Entre le cinquième et le sixième congrès, il s’est déroulé plusieurs années. Le premier congrès avait eu lieu en 1919, le second en 1920, le troisième en 1921, le quatrième en 1922, le cinquième en 1924. Le sixième se tint quant à lui en 1928.
Cela ne veut pas dire, bien entendu, que l’Internationale Communiste ne fonctionnait pas ou que la direction était paralysée. Le Comité Exécutif s’était réuni cinq fois entre le cinquième et le sixième congrès, dont trois fois de manière élargie (soit avec successivement 281, 246 et 195 délégués, contre 75 et 72 délégués pour les deux sessions normales).
Cependant, un écart de plusieurs années entre les congrès était une première et c’est très lourd de sens. Il s’est passé de nombreuses choses dans l’Internationale Communiste et la tenue du congrès s’en est vue d’autant repoussé.
La raison principale est que l’élan de la vague révolutionnaire mondiale avait modifié son centre de gravité. Ce n’était plus l’Europe qui était en ébullition, mais certains pays asiatiques. Il fallait donc impérativement que l’Internationale Communiste parvienne enfin à concrétiser son orientation en faveur des peuples opprimés par les pays impérialistes.
Cependant, cela allait de pair avec l’émergence d’un esprit de capitulation, tant en URSS que dans les rangs communistes des pays européens. Ce qu’on appelle le trotskysme était apparu et rejetait l’idée que l’URSS puisse se maintenir et la vague révolutionnaire se prolonger dans les pays d’Asie sous la forme de révolutions démocratiques anti-impérialistes.
Le trotskysme prônait la « révolution permanente », c’est-à-dire la révolution socialiste comme objectif immédiat et mondial ; il se présentait ainsi comme ultra-révolutionnaire, alors qu’il ne reflétait que la capitulation devant les nouvelles tâches.
Zinoviev, qui avait dirigé l’Internationale Communiste depuis ses débuts, n’était pas en accord avec le trotskysme, mais il avait porté lors des cinq premiers congrès un certain « urgentisme ». Cela le fit converger avec le trotskysme et, pour cette raison, il fut remplacé par Nicolas Boukharine. C’est ce dernier qui orchestra le congrès.
Celui-ci se tint du 17 juillet au 1er septembre 1928 ; le mouvement communiste international avait alors atteint une dimension significative. Les Partis membres ou sympathisants de l’Internationale Communiste regroupaient alors 1 789 859 membres ; leurs organisations de jeunesse avaient 2 225 300 membres.
Le congrès rassembla 515 délégués de 57 pays ; 372 eurent le droit de vote en tant que tel, 143 seulement un vote à valeur consultative.
La répartition des voix obéissait encore à un savant calcul alliant l’importance du Parti, du pays, de la situation. On peut lire, à travers le nombre de voix, l’évaluation faite par l’Internationale Communiste de ses différentes sections.
La partie russe de l’URSS dispose de 50 voix, l’Internationale Communiste de la Jeunesse 30 voix.
La France a 31 voix (dont trois pour l’Indochine, trois pour l’Algérie, une pour la Tunisie) ; l’Allemagne a 25 voix, tout comme la Tchécoslovaquie.
La Chine a 20 voix, tout comme les États-Unis. L’Angleterre a 19 voix, l’Italie a 18 voix, la Pologne a 14 voix. L’Ukraine soviétique a 9 voix, la Suède 8 voix, la Finlande 7 voix, la Bulgarie 6 voix, le Japon 5 voix.
La Yougoslavie a 4 voix, tout comme l’Argentine, l’Autriche, la Belgique, le Canada, la Roumanie, et la Biélorussie soviétique.
L’Inde a 3 voix, tout comme l’Indonésie et le Mexique, mais également comme les Pays-Bas, l’Union sud-africaine, le Danemark, la Suisse, ainsi que la Géorgie soviétique et l’Azerbaïdjan soviétique.
Ont 2 voix la Grèce, la Perse, le Brésil, la Colombie, la Lituanie ; ont 1 voix le Chili, l’Arménie, l’Espagne, la Turquie, la Palestine, l’Irlande, la Lettonie et l’Uruguay.
N’ont pas pu venir les délégués d’Australie, de Corée, de Cuba, d’Égypte et du Portugal.
Ces délégués relèvent d’un certain renouvellement. 114 d’entre eux avaient été présents au Ve congrès, 82 au IVe, 71 au IIIe, 37 au IIe, 10 au premier. L’écrasante majorité a entre 20 et 40 ans, signe d’un élan dans la jeunesse.
La moitié des délégués étaient des ouvriers, autour de 25 % des professions libérales, un peu moins de 20 % des employés, 3 % des paysans. Par contre, 96 % étaient des hommes, ce qui fut considéré bien entendu comme un problème de fond.
=>Retour au dossier sur le sixième congrès
de l’Internationale Communiste