L’Union nationale des étudiants de France (UNEF) a joué un important rôle dans l’histoire française de la seconde moitié du XXe siècle, en raison du poids croissant des institutions universitaires. Elle a été une des principales composantes de la dynamique des organisations de gauche et d’extrême-gauche, en termes de vivier de cadres et de formation militante.
C’est initialement cependant une organisation corporatiste, qui naît en 1907. Elle est issue de l’union sur un mode fédéral de différentes « Associations Générales d’Étudiants » (AGE) formées à la fin des années 1870 et au début des années 1880 à Nancy, Bordeaux, Lille, Dijon, Paris et Lyon.
Ces AGE sont alors les partenaires des institutions universitaires, leurs membres relevant de la bourgeoisie puisque seule une infime minorité avait alors accès à de telles études. Il y a à la fois un soutien aux universités, par l’intermédiaire des cérémonies officielles, que ces célébrations festives qu’on appelle les « monômes ».
Les « monômes » sont des sortes de sorties en masse des étudiants, prétexte à des plaisanteries, des bizutages, des comportements plus ou moins délirants, etc. Elles relèvent de l’esprit de corps d’étudiants sachant qu’ils sont une minorité privilégiée et se focalisant sur l’identité de leurs lieux d’études : la tradition est à ce titre restée sous une forme ou une autre dans les enseignements à prétention élitiste.
En 1905-1906, l’AGE de Paris rassemble 1700 étudiants sur 15 000, dispose de plusieurs étages dans un bâtiment à côté de la Sorbonne, proposant de 8h à minuit des billards, un fumoir, une bibliothèque de plus de 20 000 ouvrages, des sections de musique, de photographie, d’escrime, un service médical, un service de consultation juridique, des conférences.
Elle est ouvertement soutenue par le régime républicain et on compte d’ailleurs parmi ses fondateurs Émile Zola, Félix Faure, Jules Ferry, Sadi Carnot, Casimir Perier, Émile Loubet, etc.
C’est un aspect essentiel, car les AGE expriment très clairement le point de vue social-républicain, à rebours des tendances monarchistes-catholiques existant alors. L’UNEF est le reflet de la bourgeoisie conquérante, d’esprit radical et avec ses réseaux franc-maçons, et son rôle est de contribuer au renforcement du régime.
L’UNEF a ainsi, après 1918, joué un rôle de premier plan pour la socialisation des étudiants, au moyen de revendications permettant leur intégration institutionnelle. Il y a ainsi la mise en place des restaurants universitaires, de l’Office du tourisme universitaire, d’un sanatorium pour étudiants en Isère (à Saint-Hilaire-du-Touvet).
Vincent Auriol, socialiste qui fut ministre des Finances de 1936 à 1937 et garde des Sceaux de 1937 à 1938, puis président de la République, avait été le dirigeant de l’AGE de Toulouse ; le radical César Campinchi, ministre de la Marine, ministre de la Justice, avait dirigé l’AGE de Paris.
Le radical Édouard Daladier, qui a été ministre des Colonies, ministre de la Défense nationale et de la Guerre, ministre des Travaux publics, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, ministre des Affaires étrangères, vice-président du Conseil des ministres, président du Conseil des ministres français, s’était occupé de gérer la bibliothèque de l’AGE de Lyon.
Jean Zay, ministre de l’Instruction Publique au sein du Front populaire (dont font partie les radicaux), regroupe ensuite en 1937 les institutions sociales pour les étudiants dans un « Comité supérieur des Œuvres en faveur des Étudiants ». On notera que le chef de cabinet de Jean Zay avait été cinq ans le président de l’AGE de Lyon et que ces Œuvres sont gérées par l’UNEF, pour qui c’est un important moyen de financement.
L’UNEF est alors fondamentalement ancrée dans cette dynamique radicale-républicaine. Lorsque l’Action française parvient à noyauter l’AGE de Paris, elle est conduite à la faire sortir de l’UNEF et à l’amener à l’effondrement en 1934.
L’UNEF, entre 1907 et 1939, est une organisation corporatiste d’étudiants bourgeois, vivant en cercle fermé, ne faisant pas de politique mais ouvertement liée au régime républicain, produisant certains de ses cadres.