Les S.A. avaient une démarche particulièrement agressive, principalement dans les années 1931-1932, années de guerre civile larvée. Un exemple parlant est la situation à Berlin en juin 1930 : en une semaine il y eut pas moins de 25 attaques par les S.A., avec comme bilan 5 morts, 38 grièvement blessés, 75 légers. Par la suite, la situation ne fit que s’envenimer.
Un autre exemple berlinois fut, le 12 septembre 1931, à l’occasion du nouvel an juif appelé Rosh Hashana, lorsque les S.A. menèrent une grande opération antisémite dans le quartier chic de l’avenue Kurfürstendamm (qui fait 3,5 kilomètres de long), dont un quart des personnes y vivant étaient juives.
Agissant ainsi, ils prolongeaient des activités antisémites récurrentes dans ce quartier, notamment le samedi soir. Pendant 45 minutes et en absence de toute police, 1000 S.A. agressèrent ainsi les personnes ayant « l’air » juif à leurs yeux et attaquèrent la sortie d’une synagogue. L’organisation était méthodique : les chefs se trouvaient dans un camion roulant sur l’avenue Kurfürstendamm et envoyaient des émissaires en moto pour informer les troupes.
Le principe même des S.A. tient précisément à cette intervention brutale, marquant les esprits, avec comme principe l’apparition d’une jeunesse de moins de 30 ans (et surtout entre 20 et 25 ans) en uniforme brun, en adoptant une démarche militarisée, avec une stricte hiérarchie. Les personnes au-dessus de 40 ans pouvaient éventuellement faire partie de la « réserve » des S.A., utilisée si besoin était.
Afin de renforcer l’unité et la discipline, les S.A. disposaient sur leurs uniformes, chacun payant le sien, de signes indiquant les grades et même l’origine géographique, sur une base s’appuyant sur les symboles impériaux. Chaque section disposait de son propre drapeau nazi à son nom, avec des tailles réglementaires et obligatoires, et ce drapeau, comme les responsables S.A., devaient obligatoirement être salué.
De fait l’objectif est bien sûr physique, dans une logique d’affrontement, mais il est également idéologique-culturel. D’ailleurs, les S.A. ne possédaient pas de formation politique en tant que telle, malgré diverses tentatives à ce niveau. A partir de 1930, une période d’accompagnement de quatre semaines était toutefois théoriquement nécessaire à tout nouvel S.A. avant d’obtenir une adhésion complète, mais il est évident qu’en pratique ce n’est pas cela qui comptait pour les chefs locaux.
Le programme tenait, de fait, à la démarche même, comme « vision du monde ». Les uniformes, les drapeaux et les bannières, les marches organisées en détail, la musique militaire, les chansons militantes, tout cela formait un ensemble précis, devant former un appel d’air activiste.
Les S.A. se divisaient en pratique tout d’abord en regroupement de 4 à 12 personnes, formant au niveau supérieur une troupe d’une vingtaine à une soixantaine de personnes environ. Trois de ces regroupements formaient la « section » en tant que telle. Deux niveaux supérieurs existaient encore, regroupant à chaque fois trois unités du niveau inférieur, permettant à la fois donc des interventions locales et d’autres en grand nombre, avec plusieurs centaines de personnes.
Au-delà de la dimension militaire, il y a une dimension politique conforme à l’idéologie des S.A. comme « levée en masse » populaire. En effet, dès qu’une unité à un certain niveau a atteint un certain niveau de croissance, elle se divise telle une cellule, en deux unités équivalentes.
Géographiquement, cela signifie aussi que le niveau d’intervention se réduit au fur et à mesure. La S.A. « Standarte I » agissait en 1926 l’ensemble de la ville de Berlin. Suite à la croissance et à la division s’en procédant, elle n’agissait plus en 1928 que dans trois quartiers : Spandau, Charlottenburg et Tiergarten. En 1932, elle n’agissait plus qu’à Charlottenburg.
Cela ajoute d’autant plus à la pression politique, et il faut noter ici les « sauts » qui ont existé. Ainsi, dans la région de Brandebourg (comprenant Berlin), les S.A. passèrent de 9 000 à 27 000 rien qu’entre novembre 1931 et avril 1932. Cela bouleverse par définition les rapports de force.
A chaque étape de la progression numérique, il y a également l’organisation de lieux de réunion et de rendez-vous. Bien souvent, cela consiste également en des tavernes, avec des cuisines à prix modiques, et même plus rarement des dortoirs. Alors qu’entre un tiers et la moitié des S.A. connaissait le chômage, cela fut d’une importance capitale pour l’ambiance de « camaraderie ».
De plus, ces « lieux de vie » des S.A. servirent aussi de base de soins pour les blessés, avec une pratique généralisée de personnes aux activités paramédicales dans les S.A. et même une supervision par des médecins en certaines occasions. En 1932 rien qu’à Berlin, il y avait 20 sections S.A. paramédicales de trente personnes chacune.
Cela participait à l’engagement dans les S.A., qui était une activité devenant centrale pour ses membres. Chaque jour apportait son lot d’activités, depuis les « marches » jusqu’aux entraînements militaires et sportifs (comme la boxe, la lutte et le ju-jutsu, la course et la natation, la gymnastique, etc.), à la présence symbolique à des mariages, dans les fêtes populaires, l’apprentissage de chansons, etc. En pratique, en raison de ce rythme élevé, les S.A. rassemblaient à chaque fois, en dehors des grosses occasions, environ 75 % de leurs effectifs.
Les voitures, camions et motos jouaient un rôle important, afin d’organiser des tournées, de déplacer les activistes ainsi que la propagande. Par conséquent, des structures de liaison spécifiques à ce sujet furent formées.
Un aspect important était également la transmission des messages. Afin d’être indépendant dans certains cas de la poste, du téléphone et du télégraphe, les S.A. avaient organisé pour diffuser les messages un réseau de relais partant de Munich et allant à Berlin, Breslau, Siegen et Vienne. Un voyage de Munich à Berlin, faisant 640 kilomètres, se parcourait en quinze heures au moyen de relais à Nuremberg, Hof, Zwickau et Leipzig, avec changement de conducteur en quinze minutes à chaque fois.
En plus de cela, les S.A. disposaient de structures dans les clubs nautiques et d’aviation, mais aussi hippiques et cyclistes. Quelques projets d’entreprises furent montés ou tentés, mais abandonnés après 1930 ; seules les cigarettes « Storm » eurent un certain succès.
Les S.A. disposaient également de petits orchestres, et de cuisines de campagne utilisées lors des longues marches, avec une sorte de pistolet à eau pour propulser la nourriture dans les écuelles. A l’occasion des défilés, des S.A. en civil étaient par ailleurs utilisés pour surveiller la foule, intervenir pour bloquer des opposants ou bien provoquer des bagarres.
Des femmes liées aux S.A. étaient utilisées dans certains cas pour faire disparaître les armes si la police intervenait. La même technique était utilisée dans les meetings, où les S.A. surveillaient l’entrée, mais se plaçaient également dans la foule.
Si les S.A. se rassemblaient sous la forme de bandes d’hommes, de gangs, sur plan de l’organisation, rien n’était laissé au hasard.