L’URSS socialiste et l’affirmation du plan quinquennal

Le succès sur « l’opposition » fut total et marqué, comme pour les socialistes-révolutionnaires de gauche, par l’expulsion hors d’URSS, sur la base de l’article 58 du Code criminel réprimant la « propagande ou agitation en faveur du renversement, de la sape ou de l’affaiblissement du pouvoir soviétique ou pour commettre des actes individuels contre-révolutionnaires ».

L’issue était capitale, l’économie soviétique étant en effet à un tournant. En 1925, l’agriculture dépassait déjà 87 % du niveau d’avant-guerre et la grande industrie pratiquement 75 %.

A la fin de 1927, la partie socialiste de l’économie s’était considérablement renforcée. La part du secteur capitaliste dans l’industrie passa de 19 à 14 % de 1926 à 1927, alors que l’industrie atteignait désormais le niveau de 42 % de l’économie nationale.

Globalement, l’agriculture et l’industrie pris dans leur ensemble avait rattrapé le niveau d’avant-guerre et commençait à le dépasser.

La croissance de l’industrie marquait, de plus, une évolution formidable, étant de 18 % supérieur en 1927 à l’année précédente. A côté de cela, la part du commerce privé dans le commerce en général passa également à 32 %, au lieu de 42 % précédemment, et même de 9 % à 5 % dans le commerce de gros.

La victoire de l’industrie et du secteur socialiste avait cependant un prix : l’arriération de l’agriculture en raison de la petite propriété agricole. L’agriculture était revenue à son niveau d’avant-guerre, pour même le dépasser, mais elle en revenait à ses limites historiques.

Le fait étant criant dans le domaine des céréales qui, quant à lui, n’était qu’à 91 % du niveau d’avant-guerre, le blé marchand pour les villes atteignant péniblement 37 % du niveau d’avant-guerre. Cela signifiait que le moment était venu de procéder à un saut qualitatif dans l’agriculture, afin de rompre avec les méthodes arriérées.

Au 15e congrès du Parti bolchevik, en décembre 1927, Staline expliqua par conséquent :

« Où donc est l’issue ? L’issue, c’est de passer des petites exploitations paysannes dispersées aux grandes exploitations centralisées, basées sur le travail de la terre en commun ; c’est de passer à la culture collective de la terre, basée sur une technique nouvelle, supérieure.

L’issue, c’est de grouper les petites et minuscules exploitations paysannes, progressivement, mais d’une façon constante, — non pas en exerçant une pression, mais par l’enseignement des faits et la persuasion, — en de grandes exploitations basées sur le travail de la terre en commun, par associations, par collectivités, en employant des machines agricoles et des tracteurs, en appliquant les procédés scientifiques d’intensification de l’agriculture. Il n’est point d’autre issue. »

Cette position de Staline était en contradiction flagrante avec ce que prétendait le trotskysme au sujet du régime. Loin d’être l’expression de la petite production, l’URSS partait justement en guerre contre cette forme sociale.

Le trotskysme se révélait ainsi comme une tentative de saboter le passage de la nouvelle politique économique au socialisme. Le congrès décida ainsi d’affirmer que :

« L’opposition a rompu idéologiquement avec le léninisme ; elle a dégénéré en un groupe menchévik, s’est engagée dans la voie de la capitulation devant les forces de la bourgeoisie internationale et intérieure et s’est transformée, objectivement, en un instrument d’une troisième force contre le régime de la dictature du prolétariat. »

Cela se révéla avec une nouvelle forme de trotskysme, formulé par Boukharine et visant à empêcher la socialisation des campagnes, afin de protéger les koulaks, les paysans riches. Selon Boukharine, les capitalistes s’intégreraient pacifiquement dans le socialisme ; il ne fallait pas accentuer la lutte des classes.

Dans ce contexte, les koulaks s’organisèrent pour résister à la vente des excédents de blé, qu’ils accumulaient. Ils procédaient à une lutte de classes acerbes contre les kolkhozes, les formes de coopératives mises en avant par le socialisme. Cela alla du sabotage aux attaques, en passant par les incendies, notamment des centres publics de stockage.

A ces initiatives, l’URSS réagit fermement, en faisant confisquer sur ordre de la justice tous les excédents de blé des koulaks et des spéculateurs en cas de refus de les vendre à l’État sur la base de prix préétablis. Les paysans pauvres recevaient de leur côté 25 % du blé confisqué.

Les koulaks n’étaient pas les seuls à procéder au sabotage. Voici comment le précis d’histoire du PCUS (bolchevik) décrit un phénomène contre-révolutionnaire de la même période :

« La même année, on découvrit une importante organisation de saboteurs parmi les spécialistes bourgeois de Chakhty, dans le bassin du Donetz. Les saboteurs étaient étroitement liés aux anciens propriétaires des entreprises, — capitalistes russes et étrangers, — et aux services d’espionnage militaires de l’étranger. Leur but était de faire échec au développement de l’industrie socialiste et de favoriser la restauration du capitalisme en U.R.S.S.

Les saboteurs conduisaient de façon anormale l’exploitation des mines, en s’employant à diminuer les extractions de charbon. Ils détérioraient l’outillage et la ventilation, ils organisaient des éboulements et des explosions ; ils incendiaient les mines, les usines, les centrales électriques.

Ils freinaient à dessein l’amélioration des conditions matérielles des ouvriers et ils violaient les lois soviétiques sur la protection du travail. Les saboteurs furent déférés en justice et châtiés comme ils le méritaient.

Le Comité central du Parti invita toutes ses organisations à tirer de l’affaire de Chakhty les enseignements qui s’imposaient.

Le camarade Staline indiqua que les bolcheviks dirigeant les entreprises devaient eux-mêmes s’assimiler la technique de la production pour que les saboteurs figurant parmi les anciens spécialistes bourgeois ne pussent plus les tromper ; qu’il fallait hâter la formation de nouveaux cadres techniques recrutés au sein de la classe ouvrière.

Par décision du Comité central, on perfectionna la formation des jeunes spécialistes dans les écoles supérieures d enseignement technique. On mobilisa pour les études des milliers de membres du Parti, d’adhérents des Jeunesses communistes et de sans-parti dévoués à la cause de la classe ouvrière. »

La liquidation du courant de Boukharine permit l’affirmation par le Parti bolchévik de la formidable initiative que fut le plan quinquennal, le premier étant formulé théoriquement en avril 1929 à la 16e conférence du Parti. Cela marquait le saut dans la réalisation de l’économie socialiste, dirigé par un Parti à la lumière du matérialisme dialectique.

1929 fut ainsi « l’année du grand tournant ». Voici comment le précis d’histoire du PCUS bolchevik décrit cette période :

« L’édification industrielle se poursuivait, immense, à travers le pays. Les travaux de construction de la centrale hydroélectrique du Dniepr battaient leur plein.

Dans le bassin du Donetz, on édifiait les usines de Kramatorsk et de Gorlovka ; on reconstruisait l’usine de locomotives de Lougansk, des hauts fourneaux neufs et de nouvelles mines apparaissaient. Dans l’Oural, on édifiait une usine de constructions mécaniques, des groupes d’usines chimiques à Bérezniki et Solikamsk. On élevait l’usine métallurgique de Magnitogorsk.

La construction de grandes usines d’automobiles à Moscou et à Gorki était en train. On édifiait de géantes usines de tracteurs et de moissonneuses-batteuses, une usine monstre de machines agricoles à Rostov-sur-Don. La deuxième base houillère de l’Union soviétique, le bassin de Kouznetsk, prenait de l’extension. En onze mois, on avait vu surgir en pleine steppe, près de Stalingrad, une colossale usine de tracteurs.

Sur les chantiers du Dnieproguès et de l’usine de tracteurs de Stalingrad, les ouvriers avaient battu les records mondiaux de productivité du travail.

L’Histoire n’avait jamais vu encore une construction industrielle d’une envergure aussi gigantesque, un pareil enthousiasme pour bâtir une œuvre nouvelle, un tel héroïsme au travail de la part des masses innombrables de la classe ouvrière.

C’était, dans la classe ouvrière, un véritable élan de travail, qui se déployait sur la base de l’émulation socialiste.

Les paysans, cette fois, emboîtaient le pas aux ouvriers. À la campagne aussi, l’élan de travail avait gagné les masses paysannes qui édifiaient les kolkhoz. La masse de la paysannerie s’orientait nettement vers les kolkhoz.

Un rôle important revint ici aux sovkhoz et aux stations de tracteurs et de machines agricoles (S.M.T.), bien pourvues de matériel. Les paysans venaient en foule visiter les sovkhoz et les S.M.T. ; ils s’intéressaient au fonctionnement des tracteurs, des machines agricoles, ils exprimaient leur enthousiasme et, séance tenante, décidaient d’ « aller au kolkhoz ».

Divisés en petites et en minuscules exploitations individuelles, dépourvus d’un outillage et d’une force de traction tant soit peu convenables, privés de la possibilité de défricher les immenses étendues de terre vierge, privés de toute perspective d’améliorer leurs exploitations, écrasés par le besoin et l’isolement abandonnés à eux-mêmes, les paysans avaient enfin trouvé l’issue, le chemin d’une vie meilleure, grâce à l’union des petites exploitations en associations, en kolkhoz ; grâce aux tracteurs capables de labourer n’importe quelle « terre dure », n’importe quelle friche ; grâce à l’aide que leur apportait l’État en machines, en argent, en hommes, en conseils ; grâce à la possibilité de se libérer du joug des koulaks que le gouvernement soviétique venait juste de battre, de terrasser à la grande joie des innombrables masses de paysans.

C’est sur cette base que commença et que se déploya ensuite le mouvement kolkhozien de masse ; devenu particulièrement vigou­reux à la fin de 1929, il fut marqué par des rythmes d’augmentation des kolkhoz, rythmes inconnus même de notre industrie socialiste.

En 1928, la superficie ensemencée appartenant aux kolkhoz avait été de 1.390.000 hectares ; en 1929, elle fut de 4.262.000 hectares ; en 1930, les kolkhoz pouvaient déjà prévoir la mise en culture de 15.000.000 d’hectares. »

Avec le plan quinquennal, le retentissement de la construction du socialisme en URSS fut mondial.

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