Le soir du 21 mars 1968, à 21 heures, la tour de contrôle de l’aéroport de Prague reçoit un appel de détresse de trois avions cargo soviétiques prétendant manquer de carburant. Ils reçoivent l’ordre de se mettre en relation avec l’aéroport militaire de Kbely, où en réalité s’est déroulé un coup de force pro-soviétique.
Ils se posent alors sans autorisation sur l’aéroport de Prague, qui était fermé pour la nuit en raison de prétendues réparations sur ordre du ministre adjoint de l’Intérieur tchécoslovaque Viliam Šalgovič, agissant en fait sur ordre du KGB. Des parachutistes avaient également sauté depuis les machines.
Le directeur de l’aéroport bloque alors « Velin », l’interface placée dans un endroit secret gérant l’eau, l’électricité, le gaz, le chauffage, la ventilation, etc ; les agents soviétiques mettront trois jours à le trouver. Mais les agents soviétiques amenés par les avions ont amené des câbles, des groupes électrogènes, de quoi illuminer les pistes et même un radar.
Au même moment, lors d’une session du présidium du Comité Central du Parti Communiste de Tchécoslovaquie, Vasiľ Biľak attaque immédiatement Alexander Dubček et appuyé notamment par le rédacteur en chef de l’organe du Parti, le Rudé právo, Oldřich Švestka, propose un document où il est affirmé que les États du Pacte de Varsovie ont eu raison de parler de contre-révolution en Tchécoslovaquie.
La bataille fait alors rage puis à 22h30, le chef du gouvernement, Oldřich Černík, reçoit un coup de téléphone et déclare aux autres :
« L’occupation commence. Ils viennent. Les armées de cinq pays ont franchi les frontières et nous occupent. »
250 000 hommes et 4200 tanks, avec présence et supervision soviétique, ont en effet envahi la Tchécoslovaquie depuis la RDA, la Pologne et la Hongrie, des forces bulgares étant présentes dans ce dernier cas.
Le directeur général des télécommunications Karel Hoffmann, passé dans le camp soviétique, fait fermer toutes les communications téléphoniques ainsi que les télé-radiodiffusions. Seul opère Radio Vltava diffusant le point de vue soviétique.
Miroslav Šulek, ancien responsable de l’agence de presse tchécoslovaque CTK, tente à minuit de faire envoyer un message d’un « gouvernement révolutionnaire ouvrier-paysan » aux membres du Pacte de Varsovie, il en est toutefois empêché.
De son côté le présidium du Comité Central du Parti Communiste de Tchécoslovaquie rédige un appel « à tout le peuple », mais il ne peut passer à la radio que lorsque celle-ci est rétablie vers 4h30 du matin, alors qu’une édition spéciale du Rudé právo est publiée avec l’appel.
Le voici.
A tout le peuple de la République socialiste tchécoslovaque
Hier, le 20 août 1968, vers 23 heures, les troupes de l’ Union soviétique , de la République populaire polonaise , de la République démocratique allemande , de la République populaire hongroise et de la République populaire bulgare ont franchi la frontière de la République socialiste tchécoslovaque.
Cela s’est passé à l’insu du Président de la République, du Président de l’Assemblée nationale, du Premier ministre et du premier secrétaire du Comité central du Parti communiste et de ces organes.
A ce moment-là, le présidium du comité central du parti communiste s’est réuni pour préparer le XIVe Parti du congrès. Le présidium du Comité central appelle tous les citoyens de notre république à rester calmes et à ne pas résister à l’avancée des troupes. C’est pourquoi même notre armée, la sécurité et la milice populaire n’ont pas reçu l’ordre de défendre le pays.
Le Présidium du Comité central du Parti communiste considère cet acte non seulement comme ne respectant pas les principes des rapports entre États socialistes, mais aussi comme une négation des normes fondamentales du droit international.
Tous les hauts responsables de l’État, du Parti communiste et du Front national demeurent dans leurs fonctions. Ils ont été élus représentants du peuple et membres de leurs organisations conformément aux lois et aux autres normes en vigueur dans la République socialiste tchécoslovaque.
Les fonctionnaires constitutionnels convoquent immédiatement une réunion de l’Assemblée nationale, du gouvernement de la République. Le présidium du comité central du parti communiste convoque la plénière du comité central du parti communiste pour débattre de la situation.
Présidium du Comité central
21. 8. 1968