lin Piao tenta ainsi de nommer Mao Zedong président de la république, c’est-à-dire qu’il devait servir de symbole d’une période désormais concrétisée par la prise de la direction du pays par l’armée.

Cela allait de pair avec une incessante propagande en faveur de Mao Zedong qui serait un nouveau « pic », un « génie », etc. C’était un moyen d’en faire une figure vidée de sens et justifiant la main-mise de l’armée.

On était passé ici d’une approche de soutien à Mao Zedong sur un mode unilatéral, dont le Petit Livre Rouge mis en place par Lin Piao était le symbole, à une position d’ultra-droite.

Mao réfuta cette initiative pro-armée et commença à remettre de l’ordre en faisant reculer les prérogatives de l’armée. Parallèlement, le Parti désorganisé par les affrontements à partir de 1966 se réorganisa ; entre novembre 1970 et août 1971, l’ensemble des comités au niveau des provinces était reconstitué.

Cela provoqua une situation de cristallisation et d’opposition entre le Parti en réaffirmation et l’armée.

La situation était d’autant plus tendue qu’au sein du Parti, l’armée tenait un nombre essentiel de postes : 13 postes au Bureau Politique sur 25, 64 postes au Comité Central sur 170, 21 postes de président des Comités Révolutionnaires au niveau des provinces sur 29 (et 90 sur 250 pour les postes de vice-président), 22 postes de premier secrétaire des Comités provinciaux du Parti syr 29 (et 95 postes de secrétaires sur 158).

La ligne de Mao Zedong l’emportait cependant inlassablement et la fraction de l’armée la plus opportuniste tenta le tout pour le tout. Lors du premier mai 1971, Lin Piao n’apparut qu’une minute et en septembre, il tenta un coup d’État passant par l’assassinat de Mao Zedong.

Ce fut l’échec et Lin Piao tenta de se réfugier en URSS, mais son avion se crasha en Mongolie le 13 septembre.

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