Mao Zedong : La Démocratie Nouvelle

Janvier 1940

I. Où va la Chine ?

   Depuis le début de la Guerre de Résistance, notre peuple tout entier vivait dans un climat exaltant, le sentiment général était qu’une issue avait été trouvée, les mines tristes et soucieuses avaient disparu. Mais depuis peu, une atmosphère de compromis nous oppresse à nouveau, la vague anticommuniste s’est une fois de plus déchaînée, et le peuple tout entier est retombé dans la perplexité. Les premiers à en être affectés sont les intellectuels et les étudiants, particulièrement sensibles aux événements.

Et, de nouveau, on s’interroge : Que faire ? Où va la Chine ?

Voilà pourquoi il est peut-être bon de profiter de la publication de La Culture chinoise pour expliquer un peu quel cours prennent la politique et la culture de la Chine. Je suis un profane dans les questions culturelles ; je me suis proposé de les étudier, mais je ne fais que commencer. Heureusement, à Yenan, de nombreux camarades les ont traitées tout au long dans des articles ; aussi l’ébauche que je vais tracer ne peut-elle jouer que le rôle des coups de gong qui annoncent la pièce.

Que les travailleurs culturels d’avant-garde de notre pays considèrent nos observations comme un morceau de brique que nous montrons pour les inciter à sortir leur jade ; n’y en eût-il qu’une seule de valable sur mille, nous espérons qu’une discussion en commun sera entreprise et que des conclusions justes répondant aux besoins de notre nation en jailliront.

C’est la « recherche de la vérité dans les faits » qui est l’attitude scientifique ; « prétendre que l’on détient la vérité » et « se poser en professeur » sont des attitudes présomptueuses qui n’aident à résoudre aucun problème. Notre nation est plongée dans de profonds malheurs ; une attitude scientifique et le sens des responsabilités pourront seuls la conduire sur la voie de la libération.

Il n’y a qu’une vérité ; savoir si on l’a découverte ou non ne dépend pas de vantardises subjectives, mais de la pratique objective. Seule la pratique révolutionnaire de millions d’hommes est la jauge pour mesurer la vérité. Telle doit être, à mon avis, l’attitude de La Culture chinoise.

II. Nous voulons bâtir une Chine nouvelle

   Nous autres communistes, nous luttons depuis des années non seulement pour la révolution politique et économique de la Chine, mais aussi pour sa révolution culturelle ; notre but est d’édifier pour la nation chinoise une société nouvelle et un Etat nouveau, qui comporteront, en même temps qu’une politique et une économie nouvelles, une nouvelle culture.

En d’autres termes, nous voulons transformer la Chine politiquement opprimée et économiquement exploitée en une Chine politiquement libre et économiquement prospère ; de plus, nous voulons transformer la Chine, ignorante et arriérée sous la domination de l’ancienne culture, en une Chine éclairée et avancée, où dominera la culture nouvelle. En un mot, nous voulons bâtir une Chine nouvelle. Edifier une culture nouvelle de la nation chinoise, tel est notre but dans le domaine culturel.

III. Les particularités historiques de la Chine

   Nous voulons une nouvelle culture nationale chinoise, mais quelle doit être au juste cette culture nouvelle ?

   Toute culture (en tant que forme idéologique) est le reflet de la politique et de l’économie d’une société déterminée, mais elle exerce à son tour une influence et une action considérables sur la politique et l’économie de cette société ; l’économie est la base, la politique l’expression concentrée de l’économie.

Tel est notre point de vue fondamental sur le rapport qui existe entre la culture d’une part, la politique et l’économie d’autre part, de même que sur le rapport entre la politique et l’économie. Ainsi, une forme donnée de politique et d’économie détermine d’abord une forme donnée de culture, laquelle, ensuite, exerce à son tour une influence et une action sur cette politique et cette économie.

Marx a dit : « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience. » Il a dit encore : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, mais il s’agit de le transformer » Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, ces formulations scientifiques apportent une solution correcte à la question du rapport entre la conscience et l’être, et elles constituent les notions fondamentales de la théorie active, révolutionnaire, du reflet, que Lénine développa par la suite de façon approfondie. Quand nous discutons des problèmes de la culture chinoise, nous ne devons pas oublier ces notions.

   Ainsi posée, la question est très claire : les éléments réactionnaires que contient la vieille culture de la nation chinoise, éléments que nous voulons éliminer, sont indissolublement liés à la vieille politique et à la vieille économie ; de même, la culture nouvelle de la nation chinoise que nous voulons édifier est indissolublement liée à la politique nouvelle et à l’économie nouvelle.

La vieille politique et la vieille économie de la nation chinoise sont la base de sa vieille culture, tandis que sa politique nouvelle et son économie nouvelle seront la base de sa culture nouvelle.

   Qu’entend-on par vieille politique et vieille économie ? Et par vieille culture de la nation chinoise ?

   A partir des dynasties des Tcheou et des Ts’in, la société chinoise devint féodale, tout comme sa politique et son économie. Et la culture prédominante, reflet de cette politique et de cette économie, était une culture féodale.

   Depuis que le capitalisme étranger a pénétré en Chine et que les éléments du capitalisme se sont développés peu à peu au sein de la société chinoise, la Chine est devenue progressivement un pays colonial, semi-colonial et semi-féodal.

Aujourd’hui, elle est coloniale dans les régions occupées par le Japon et pratiquement semi-coloniale dans les régions sous la domination du Kuomintang ; mais, dans les unes comme dans les autres, c’est le régime féodal ou semi-féodal qui prédomine. Tel est le caractère de la société chinoise actuelle, telle est la situation de la Chine d’aujourd’hui.

La politique et l’économie de cette société sont à prédominance coloniale, semi-coloniale et semi-féodale, et la culture qui prédomine, reflet de cette politique et de cette économie, est aussi coloniale, semi-coloniale et semi-féodale.

   C’est contre ces formes politique, économique et culturelle dominantes qu’est dirigée notre révolution. Ce que nous voulons éliminer, c’est cette vieille politique et cette vieille économie coloniale, semi-coloniale et semi-féodale, et la vieille culture qui est à leur service. Ce que nous voulons édifier est tout l’opposé, à savoir la politique, l’économie et la culture nouvelle de la nation chinoise.

   Mais alors, quelles sont la politique et l’économie nouvelle de la nation chinoise ? Et quelle est sa nouvelle culture ?

   Dans le cours de son histoire, la révolution chinoise doit passer par deux phases ; la première, c’est la révolution démocratique, la seconde, la révolution socialiste ; ce sont deux processus révolutionnaires de caractère différent. Ce que nous appelons ici démocratie n’appartient plus à l’ancienne catégorie, n’est plus l’ancienne démocratie, mais relève de la nouvelle catégorie ; c’est la démocratie nouvelle.

   Nous pouvons donc affirmer que la politique nouvelle de la nation chinoise, c’est la politique de démocratie nouvelle ; que son économie nouvelle, c’est l’économie de démocratie nouvelle ; que sa nouvelle culture, c’est la culture de démocratie nouvelle.

   Telle est, à l’heure actuelle, la particularité historique de la révolution chinoise. Tout parti politique, toute personne qui y prend part sans comprendre cette particularité ne pourra guider cette révolution ni la mener à la victoire, mais sera reniée par le peuple et réduite à se lamenter misérablement dans son coin.

IV. La révolution chinoise est une partie de la révolution mondiale

   La révolution chinoise a pour particularité historique sa division en deux phases : la démocratie et le socialisme, la première n’étant plus la démocratie de type ordinaire, mais une démocratie de type chinois, de type particulier et nouveau la démocratie nouvelle. Comment cette particularité historique s’est-elle formée ? Existe-t-elle depuis un siècle ou est-elle apparue plus récemment ?

   Il suffit d’étudier un peu l’histoire de la Chine et du monde pour comprendre que cette particularité n’est pas apparue lors de la Guerre de l’Opium, mais qu’elle a pris forme seulement après la première guerre mondiale impérialiste et la Révolution d’Octobre en Russie. Etudions maintenant sa genèse.

   Du fait que la société chinoise actuelle est de caractère colonial, semi-colonial et semi-féodal, il est évident que la révolution doit s’accomplir en deux phases : la première consiste à transformer cette société en une société indépendante et démocratique ; la seconde, à développer plus avant la révolution et à édifier une société socialiste. La révolution chinoise en est à sa première phase.

   La période préparatoire de cette première phase remonte à la Guerre de l’Opium en 1840, c’est-à-dire au moment où la société chinoise commençait à se transformer de société féodale en société semi-coloniale et semi-féodale.

Puis se succédèrent le Mouvement des Taiping, la Guerre sino-française, la Guerre sino-japonaise, le Mouvement réformiste de 1898, la Révolution de 1911, le Mouvement du 4 Mai, l’Expédition du Nord, la Guerre révolutionnaire agraire et l’actuelle Guerre de Résistance contre le Japon ; ces nombreuses étapes s’échelonnent sur un bon siècle ; elles font toutes partie, en un sens, de cette première phase au cours de laquelle le peuple chinois, dans des circonstances différentes et à des degrés divers, mène la lutte contre l’impérialisme et les forces féodales pour édifier une société indépendante et démocratique, pour accomplir la première révolution.

Et la Révolution de 1911 marque, dans un sens plus complet, le début de cette révolution qui, par son caractère social, n’est pas une révolution socialiste prolétarienne, mais une révolution démocratique bourgeoise. Celle-ci n’est pas achevée, elle exige encore de grands efforts, parce que ses ennemis restent très puissants. Lorsque le Dr Sun Yat-sen dit : « La révolution n’est pas encore achevée, nos camarades doivent poursuivre leurs efforts », il avait précisément en vue cette révolution démocratique bourgeoise.

   Cependant, un changement se produisit dans la révolution démocratique bourgeoise en Chine après qu’eut éclaté en 1914 la première guerre mondiale impérialiste et que la Révolution d’Octobre en Russie eut fondé en 1917 un Etat socialiste sur un sixième du globe.

   Avant ces événements, la révolution démocratique bourgeoise chinoise relevait de l’ancienne catégorie, celle de la révolution démocratique bourgeoise mondiale, dont elle constituait une partie.

   Depuis ces événements, elle est entrée dans une nouvelle catégorie de révolution démocratique bourgeoise, et, par rapport à l’ensemble du front de la révolution, elle fait partie de la révolution socialiste prolétarienne mondiale.

   Pourquoi ? Parce que la première guerre mondiale impérialiste et la première révolution socialiste victorieuse, la Révolution d’Octobre, ont changé tout le cours de l’histoire universelle, dont elles ont inauguré une ère nouvelle.

   A l’époque où le front du capitalisme mondial s’est effondré sur une partie du globe (soit un sixième de la surface terrestre) et où il a révélé pleinement sa décadence partout ailleurs, à l’époque où ce qui reste du monde capitaliste ne peut subsister sans dépendre davantage des colonies et des semi-colonies, à l’époque où un Etat socialiste a été créé et a proclamé sa volonté de soutenir le mouvement de libération dans toutes les colonies et semi-colonies, à l’époque, enfin, où le prolétariat des pays capitalistes se dégage de plus en plus de l’influence social-impérialiste des partis social-démocrates et se déclare prêt à soutenir le mouvement de libération des pays coloniaux et semi-coloniaux, à une telle époque, toute révolution qui, dans une colonie ou semi-colonie, est dirigée contre l’impérialisme, c’est-à-dire contre la bourgeoisie internationale ou le capitalisme international, ne relève plus désormais de la vieille catégorie, celle de la révolution démocratique bourgeoise mondiale, mais de la nouvelle catégorie ; elle ne fait plus partie de l’ancienne révolution mondiale bourgeoise ou capitaliste, mais de la nouvelle révolution mondiale, la révolution mondiale socialiste prolétarienne.

Cette colonie ou semi-colonie en révolution ne peut plus être considérée comme une alliée du front contre-révolutionnaire du capitalisme mondial ; elle est devenue une alliée du front révolutionnaire du socialisme mondial.

   Dans sa première étape ou première phase, la révolution dans une colonie ou semi-colonie reste essentiellement, par son caractère social, une révolution démocratique bourgeoise, et ses revendications tendent objectivement à frayer la voie au développement du capitalisme ; néanmoins, elle n’est déjà plus une révolution de type ancien, dirigée par la bourgeoisie et se proposant d’établir une société capitaliste et un Etat de dictature bourgeoise, mais une révolution de type nouveau, dirigée par le prolétariat et se proposant d’établir, à cette première étape, une société de démocratie nouvelle et un Etat de dictature conjointe de toutes les classes révolutionnaires.

Donc, elle sert en fait à frayer une voie plus large encore au développement du socialisme. Dans sa marche, elle peut parcourir plusieurs stades intermédiaires, en raison des changements intervenus dans le camp de l’ennemi comme dans les rangs de ses propres alliés, mais son caractère fondamental reste inchangé.

   Une telle révolution s’attaque aux fondements mêmes de l’impérialisme, c’est pourquoi ce dernier ne l’admet pas, mais la combat. En revanche, elle est approuvée par le socialisme et reçoit l’aide de l’Etat socialiste et du prolétariat international socialiste.

   Elle devient donc nécessairement une partie de la révolution mondiale socialiste prolétarienne.

   « La révolution chinoise est une partie de la révolution mondiale » ? – cette thèse juste a été formulée dès l’époque de la Première Grande Révolution chinoise de 1924-1927. Elle l’a été par les communistes chinois et elle fut approuvée par tous ceux qui participaient alors à la lutte anti-impérialiste et antiféodale. Cependant, en ce temps-là, on n’a pas su donner à cette thèse toute sa portée, et par conséquent l’idée que les gens en avaient restait vague.

   La « révolution mondiale » n’est plus celle de l’ancien type l’ancienne révolution mondiale bourgeoise est depuis longtemps révolue ; c’est une nouvelle révolution mondiale, la révolution mondiale socialiste. De même, « une partie » ne désigne plus une partie de l’ancienne révolution bourgeoise, mais une partie de la nouvelle révolution socialiste. C’est là un immense changement, un changement qui n’a son pareil ni dans l’histoire de la Chine ni dans l’histoire du monde.

   Cette thèse juste avancée par les communistes chinois est fondée sur la théorie de Staline.

   Déjà, en 1918, dans un article commémorant le premier anniversaire de la Révolution d’Octobre, Staline écrivait :

   L’immense portée mondiale de la Révolution d’Octobre consiste surtout en ceci, qu’elle a :

1° élargi le cadre de la question nationale, l’a transformée, de question particulière de la lutte contre l’oppression nationale en Europe, en question générale de l’affranchissement des peuples opprimés, des colonies et semi-colonies du joug de l’impérialisme ;

2° ouvert de larges possibilités et des voies efficaces pour cet affranchissement, facilitant ainsi considérablement leur libération aux peuples opprimés d’Occident et d’Orient, les entraînant dans la voie commune d’une lutte victorieuse contre l’impérialisme ;

jeté par là même un pont entre l’Occident socialiste et l’Orient asservi, créant contre l’impérialisme mondial un nouveau front de révolutions qui s’étend des prolétaires d’Occident aux peuples opprimés de l’Orient, en passant par la révolution russe.

   Depuis, Staline a maintes fois développé la théorie selon laquelle les révolutions dans les colonies et les semi-colonies se sont dissociées de la révolution de l’ancienne catégorie pour devenir une partie de la révolution socialiste prolétarienne. C’est dans un article publié le 30 juin 1925, à propos d’une controverse avec les nationalistes yougoslaves de l’époque, qu’il a exposé cette théorie avec le plus de clarté et de précision.

Cet article, intitulé « Encore une fois sur la question nationale« , figure dans un livre traduit par Tchang Tchong-che et publié sous le titre Staline sur la question nationale. On y lit le passage suivant :

« Sémitch se réfère à un passage de la brochure de Staline : Le Marxisme et la question nationale, écrite à la fin de 1912. Il y est dit que « la lutte nationale dans les conditions du capitalisme ascendant est une lutte des classes bourgeoises entre elles ».

Sémitch veut apparemment suggérer ainsi que sa formule pour définir la portée sociale du mouvement national dans les conditions historiques présentes est juste. Mais la brochure de Staline a été écrite avant la guerre impérialiste, quand la question nationale n’était pas encore dans la conception des marxistes une question d’une portée mondiale et que la revendication fondamentale des marxistes relative au droit de libre disposition était considérée non comme une partie de la révolution prolétarienne, mais comme une partie de la révolution démocratique bourgeoise.

Il serait ridicule de ne pas voir que, depuis, la situation internationale s’est transformée radicalement ; que la guerre, d’une part, et la Révolution d’Octobre en Russie, de l’autre, ont transformé la question nationale en faisant d’un élément de la révolution démocratique bourgeoise un élément de la révolution socialiste prolétarienne.

Déjà en octobre 1916, dans son article : « Le Bilan de la discussion sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », Lénine disait que le point essentiel de la question nationale relatif au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes avait cessé d’être une partie du mouvement démocratique général, qu’il était déjà devenu partie intégrante de la révolution socialiste prolétarienne générale. Je ne parle même pas des écrits ultérieurs sur la question nationale, dus à Lénine comme à d’autres représentants du communisme russe.

Quelle signification peut avoir la référence de Sémitch à tel passage de la brochure de Staline, écrite dans la période de la révolution démocratique bourgeoise en Russie, maintenant que, en vertu de la nouvelle situation historique, nous sommes entrés dans une nouvelle époque, celle de la révolution prolétarienne ?

Elle peut signifier seulement que Sémitch fait des citations en dehors de l’espace et du temps, sans aucun rapport avec la situation historique vivante, et viole par-là les lois élémentaires de la dialectique, et qu’il ne tient aucun compte du fait qu’une chose juste dans telles circonstances historiques peut se révéler fausse dans telles autres circonstances historiques. »

   D’où l’on voit qu’il y a deux types de révolution mondiale. Le premier appartient à la catégorie bourgeoise ou capitaliste. Son temps est depuis longtemps révolu ; il a pris fin dès 1914, quand éclata la première guerre mondiale impérialiste, et plus particulièrement en 1917, quand eut lieu la Révolution d’Octobre en Russie. Depuis, a commencé le second type de révolution mondiale, la révolution mondiale socialiste prolétarienne.

Elle a pour forces principales le prolétariat des pays capitalistes et pour alliés les peuples opprimés des colonies et des semi-colonies. Peu importe, chez les peuples opprimés, quelles classes, quels partis ou individus participent à la révolution, et peu importe qu’ils soient conscients ou non de ce que nous venons d’exposer, qu’ils le comprennent ou non, il suffit qu’ils s’opposent à l’impérialisme pour que leur révolution devienne une partie de la révolution mondiale socialiste prolétarienne et qu’ils en soient les alliés.

   Aujourd’hui, la portée de la révolution chinoise s’est encore élargie.

Nous sommes arrivés à une époque où les crises économique et politique du capitalisme entraînent de plus en plus le monde dans la Seconde guerre mondiale ; à une époque où l’Union soviétique, parvenue à la période de transition du socialisme au communisme, est capable de diriger et d’aider le prolétariat et les nations opprimées du monde entier dans la lutte qu’ils mènent contre la guerre impérialiste et la réaction capitaliste ; à une époque où le prolétariat des pays capitalistes se prépare à renverser le capitalisme pour édifier le socialisme ; à une époque où, en Chine, le prolétariat, la paysannerie, les intellectuels et les autres fractions de la petite bourgeoisie sont devenus, sous la direction du Parti communiste chinois, une grande force politique indépendante.

Dans une telle conjoncture, ne devons-nous pas estimer que la portée mondiale de la révolution chinoise s est encore accrue ? Je crois que oui. La révolution chinoise est devenue une partie très importante de la révolution mondiale.

   La première étape de la révolution chinoise (étape qui se subdivise elle-même en nombreux stades intermédiaires) est, par son caractère social, une révolution démocratique bourgeoise d’un type nouveau, elle n’est pas encore une révolution socialiste prolétarienne ; néanmoins, elle fait partie depuis longtemps de la révolution mondiale socialiste prolétarienne, elle en constitue même, maintenant, une part considérable et est pour elle une grande alliée.

La première phase ou première étape de cette révolution n’est certainement pas et ne peut être l’édification d’une société capitaliste de dictature bourgeoise ; elle doit s’achever par l’édification d’une société de démocratie nouvelle placée sous la dictature conjointe de toutes les classes révolutionnaires chinoises, à la tête desquelles se trouve le prolétariat chinois ; puis on fera passer la révolution à la seconde étape, celle de l’édification de la société socialiste en Chine.

   Voilà la particularité essentielle de la révolution chinoise actuelle, le nouveau processus révolutionnaire des vingt dernières années (à compter du Mouvement du 4 Mai 1919) et le contenu vivant, concret, de cette révolution.

V. Le système politique de Démocratie Nouvelle

   La nouvelle particularité historique de la révolution chinoise est sa division en deux étapes, la première étant la révolution de démocratie nouvelle. Comment se manifeste-t-elle concrètement dans les rapports politiques et économiques internes de la Chine ? C’est ce que nous allons examiner.

   Avant le Mouvement du 4 Mai 1919 (qui a eu lieu après la première guerre mondiale impérialiste, celle de 1914, et après la Révolution russe d’Octobre en 1917), la direction politique de la révolution démocratique bourgeoise en Chine appartenait à la petite bourgeoisie et à la bourgeoisie (à leurs intellectuels).

A ce moment-là, le prolétariat n’était pas encore entré dans l’arène politique comme une force de classe consciente et indépendante ; en participant à la révolution, il ne faisait que suivre la petite bourgeoisie et la bourgeoisie. Tel a été par exemple son rôle à l’époque de la Révolution de 1911.

   A partir du Mouvement du 4 Mai, bien que la bourgeoisie nationale fût restée dans les rangs de la révolution, la direction politique de la révolution démocratique bourgeoise en Chine n’appartenait plus à la bourgeoisie, mais au prolétariat.

Ce dernier, en raison de sa propre maturité et de l’influence de la révolution russe, était déjà devenu, et très rapidement, une force politique consciente et indépendante. C’est le Parti communiste chinois qui lança le mot d’ordre « A bas l’impérialisme ! » et avança un programme conséquent pour toute la révolution démocratique bourgeoise en Chine ; et il fut seul à mener la Révolution agraire.

   La bourgeoisie nationale chinoise, étant une bourgeoisie de pays colonial et semi-colonial, opprimée par l’impérialisme, garde à certains moments et jusqu’à un certain point – même à l’époque de l’impérialisme – un caractère révolutionnaire dans la lutte contre l’impérialisme étranger et, comme en témoignent la Révolution de 1911 et l’Expédition du Nord, contre les gouvernements des bureaucrates et des seigneurs de guerre de son propre pays ; elle peut s’allier au prolétariat et à la petite bourgeoisie contre les ennemis qu’elle entend combattre.

C’est là ce qui distingue la bourgeoisie chinoise de la bourgeoisie de la Russie tsariste. Comme la Russie tsariste était déjà une puissance impérialiste féodale et militaire, un Etat agresseur, la bourgeoisie russe était dénuée de tout caractère révolutionnaire. Là, le prolétariat avait pour tâche de lutter contre la bourgeoisie et non de s’allier avec elle.

Mais, comme la Chine est un pays colonial et semi-colonial, victime d’agressions, la bourgeoisie nationale chinoise peut avoir à certains moments et jusqu’à un certain point un caractère révolutionnaire. Ici, le prolétariat a pour devoir de ne pas méconnaître ce caractère révolutionnaire de la bourgeoisie nationale, mais de former avec elle un front uni contre l’impérialisme et contre les gouvernements des bureaucrates et des seigneurs de guerre.

   En même temps, du fait précisément que la bourgeoisie nationale chinoise est celle d’un pays colonial et semi-colonial et qu’elle est, par conséquent, extrêmement faible du point de vue économique et politique, elle possède une autre caractéristique, la disposition au compromis avec les ennemis de la révolution.

Même quand elle prend part à la révolution, elle n’entend pas rompre complètement avec l’impérialisme ; au surplus, elle est étroitement liée à l’exploitation qui se pratique dans les campagnes par l’affermage des terres, de sorte qu’elle ne veut ni ne peut s’engager à fond dans la lutte pour le renversement de l’impérialisme, et moins encore des forces féodales. Elle ne peut donc résoudre aucun des deux problèmes fondamentaux, aucune des deux tâches fondamentales de la révolution démocratique bourgeoise.

Quant à la grande bourgeoisie représentée par le Kuomintang, elle s’est jetée dans les bras de l’impérialisme et a fait bloc avec les forces féodales pour combattre le peuple révolutionnaire pendant la longue période qui va de 1927 à 1937. En 1927 et pendant une certaine période après cette date, la bourgeoisie nationale chinoise s’est rangée, elle aussi, du côté de la contrerévolution.

Aujourd’hui, dans la Guerre de Résistance, une fraction de la grande bourgeoisie, représentée par Wang Tsing-wei, a capitulé devant l’ennemi, offrant un nouvel exemple de trahison commise par cette classe C’est là ce qui distingue la bourgeoisie chinoise des anciennes bourgeoisies d’Europe et d’Amérique et spécialement de l’ancienne bourgeoisie française.

Quand la bourgeoisie des pays d’Europe et d’Amérique, et spécialement de France, était encore dans sa période révolutionnaire, les révolutions bourgeoises étaient relativement conséquentes ; en Chine, la bourgeoisie n’a même pas cet esprit de suite.

   D’un côté, sa participation possible à la révolution, de l’autre, sa disposition au compromis avec les ennemis de la révolution, voilà ce qui témoigne de son double caractère : elle « joue deux rôles à elle seule ».

Même la bourgeoisie d’Europe et d’Amérique a eu, dans le passé, ce double caractère : quand elle se heurtait à un ennemi puissant, elle s’alliait avec les ouvriers et les paysans pour le combattre, mais quand la conscience politique s’éveillait chez ces derniers, elle s’alliait avec l’ennemi pour lutter contre eux. C’est une loi générale qui s’applique à la bourgeoisie de tous les pays du monde ; mais ce trait est encore plus prononcé chez la bourgeoisie chinoise.

   En Chine, il est parfaitement clair que quiconque saura conduire le peuple dans la lutte pour renverser l’impérialisme et les forces féodales gagnera sa confiance, car ce sont là ses ennemis jurés, surtout l’impérialisme. Aujourd’hui, quiconque saura guider le peuple pour chasser l’impérialisme japonais et instaurer la démocratie sera son sauveur. L’histoire a prouvé que la bourgeoisie chinoise est incapable de s’acquitter de cette tâche, qui incombe donc inévitablement au prolétariat.

   Ainsi, de toute façon, le prolétariat, la paysannerie, les intellectuels et les autres fractions de la petite bourgeoisie constituent les forces fondamentales qui décident du destin de la Chine.

Et ces classes, les unes déjà éveillées, les autres s’éveillant, deviendront nécessairement les éléments de base de l’Etat et du pouvoir politique de la république démocratique chinoise, avec le prolétariat en tant que force dirigeante.

La république démocratique chinoise que nous voulons fonder aujourd’hui ne pourra être qu’une république démocratique où tous les éléments antiimpérialistes et antiféodaux exercent une dictature conjointe dirigée par le prolétariat, c’est-à-dire une république de démocratie nouvelle, une république des nouveaux trois principes du peuple vraiment révolutionnaires, avec leurs trois thèses politiques fondamentales.

   Cette république de démocratie nouvelle sera différente des républiques capitalistes de l’ancien type européen et américain, à dictature bourgeoise, qui représentent la vieille forme, déjà périmée, de la démocratie ; d’autre part, elle sera différente aussi de la république socialiste du type soviétique, à dictature prolétarienne.

Cette république socialiste fleurit déjà en Union soviétique ; elle s’établira dans tous les pays capitalistes et deviendra indubitablement la forme dominante de l’Etat et du pouvoir dans tous les pays industriels évolués. Mais pendant une période déterminée de l’histoire, cette forme ne convient pas à la révolution dans les pays coloniaux et semi-coloniaux. Par conséquent, dans ces pays, la révolution ne peut adopter qu’une troisième forme d’Etat, à savoir la république de démocratie nouvelle. C’est une forme pour une période donnée de l’histoire, donc une forme transitoire, mais une forme nécessaire, indispensable.

   Les nombreux régimes d’Etat qui existent dans le monde peuvent donc être ramenés à trois types fondamentaux, d’après le caractère de classe du pouvoir politique : a) la république de dictature bourgeoise, b) la république de dictature prolétarienne, c) la république de dictature conjointe de plusieurs classes révolutionnaires.

   Le premier type est représenté par les Etats de vieille démocratie. Aujourd’hui, alors que la seconde guerre impérialiste a éclaté, il n’y a plus trace de démocratie dans nombre de pays capitalistes qui sont devenus ou sont en voie de devenir des Etats où la bourgeoisie exerce une dictature militaire sanglante. Certains Etats placés sous la dictature conjointe des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie peuvent être assimilés à ce type.

   Le deuxième type, qui existe déjà en Union soviétique, est en gestation dans divers pays capitalistes. Dans l’avenir, il deviendra, pour une période donnée, la forme dominante dans le monde.

   Le troisième type est la forme d’Etat transitoire que doivent adopter les révolutions dans les pays coloniaux ou semi-coloniaux. Elles auront nécessairement chacune leurs caractéristiques propres, mais ce seront de petites différences dans une grande ressemblance.

Que la révolution s’accomplisse dans ces pays, la structure de l’Etat et du pouvoir politique y sera forcément la même dans ses grandes lignes, c’est-à-dire qu’il s’agira d’Etats de démocratie nouvelle, sous la dictature conjointe de plusieurs classes antiimpérialistes. Aujourd’hui, en Chine, cet Etat de démocratie nouvelle prend la forme du front uni antijaponais.

Antijaponais et anti-impérialiste, il est aussi le front uni, l’alliance de plusieurs classes révolutionnaires. Malheureusement, bien que la Guerre de Résistance dure déjà depuis longtemps, le travail de démocratisation du pays n’a, en fait, pas encore commencé dans la plupart des régions, c’est-à-dire en dehors des bases démocratiques antijaponaises dirigées par le Parti communiste ; l’impérialisme japonais a profité de cette faiblesse essentielle pour pénétrer à grands pas à l’intérieur de notre pays. Si rien ne se fait dans ce domaine, la nation sera en péril.

   Nous discutons ici du « régime d’Etat ». Cette question controversée depuis plusieurs dizaines d’années, à partir de la fin de la dynastie des Tsing, n’est pas encore éclaircie. En réalité, elle se ramène à la position des diverses classes sociales dans l’Etat.

La bourgeoisie a toujours dissimulé la position des classes sous le vocable de « citoyen », pour exercer en fait sa dictature d’une seule classe. Cette dissimulation n’est aucunement dans l’intérêt du peuple révolutionnaire, disons-le nettement. Le terme de « citoyen » peut être utilisé, mais il ne doit pas inclure les contre-révolutionnaires et les traîtres. Une dictature de toutes les classes révolutionnaires s’exerçant à l’égard des contrerévolutionnaires et des traîtres, voilà le genre d’Etat dont nous avons besoin aujourd’hui.

   Dans les Etats modernes, le système dit démocratique est le plus souvent monopolisé par la bourgeoisie et est devenu un simple instrument pour opprimer le peuple. Par contre, selon le principe de la démocratie du Kuomintang, le système démocratique est le bien commun de tout le peuple, et non quelque chose qu’une minorité peut s’approprier.

   Telle est la déclaration solennelle contenue dans le Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang qui s’est tenu en 1924, dans le cadre de la coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste. Or, depuis seize ans, le Kuomintang a violé cette déclaration, au point de provoquer la grave crise que traverse aujourd’hui notre pays. Voilà la monstrueuse erreur qu’il a commise ; souhaitons qu’il la corrige dans le feu purificateur de la Guerre de Résistance.

   Quant à la question de la « structure politique », c’est celle de savoir quelle est la structure du pouvoir politique, quelle forme une classe sociale déterminée entend donner à ses organes du pouvoir pour combattre ses ennemis et se défendre. Un Etat ne peut être représenté que par des organes du pouvoir adéquats.

La Chine peut adopter aujourd’hui le système des assemblées populaires, de l’assemblée populaire nationale aux assemblées populaires de province, de district, d’arrondissement et de canton, ces assemblées élisant à tous les échelons les gouvernements respectifs. Mais ce système doit être fondé sur des élections à un suffrage réellement universel et égal pour tous, sans distinction de sexe, de croyance, de fortune ou d’éducation ; seuls les organes du pouvoir ainsi élus pourront représenter chaque classe révolutionnaire, selon la position qu’elle occupe dans l’Etat, exprimer la volonté du peuple, diriger la lutte révolutionnaire et incarner l’esprit de la démocratie nouvelle.

C’est cela le centralisme démocratique. Seul un gouvernement fondé sur le centralisme démocratique pourra permettre pleinement à la volonté de tout le peuple révolutionnaire de s’exprimer, et combattre les ennemis de la révolution avec le maximum d’énergie. Le refus de considérer la démocratie comme « quelque chose qu’une minorité peut s’approprier » doit s’exprimer dans la composition du gouvernement et de l’armée ; sans un vrai régime démocratique, on ne peut atteindre ce but, et la structure politique ne sera pas en harmonie avec le régime d’Etat.

   La dictature conjointe de toutes les classes révolutionnaires comme régime d’Etat, et le centralisme démocratique comme structure politique, voilà ce qui constitue le système politique de démocratie nouvelle, la république de démocratie nouvelle, la république du front uni antijaponais, la république des nouveaux trois principes du peuple avec leurs trois thèses politiques fondamentales, voilà la République chinoise de nom et de fait.

Actuellement, bien que nous ayons une République chinoise, elle ne l’est que de nom et ne l’est pas de fait ; créer une réalité qui corresponde au nom, voilà notre tâche d’aujourd’hui.

   Tels sont les rapports politiques internes qu’une Chine révolutionnaire, qu’une Chine en lutte contre l’envahisseur japonais doit établir et ne peut pas ne pas établir ; telle est aujourd’hui l’unique orientation juste pour le travail de « construction nationale ».

VI. L’économie de Démocratie Nouvelle

   Si la république à fonder en Chine doit être une république de démocratie nouvelle, il faut qu’elle le soit non seulement par son système politique, mais aussi dans son économie.

   Les grandes banques et les grosses entreprises industrielles et commerciales doivent dans cette république devenir propriété d’Etat.

   Toute entreprise, appartenant aux Chinois ou aux étrangers, qui a un caractère monopoliste ou dépasse, par son envergure, les possibilités d’un particulier, comme la banque, les chemins de fer et les transports aériens, doit être administrée par l’Etat, afin que le capital privé ne puisse dominer la vie économique du peuple. Tel est le sens fondamental du contrôle du capital.

   C’est là une autre déclaration solennelle que comporte le Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang, tenu dans le cadre de la coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste ; elle exprime, en matière de structure économique, la juste politique de la république de démocratie nouvelle.

Dans cette république dirigée par le prolétariat, l’économie d’Etat aura un caractère socialiste et sera la force dirigeante dans l’ensemble de l’économie nationale, mais, du fait que l’économie chinoise est encore très arriérée, la république ne confisquera pas la propriété privée capitaliste, à l’exception de celle indiquée plus haut, ni n’interdira le développement d’une production capitaliste à moins qu’elle ne tende à « dominer la vie économique du peuple ».

   La république prendra certaines mesures indispensables pour confisquer la terre des propriétaires fonciers et pour la distribuer aux paysans qui n’en ont pas ou qui en ont peu, afin de réaliser le mot d’ordre du Dr Sun Yat-sen : « La terre à ceux qui la travaillent », de liquider les rapports féodaux à la campagne et de transférer la propriété de la terre aux paysans. L’existence de l’économie des paysans riches sera admise dans les régions rurales.

Tel est le principe de « l’égalisation du droit à la propriété de la terre », dont la juste interprétation s’exprime dans le mot d’ordre : « La terre à ceux qui la travaillent ». En général, il ne s’agit pas d’établir à cette étape une agriculture socialiste, quoique les diverses formes de coopératives qui se développeront sur la base de ce mot d’ordre contiennent des éléments de socialisme.

   L’économie chinoise doit suivre la voie du « contrôle du capital » et de « l’égalisation du droit à la propriété de la terre », elle ne doit jamais être « quelque chose qu’une minorité peut s’approprier » ; il ne faut pas laisser un petit nombre de capitalistes et de propriétaires fonciers « dominer la vie économique du peuple » ; il ne faut en aucun cas établir une société capitaliste sur le modèle européen et américain, ni permettre à la vieille société semi-féodale de subsister. Quiconque osera s’engager dans une voie contraire n’atteindra jamais son but et donnera de la tête contre un mur.

   Tels sont les rapports économiques internes qu’une Chine révolutionnaire, qu’une Chine en lutte contre l’envahisseur japonais doit établir et qu’elle établira nécessairement.

   Telle est l’économie de démocratie nouvelle.

   Et la politique de démocratie nouvelle est l’expression concentrée de cette économie.

VII. Contre la dictature bourgeoise

   Plus de 90 pour cent de la population du pays sont pour la fondation d’une république dont la politique et l’économie soient de démocratie nouvelle ; il n’y a pas d’autre chemin possible.

   Prendrions-nous celui qui conduit à une société capitaliste de dictature bourgeoise ? Ce fut certes le vieux chemin suivi par la bourgeoisie d’Europe et d’Amérique, mais ni la situation internationale ni la situation intérieure ne permettent à la Chine de s’y engager.

   Ce chemin n’est qu’une impasse dans la situation internationale actuelle, caractérisée essentiellement par la lutte entre le capitalisme et le socialisme, par le déclin du premier et la montée du second. En premier lieu, c’est le capitalisme international, c’est-à-dire l’impérialisme, qui ne permet pas l’établissement en Chine d’une société capitaliste de dictature bourgeoise. En effet, l’histoire moderne de notre pays est celle de l’agression que mènent contre lui les impérialistes, celle de leur opposition à son indépendance et à son propre développement capitaliste.

Etouffées par l’impérialisme, les révolutions antérieures ont échoué en Chine, et d’innombrables martyrs sont tombés, avec l’amer regret de n’avoir pu remplir leur mission. Aujourd’hui, le puissant impérialisme japonais a envahi la Chine dans l’intention de la transformer en colonie, c’est le Japon qui développe son capitalisme en Chine et non la Chine qui développe le sien, c’est la bourgeoisie japonaise qui y exerce sa dictature et non la bourgeoisie chinoise. Il n’y a pas de doute, nous vivons à l’époque des dernières convulsions de l’impérialisme ; celui-ci va bientôt périr, l’impérialisme étant « un capitalisme agonisant ».

Mais c’est justement parce qu’il va bientôt périr qu’il vit plus que jamais aux dépens des colonies et des semi-colonies et ne permettra à aucune d’entre elles d’établir quoi que ce soit de semblable à une société capitaliste de dictature bourgeoise.

C’est parce que l’impérialisme japonais est plongé dans une crise économique et politique grave et se trouve donc sur le point de périr qu’il doit nécessairement attaquer la Chine et la réduire en colonie, lui coupant la route qui mène à l’établissement d’une dictature bourgeoise et au développement d’un capitalisme national.

   En second lieu, c’est le socialisme qui ne permet pas l’établissement en Chine d’une société capitaliste de dictature bourgeoise. Toutes les puissances impérialistes du monde sont nos ennemis ; si la Chine veut l’indépendance, elle ne peut renoncer à l’aide du pays du socialisme et du prolétariat international. Cela signifie qu’elle ne peut se passer de l’aide de l’Union soviétique ni de celle du prolétariat japonais et des prolétariats anglais, américain, français, allemand, italien et autres qui luttent contre le capitalisme dans leur pays.

Bien qu’on ne puisse affirmer que la victoire de la révolution chinoise soit impossible avant la victoire de la révolution au Japon, en Angleterre, aux Etats-Unis, en France, en Allemagne, en Italie, ou seulement dans un ou deux de ces pays, il n’en demeure pas moins certain qu’elle n’est pas possible sans l’apport du prolétariat de ces pays.

L’aide soviétique en particulier est indispensable pour la victoire finale de la Chine dans sa Guerre de Résistance. La refuser, c’est vouer la révolution à la défaite. Les leçons des campagnes antisoviétiques, lancées à partir de 1927, ne sont-elles pas extraordinairement éloquentes ?

Le monde actuel traverse une époque nouvelle, une époque de révolutions et de guerres, l’époque de la fin inévitable du capitalisme et de la montée irrésistible du socialisme. Dans ces conditions, ne serait-ce pas pure sottise que de vouloir établir en Chine une société capitaliste de dictature bourgeoise après la victoire sur l’impérialisme et le féodalisme ?

   Si, après la première guerre mondiale impérialiste et la Révolution d’Octobre, il est apparu encore une petite Turquie kemaliste de dictature bourgeoise, par suite de conditions particulières (la victoire de la bourgeoisie dans la lutte contre l’agression grecque et la faiblesse du prolétariat), en revanche, après la Seconde guerre mondiale et l’achèvement de l’édification socialiste en U.R.S.S., il ne saurait y avoir de deuxième Turquie et encore moins une « Turquie » de 450 millions d’habitants.

En raison de conditions particulières à la Chine (la faiblesse de la bourgeoisie et son esprit de compromis, la puissance du prolétariat et son esprit révolutionnaire conséquent), rien n’y a jamais été obtenu à aussi bon compte qu’en Turquie. Après l’échec de la Première Grande Révolution en 1927, certains éléments de la bourgeoisie chinoise n’ont-ils pas réclamé à grands cris le kemalisme ? Mais où est le Kemal de la Chine ? Où sont la dictature bourgeoise et la société capitaliste chinoises ? Au surplus, la Turquie dite kémaliste a dû finalement se jeter elle-même dans les bras de l’impérialisme anglo-français, se transformant de plus en plus en une semi-colonie, en une part du monde impérialiste, réactionnaire.

Dans la situation internationale d’aujourd’hui, tout « héros », dans les colonies et semi-colonies, doit se mettre soit du côté du front impérialiste, et alors il fera partie des forces de la contrerévolution mondiale, soit du côté du front antiimpérialiste, et alors il fera partie des forces de la révolution mondiale. Il doit choisir l’une de ces deux voies, il n’y en a pas de troisième.

   Au point de vue de la situation intérieure, la bourgeoisie chinoise aurait dû tirer de l’histoire les leçons qui s’imposaient. En 1927, à peine la révolution venait-elle de remporter des victoires, grâce aux efforts du prolétariat, de la paysannerie et des autres fractions de la petite bourgeoisie, que la classe capitaliste chinoise, ayant à sa tête la grande bourgeoisie, repoussa brutalement les masses populaires, s’empara des fruits de la révolution, conclut une alliance contrerévolutionnaire avec l’impérialisme et les forces féodales ; pendant dix ans, elle s’épuisa à mener une guerre d’ »extermination des communistes ».

Mais qu’en est-il résulté ? Aujourd’hui, alors qu’un ennemi puissant a pénétré profondément dans notre territoire et que la Guerre de Résistance se poursuit depuis deux ans, se peut-il qu’on veuille encore appliquer les vieilles recettes de la bourgeoisie d’Europe et d’Amérique ?

Il y a eu « dix ans d’extermination des communistes », mais aucune société capitaliste de dictature bourgeoise n’en est sortie. Songe-t-on encore à une nouvelle tentative ? Il est vrai que des « dix ans d’extermination des communistes » est sortie la « dictature d’un seul parti », mais c’est une dictature semi-coloniale et semi-féodale. De quatre ans d’ »extermination des communistes » (de 1927 à l’Incident du 18 Septembre 1931) est sorti le « Mandchoukouo », et en 1937 après six autres années de cette « extermination », les impérialistes japonais pénétraient au sud de la Grande Muraille.

   Aujourd’hui, si quelqu’un songe à une seconde décennie d’ »extermination », c’est d’un nouveau type d’ »extermination des communistes » qu’il s’agira, quelque peu différent de l’ancien. Ne s’est-il pas trouvé déjà un homme au pied léger qui a devancé tout le monde et s’est hardiment chargé de cette nouvelle entreprise d’ »extermination des communistes » ? Oui, c’est Wang Tsing-wei, le célèbre anticommuniste d’un nouveau genre.

Celui qui veut entrer dans sa bande est parfaitement libre de le faire ; mais alors, ne sera-t-il pas encore plus gênant pour lui de chanter, entre autres, les mérites de la dictature bourgeoise, de la société capitaliste, du kemalisme, de l’Etat moderne, de la dictature d’un seul parti, de la « doctrine unique » ?

Et si, au lieu d’entrer dans sa bande, on veut joindre le camp de la résistance au Japon, s’imaginant pouvoir, une fois la victoire acquise, repousser du pied le peuple qui a combattu l’envahisseur, s’approprier les fruits de cette victoire et établir la « dictature permanente d’un seul parti », n’est-ce pas donner dans les chimères ?

« Résistons au Japon ! » « Résistons au Japon ! » Mais qui résiste en fait ? Sans les ouvriers, les paysans et les autres fractions de la petite bourgeoisie, vous ne pourrez rien faire. Quiconque, du reste, osera leur donner un coup de pied se fera écraser ; n’est-ce pas là du simple bon sens ? Mais les irréductibles de la bourgeoisie chinoise (j’entends les irréductibles seulement) semblent n’avoir rien appris depuis vingt ans. Ne continuent-ils pas à réclamer à cor et à cri la « limitation du Parti communiste », la « désintégration du Parti communiste » et la « lutte contre le Parti communiste » ?

N’avons-nous pas vu se succéder les « Mesures pour la limitation de l’activité des partis hérétiques », les « Mesures pour la solution du problème des partis hérétiques » et les « Instructions pour la solution du problème des partis hérétiques » ?

Mais, bon sang, s’ils continuent à « limiter » et à « résoudre » de la sorte, on se demande quel destin ils réservent à la nation et à eux-mêmes ! A ces messieurs, nous leur conseillons sincèrement ceci : Ouvrez les yeux, regardez la Chine et le monde, voyez ce qui se passe à l’intérieur et à l’extérieur du pays, voyez l’état actuel des choses, et ne retombez plus dans les mêmes erreurs ! Si vous persistez, la nation connaîtra un sort désastreux, sans aucun doute, mais je pense que les choses n’iront pas très bien pour vous non plus.

Ce qui est sûr et certain, absolument indiscutable, c’est que, si vous autres, les irréductibles de la bourgeoisie chinoise, vous ne voulez pas vous ressaisir, votre avenir sera loin d’être brillant ; vous serez les artisans de votre propre perte.

Aussi espérons-nous qu’en Chine le front uni antijaponais sera maintenu, qu’il ne sera pas l’apanage d’une clique, mais un front où tous coopèrent pour le triomphe de la cause antijaponaise ; c’est la seule bonne politique, toute autre serait mauvaise. Voilà ce que nous vous conseillons sincèrement, nous les communistes ; vous ne pourrez pas dire que nous ne vous avons pas prévenus.

   Le vieux dicton chinois : « S’il y a de la nourriture, que chacun ait sa part » est plein de vérité. De même que tous doivent combattre l’ennemi, de même tous doivent pouvoir manger, tous ont droit au travail et à l’instruction. « A moi tout le gâteau ! » et « Que personne s’avise de me faire du tort », voilà bien des façons de seigneur féodal, mais ce vieux truc ne prend plus dans les années 40 de notre siècle.

   Nous autres communistes, nous ne repousserons jamais aucun révolutionnaire ; nous maintiendrons le front uni en pratiquant une coopération durable avec toutes les classes et couches sociales, tous les partis et groupes politiques et tous ceux qui sont prêts à combattre le Japon jusqu’au bout.

Mais si l’on veut évincer le Parti communiste, ça n’ira pas ; si l’on veut rompre le front uni, ça n’ira pas non plus. La Chine doit persévérer dans la Résistance, l’union et le progrès. Nous ne tolérerons pas la capitulation, la rupture et la régression.

VIII. Contre les phraseurs « de gauche »

   Si l’on ne suit pas la voie capitaliste de dictature bourgeoise, peut-on alors suivre la voie socialiste de dictature prolétarienne ?

   Non, ce n’est pas possible non plus.

   Il ne fait aucun doute que la révolution en est encore à sa première phase et n’entrera que plus tard, lors de son développement ultérieur, dans la seconde phase, celle du socialisme. La Chine ne connaîtra le vrai bonheur qu’avec le socialisme.

Mais ce n’est pas encore le moment de le réaliser. La tâche présente de la révolution chinoise est de combattre l’impérialisme et le féodalisme ; avant que cette tâche soit achevée, il ne saurait être question de socialisme. La révolution chinoise doit traverser inévitablement deux phases, d’abord celle de la démocratie nouvelle, puis celle du socialisme.

De plus, la première phase sera assez longue, elle ne peut s’achever du jour au lendemain. Nous ne sommes pas des utopistes et nous ne pouvons pas faire abstraction des conditions existantes.

   Des propagandistes malintentionnés confondent à dessein ces deux phases différentes de la révolution et prêchent la prétendue théorie de la révolution unique pour démontrer que toutes les étapes de la révolution se retrouvent dans les trois principes du peuple et que le communisme a, par conséquent, perdu sa raison d’être. Ils se servent de cette « théorie » pour s’élever énergiquement contre le communisme et le Parti communiste, la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IVe Armée, ainsi que contre la région frontière du Chensi-Kansou-Ninghsia.

Leur but est de supprimer carrément toute révolution, de s’opposer à une révolution démocratique bourgeoise conséquente et à une résistance conséquente contre le Japon, et de préparer l’opinion à la capitulation devant l’envahisseur.

Cette campagne est inspirée par les impérialistes japonais et fait partie de leur plan. En effet, après avoir occupé Wouhan, ceux-ci ont compris que la force militaire seule ne saurait asservir la Chine, aussi en sont-ils venus à lancer une offensive politique et à user d’appâts économiques.

L’offensive politique vise à séduire les éléments hésitants dans le front antijaponais, à provoquer la rupture du front uni, à saper la coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste. Les appâts économiques prennent la forme de « création d’entreprises industrielles mixtes ».

En Chine centrale et méridionale, l’occupant japonais autorise les capitalistes chinois à prendre une participation de 51 pour cent au capital des entreprises, la part du capital japonais étant de 49 pour cent ; en Chine du Nord, il autorise une participation de 49 pour cent, la part du capital japonais étant de 51 pour cent.

En outre, l’occupant promet de rendre aux capitalistes chinois les biens qu’ils possédaient et de les convertir en actions, sous forme d’apport de capital. Ainsi, des capitalistes qui ont abdiqué toute conscience, ne voyant que le profit et oubliant le devoir, brûlent déjà de l’envie de tenter l’expérience.

Certains d’entre eux, représentés par Wang Tsing-wei, ont déjà capitulé. D’autres, camouflés dans le front antijaponais, songent également à passer à l’ennemi. Mais, avec la mauvaise conscience des coupables, ils craignent que le Parti communiste ne leur barre la route, ils redoutent encore plus que le peuple ne les flétrisse comme des traîtres.

Aussi se sont-ils concertés et ont-ils décidé de préparer d’abord l’opinion dans les milieux culturels et dans ceux de la presse. Le plan décidé, les choses n’ont pas traîné ; ils ont embauché quelques « phraseurs métaphysiciens », flanqués de quelques trotskistes, pour brandir la plume telle une épée, faire du tapage, frapper à tort et à travers.

D’où la kyrielle de bobards destinés à tromper ceux qui ne connaissent pas l’époque dans laquelle ils vivent : la « théorie de la révolution unique » et les allégations pour soutenir que le communisme ne convient pas à la situation de la Chine, que le Parti communiste n’y a pas sa raison d’être, que la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IVe Armée sabotent la Guerre de Résistance et ne font que se déplacer sans combattre, que la région frontière du Chensi-Kansou-Ninghsia est un fief féodal, que le Parti communiste n’obéit pas aux ordres, ne veut pas l’unification, mène des intrigues et fomente des troubles tout cela n’a pour but que de fournir aux capitalistes de bonnes raisons d’empocher leurs 49 ou 51 pour cent et de vendre les intérêts de toute la nation à l’ennemi au moment propice. C’est « voler les poutres les piliers et les remplacer par des pièces vermoulues ».

C’est préparer les esprits ou l’opinion publique à la capitulation. Ainsi, ces messieurs qui prêchent avec le plus grand sérieux la « théorie de la révolution unique » pour combattre le communisme et le Parti communiste ne travaillent en réalité que pour leurs 49 ou 51 pour cent, et quel mal ils se donnent pour cela ! La « théorie de la révolution unique » est la théorie du renoncement à la révolution, voilà le fond du sac.

   Mais il est d’autres gens qui, sans avoir, semble-t-il, de mauvaises intentions, se laissent égarer par la « théorie de la révolution unique », par l’idée purement subjective d’ »accomplir d’un seul coup la révolution politique et la révolution sociale » ; ils ne comprennent pas que la révolution est divisée en étapes, que nous ne pouvons passer à la seconde qu’une fois la première accomplie, qu’il n’existe aucune possibilité de tout « accomplir d’un seul coup ».

Ces conceptions sont également très nuisibles : elles brouillent les étapes de la révolution et affaiblissent nos efforts pour la tâche présente. Il est juste et conforme à la théorie marxiste du développement de la révolution d’affirmer que, des deux étapes de la révolution, la première prépare les conditions de la seconde, que les deux étapes doivent se succéder sans qu’il soit permis d’intercaler une étape de dictature bourgeoise.

Cependant, prétendre que la révolution démocratique n’a pas de tâches qui lui soient propres et ne correspond pas à une période déterminée, mais qu’elle peut, en même temps que les siennes, accomplir des tâches réalisables seulement dans une autre période, par exemple celles de la révolution socialiste, et appeler cela tout « accomplir d’un seul coup », c’est soutenir une vue utopique, inacceptable pour les vrais révolutionnaires.

IX. Contre les irréductibles

   Les irréductibles de la bourgeoisie viennent alors nous dire : « Bon ! vous autres communistes, vous remettez le régime socialiste à une étape ultérieure et vous dites : ’Les trois principes du peuple étant aujourd’hui nécessaires à la Chine, notre Parti est prêt à lutter pour leur réalisation complète’. Eh bien ! remisez donc pour le moment votre communisme. » Récemment, de tels propos, camouflés sous l’enseigne de la « doctrine unique », sont devenus une clameur effroyable ; au fond, ce n’est que le hurlement des irréductibles qui aspirent au pouvoir absolu de la bourgeoisie. Mais, par politesse, disons simplement que c’est un manque total de bon sens.

   Le communisme est le système complet de l’idéologie prolétarienne en même temps qu’un nouveau régime social. Cette idéologie et ce régime social diffèrent de toute autre idéologie et de tout autre régime social ; ils sont les plus parfaits, les plus progressistes, les plus révolutionnaires, les plus rationnels de toute l’histoire de l’humanité. L’idéologie et le régime social du féodalisme sont entrés au musée de l’histoire.

Ceux du capitalisme sont, eux aussi, entrés au musée dans une partie du monde (en U.R.S.S.) ; partout ailleurs, ils ressemblent à « un moribond qui décline rapidement, comme le soleil derrière les collines de l’ouest » ; ils seront bientôt bons pour le musée.

Seuls l’idéologie et le régime social du communisme se répandent dans le monde entier avec l’impétuosité de l’avalanche et la force de la foudre ; ils feront fleurir leur merveilleux printemps. L’introduction du communisme scientifique en Chine a élargi l’horizon des hommes et changé la face de la révolution chinoise.

Sans la doctrine communiste pour la guider, la révolution démocratique ne pourra jamais triompher en Chine, ni, à plus forte raison, l’étape suivante de la révolution. Voilà pourquoi les irréductibles de la bourgeoisie demandent à grands cris que l’on « remise » le communisme. En vérité, il n’est pas possible de le « remiser », car la Chine serait perdue. Le communisme est pour le monde d’aujourd’hui l’étoile conductrice, et la Chine ne fait pas exception.

   Chacun sait que, en matière de régime social, le Parti communiste a un programme pour le présent et un programme pour l’avenir, autrement dit, un programme minimum et un programme maximum.

La démocratie nouvelle pour le présent, le socialisme pour l’avenir : ce sont les deux parties d’un tout organique, régies par la seule et même idéologie communiste. N’est-ce donc pas le comble de l’absurdité que de crier qu’il faut « remiser » le communisme parce que le programme minimum du Parti communiste et les idées politiques fondamentales des trois principes du peuple sont pratiquement les mêmes ?

Pour nous communistes, c’est parce qu’ils sont pratiquement les mêmes qu’il nous est possible d’admettre « les trois principes du peuple comme politique du front uni antijaponais », d’affirmer que, « les trois principes du peuple étant aujourd’hui nécessaires à la Chine, notre Parti est prêt à lutter pour leur réalisation complète ».

Autrement, cette possibilité serait exclue. Ce que nous avons là, c’est le front uni du communisme et des trois principes du peuple à l’étape de la révolution démocratique, le genre de front uni que le Dr Sun Yat-sen avait en vue lorsqu’il disait : « Le communisme est un grand ami des trois principes du peuple ». Rejeter le communisme revient en fait à rejeter le front uni. C’est justement parce qu’ils veulent appliquer leur doctrine du parti unique et rejeter le front uni que les irréductibles ont fabriqué de telles absurdités pour rejeter le communisme.

   D’ailleurs, la « doctrine unique » est tout aussi absurde. Aussi longtemps qu’il existera des classes, il y aura autant de doctrines que de classes, et même les différents groupes d’une seule classe pourront avoir chacun leur propre doctrine. Puisque la classe féodale a son féodalisme, la bourgeoisie son capitalisme, les bouddhistes leur bouddhisme, les chrétiens leur christianisme, les paysans leur polythéisme, puisque, ces dernières années, il se trouve encore des gens pour préconiser le kemalisme, le fascisme, le vitalisme, la « doctrine de répartition selon le travail fourni », pourquoi le prolétariat ne pourrait-il pas avoir son communisme ?

Puisque les « ismes » sont innombrables, pourquoi à la vue du seul communisme crie-t-on qu’il faut le « remiser » ? A dire vrai, il ne peut être question de le « remiser » ; mieux vaut entrer en compétition. Si le communisme est battu, nous, communistes, nous accepterons la défaite de bonne grâce. S’il ne Test pas, qu’on « remise » au plus vite cette « doctrine unique » contraire au principe de la démocratie.

   Pour éviter les malentendus et pour ouvrir les yeux aux irréductibles, il faut montrer clairement l’analogie et les différences entre les trois principes du peuple et le communisme.

   En comparant les deux doctrines, on constatera aussi bien l’analogie que les différences.

   Premièrement, l’analogie. Elle réside dans le programme politique fondamental des deux doctrines pour l’étape de la révolution démocratique bourgeoise en Chine. Les trois principes politiques révolutionnaires : nationalisme, démocratie et bienêtre du peuple, selon la nouvelle interprétation des trois principes du peuple donnée par le Dr Sun Yat-sen en 1924, sont analogues dans leurs grandes lignes au programme politique communiste pour l’étape de la révolution démocratique chinoise.

Cette analogie et l’application des trois principes du peuple donnèrent naissance au front uni des deux doctrines et des deux partis. C’est une erreur de négliger cet aspect de la question.

   Deuxièmement, les différences :

1) Une différence partielle des programmes pour l’étape de la révolution démocratique. Le programme communiste pour tout le cours de la révolution démocratique prévoit les pleins droits pour le peuple, la journée de travail de huit heures et une révolution agraire radicale, points qui ne figurent pas dans les trois principes du peuple. Si on ne les y incorpore pas et si on n’est pas prêt à les réaliser, il n’y aura qu’une analogie de base entre les deux programmes démocratiques, on ne pourra pas dire qu’ils sont tout à fait les mêmes.

2) Une différence en ce qui concerne la révolution socialiste.

La doctrine communiste prévoit, en plus de l’étape de la révolution démocratique, celle de la révolution socialiste ; c’est pourquoi, outre un programme minimum, elle a un programme maximum, c’est-à-dire le programme pour la réalisation du socialisme et du communisme.

Les trois principes du peuple ne prévoient que l’étape de la révolution démocratique, non celle de la révolution socialiste ; aussi ne contiennent-ils qu’un programme minimum et pas de programme maximum, c’est-à-dire pas de programme pour la réalisation du socialisme et du communisme.

3) Une différence dans la conception du monde. La conception communiste du monde est le matérialisme dialectique et le matérialisme historique, alors que la conception du monde contenue dans les trois principes du peuple, c’est la conception historique qui s’exprime dans le principe du bienêtre du peuple, et elle est dans son essence dualiste ou idéaliste ; les deux conceptions sont opposées l’une à l’autre.

4) Une différence quant à la capacité d’aller jusqu’au bout dans la révolution. Les communistes unissent la théorie à la pratique, c’est-à-dire qu’ils sont des révolutionnaires conséquents. Chez les partisans des trois principes du peuple, exception faite de ceux qui sont tout à fait fidèles à la révolution et à la vérité, l’unité de la théorie et de la pratique n’existe pas et il y a contradiction entre ce qu’ils disent et ce qu’ils font ; en d’autres termes, ils ne sont pas des révolutionnaires conséquents.

Telles sont les différences entre les deux doctrines, les différences qui distinguent les communistes des partisans des trois principes du peuple. C’est assurément une grave erreur de négliger ces différences, de ne voir que l’unité et non les contradictions.

   Quand on aura compris cela, on saura pourquoi les irréductibles de la bourgeoisie demandent de « remiser » le communisme. Ne pas voir que c’est pour assurer le pouvoir absolu à la bourgeoisie serait totalement de bon sens.

X. Les anciens et les nouveaux trois principes du peuple

   Les irréductibles de la bourgeoisie ne comprennent absolument rien aux transformations historiques ; leurs connaissances sont si pauvres qu’elles sont pratiquement nulles. Ils ne voient les différences ni entre le communisme et les trois principes du peuple, ni entre les anciens et les nouveaux trois principes du peuple.

   Nous, communistes, nous admettons « les trois principes du peuple comme base politique du front uni national antijaponais » ; nous affirmons que, « les trois principes du peuple étant aujourd’hui nécessaires à la Chine, notre Parti est prêt à lutter pour leur réalisation complète » ; nous reconnaissons que le programme minimum du communisme et les idées politiques fondamentales des trois principes du peuple sont pratiquement les mêmes. Mais de quels trois principes du peuple s’agit-il ?

De ceux dont le Dr Sun Yat-sen a donné une interprétation nouvelle dans le « Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang » et d’aucun autre. Je voudrais que messieurs les irréductibles parcourent eux aussi ce Manifeste, dans un de ces moments de quiétude satisfaite qui suivent leur travail de « limitation du Parti communiste », de « désintégration du Parti communiste » et de « lutte contre le Parti communiste ».

Le Dr Sun Yat-sen a déclaré dans le Manifeste : « Là est la bonne interprétation des trois principes du peuple du Kuomintang ». Ainsi, ces principes sont les seuls véritables ; toutes les autres versions sont fausses. Seule l’interprétation contenue dans le « Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang » est la « bonne interprétation », alors que toutes les autres sont fausses. Il y a tout lieu de croire que ce n’est pas là un « bobard » communiste, car beaucoup de membres du Kuomintang et moi-même personnellement, nous avons été témoins de l’adoption du Manifeste.

   Le Manifeste marque la séparation entre deux époques dans l’histoire des trois principes du peuple. Avant le Manifeste, ils appartenaient à l’ancienne catégorie ; c’étaient ceux de l’ancienne révolution démocratique bourgeoise d’un pays semi-colonial, ceux de l’ancienne démocratie, les anciens trois principes du peuple.

   Après le Manifeste, ils appartiennent à la nouvelle catégorie ; ce sont ceux de la nouvelle révolution démocratique bourgeoise d’un pays semi-colonial, ceux de la démocratie nouvelle, les nouveaux trois principes du peuple. Ces derniers seuls sont les trois principes du peuple révolutionnaires de la période nouvelle.

   Ces trois principes du peuple révolutionnaires de la période nouvelle, ces nouveaux, ces vrais trois principes du peuple, ce sont ceux qui comportent les trois thèses politiques fondamentales : alliance avec la Russie, alliance avec le Parti communiste et soutien aux paysans et aux ouvriers. Dans la période nouvelle, sans ces trois thèses, et n’en manquerait-il qu’une seule, les trois principes du peuple deviennent faux ou incomplets.

   En premier lieu, les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais, comprennent nécessairement l’alliance avec la Russie. Il est parfaitement clair que, dans la situation actuelle, si l’on n’adopte pas la politique d’alliance avec la Russie, avec le pays du socialisme, on sera forcément réduit à une politique d’alliance avec l’impérialisme, avec les puissances impérialistes. Ne l’avons-nous pas vu déjà après 1927 ?

Lorsque la lutte entre l’Union soviétique socialiste et les puissances impérialistes s’intensifiera, la Chine devra se ranger d’un côté ou de l’autre. Cela est inévitable. Est-il possible qu’il en soit autrement ? Non, c’est une illusion.

Tous les pays du monde seront entraînés dans l’un ou l’autre de ces deux fronts et la « neutralité » ne sera dès lors qu’un terme trompeur. Cela est vrai en particulier pour la Chine : luttant contre une puissance impérialiste qui a pénétré profondément dans son territoire, elle n’a aucun espoir de remporter la victoire finale sans l’aide soviétique.

Si l’alliance avec l’Union soviétique est abandonnée au profit d’une alliance avec l’impérialisme, il faut alors ôter le qualificatif de « révolutionnaires » aux trois principes du peuple, devenus réactionnaires. Disons, en dernière analyse, qu’il n’y a pas de trois principes du peuple « neutres », ils ne peuvent être que révolutionnaires ou contre-révolutionnaires.

Mais ne serait-il pas plus héroïque d’engager un « combat entre deux feux », suivant la formule avancée autrefois par Wang Tsing-wei, et d’avoir une version des trois principes du peuple qui serve ce « combat » ? Le malheur est que l’inventeur de cette formule, Wang Tsing-wei, a lui-même abandonné (ou « remisé ») cette version pour adopter les trois principes du peuple de l’alliance avec l’impérialisme.

Si l’on soutient qu’il y a une différence entre les impérialistes d’Orient et ceux d’Occident, et que, lui s’étant allié avec les impérialistes d’Orient, on va s’allier avec tels ou tels impérialistes d’Occident pour diriger l’attaque vers l’est, n’aura-t-on pas adopté une conduite tout à fait révolutionnaire ? Mais que vous le vouliez ou non, les impérialistes d’Occident sont décidés à combattre l’Union soviétique et le communisme, si donc vous vous alliez avec eux, ils vous demanderont de diriger l’attaque vers le nord, et votre révolution n’aboutira à rien.

Puisqu’il en est ainsi, les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais, comprennent nécessairement l’alliance avec la Russie, et en aucun cas l’alliance avec l’impérialisme contre la Russie.

   En second lieu, les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais, comprennent nécessairement l’alliance avec le Parti communiste. On est l’allié du Parti communiste ou on le combat. L’anticommunisme est la politique des impérialistes japonais et de Wang Tsing-wei, et si c’est ce que vous voulez aussi, très bien, ils vous inviteront à entrer dans leur Société anticommuniste. Ne seriez-vous pas alors un peu suspect de collaboration avec le Japon ? Moi, direz-vous, je n’irai pas avec le Japon, mais avec une autre puissance.

C’est tout aussi ridicule. Qu’importé avec qui vous irez, du moment que vous êtes anticommuniste, vous êtes un traître à la nation, parce que vous ne pouvez plus combattre le Japon. J’irai, direz-vous, combattre le Parti communiste indépendamment. C’est pure divagation. Comment les « héros » d’un pays colonial et semi-colonial peuvent-ils s’attaquer à une entreprise contrerévolutionnaire de cette importance sans compter sur les forces impérialistes ?

Pendant dix ans, on a fait appel à presque toutes les puissances impérialistes du monde pour combattre le Parti communiste, sans obtenir aucun résultat ; comment, aujourd’hui, parviendra-t-on soudain à le combattre « indépendamment » ? Il y a, paraît-il, hors de notre Région frontière, des gens qui disent : « Combattre le Parti communiste, c’est bien, mais on ne réussira pas à le battre. » Si la remarque a vraiment été faite, elle est fausse à moitié : en effet, en quoi est-ce « bien » de combattre le Parti communiste ?

Mais l’autre moitié est juste, car il est vrai qu’ »on ne réussira pas à le battre ». La raison essentielle, il faut la chercher non chez les communistes, mais dans le peuple, qui tient au Parti communiste et ne veut pas le combattre. Si vous le combattez à un moment où l’ennemi de la nation a pénétré profondément dans notre territoire, le peuple sera sans pitié pour vous, il vous en demandera compte sur votre vie.

C’est chose certaine, celui qui veut combattre le Parti communiste doit s’attendre à être réduit en miettes. S’il ne tient pas à subir ce sort, il vaut nettement mieux qu’il s’abstienne. C’est le conseil que nous donnons sincèrement à tous les « héros » de l’anticommunisme. Ainsi, rien n’est plus clair : aujourd’hui, les trois principes du peuple doivent comprendre l’alliance avec le Parti communiste, sous peine d’aller à l’échec. C’est pour eux une question de vie ou de mort ; unis au Parti communiste, ils survivront ; opposés au Parti communiste, ils disparaîtront. Qui donc pourrait prouver le contraire ?

   En troisième lieu, les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais, comprennent nécessairement une politique en faveur des paysans et des ouvriers. Si vous ne voulez pas de cette politique, si vous ne voulez pas soutenir sincèrement les paysans et les ouvriers, si vous ne voulez pas « éveiller les masses », comme le recommande le testament du Dr Sun Yat-sen, vous préparez l’échec de la révolution et votre propre échec. Staline a dit : « …la question nationale est, au fond, une question paysanne. »

Cela veut dire que la révolution chinoise est, au fond, une révolution paysanne, que la résistance que nous opposons au Japon est donc la guerre de résistance des paysans contre le Japon. Appliquer le système politique de démocratie nouvelle revient, au fond, à accorder aux paysans leurs droits. Les nouveaux, les vrais trois principes du peuple sont, au fond, les principes de la révolution paysanne. Le problème de la culture des masses, c’est, au fond, l’élévation du niveau culturel des paysans. La Guerre de Résistance est, au fond, une guerre paysanne.

On applique aujourd’hui le « principe d’aller dans les montagnes » ; là, on organise des réunions, on travaille, on fait la classe, on édite des journaux, on écrit des livres, on joue des pièces de théâtre : tout cela, au fond, est fait pour les paysans. Tout ce qui est nécessaire à la Guerre de Résistance ainsi qu’à notre subsistance est, au fond, fourni par les paysans.

Quand on dit « au fond », cela veut dire « pour l’essentiel », mais cela ne signifie pas qu’on néglige les autres fractions de la population, comme Staline lui-même l’a expliqué. Les paysans constituent les 80 pour cent de la population de la Chine ; même un écolier le sait. Aussi la question paysanne est-elle devenue la question fondamentale de la révolution chinoise, et les paysans en sont-ils la force principale. Après les paysans, il y a les ouvriers, dont l’effectif vient au second rang dans la population chinoise. La Chine a plusieurs millions d’ouvriers industriels et plusieurs dizaines de millions d’artisans et d’ouvriers agricoles.

La Chine ne peut pas vivre sans les ouvriers des diverses industries, parce que ce sont eux les producteurs du secteur industriel de notre économie. Et la révolution ne peut pas triompher sans la classe ouvrière de l’industrie moderne, parce que c’est elle qui dirige la révolution chinoise et qui a l’esprit le plus révolutionnaire.

Dans ces conditions, les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais, comportent nécessairement une politique en faveur des paysans et des ouvriers. S’ils ne comportaient pas cette politique, ne prévoyaient pas un soutien sincère aux paysans et aux ouvriers et ne visaient pas à « éveiller les masses », leur échec serait certain.

   On peut donc déduire que les trois principes du peuple qui s’écarteraient des trois thèses politiques fondamentales : alliance avec la Russie, alliance avec le Parti communiste et soutien aux paysans et aux ouvriers, n’auraient aucun avenir. Tout partisan honnête des trois principes du peuple se doit d’y réfléchir sérieusement.

   Les trois principes du peuple qui comprennent les trois thèses politiques fondamentales – les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais – sont ceux de la démocratie nouvelle, le développement des anciens trois principes du peuple, la grande contribution du Dr Sun Yat-sen, le produit de l’époque où la révolution chinoise est devenue une partie de la révolution mondiale socialiste.

C’est ceux-là seulement que le Parti communiste chinois considère comme étant « aujourd’hui nécessaires à la Chine », et pour lesquels il « est prêt à lutter » jusqu’à « leur réalisation complète ». C’est ceux-là seulement qui présentent une analogie fondamentale avec le programme politique du Parti communiste chinois pour l’étape de la révolution démocratique, c’est-à-dire avec son programme minimum.

   Quant aux anciens trois principes du peuple, ils étaient un produit de l’ancienne période de la révolution chinoise. La Russie d’alors était un Etat impérialiste et il ne pouvait naturellement y avoir de politique d’alliance avec elle ; en Chine, il n’y avait pas alors le Parti communiste, et il ne pouvait évidemment y avoir de politique d’alliance avec lui.

Le mouvement ouvrier et paysan n’avait pas encore révélé toute son importance politique ni attiré l’attention sur lui et il ne pouvait donc y avoir de politique d’alliance avec les ouvriers et les paysans. C’est pourquoi les trois principes du peuple d’avant la réorganisation du Kuomintang en 1924 appartiennent à l’ancienne catégorie et sont périmés. Le Kuomintang ne pouvait pas avancer à moins d’en faire les nouveaux trois principes du peuple.

Grâce à sa clairvoyance, Sun Yat-sen le comprit et, avec l’aide de l’Union soviétique et du Parti communiste chinois, il donna une nouvelle interprétation des trois principes du peuple, Ceux-ci furent dotés de caractéristiques nouvelles, conformes à l’époque, ce qui permit de réaliser le front uni des trois principes du peuple avec le communisme, d’établir pour la première fois une coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste, d’obtenir l’adhésion de toute la nation et d’entreprendre la révolution de 1924-1927.

   Les anciens trois principes du peuple étaient révolutionnaires dans l’ancienne période, dont ils reflétaient les particularités historiques.

Mais si, dans la nouvelle période, après l’établissement des nouveaux trois principes du peuple, on s’obstine à s’accrocher aux choses périmées, à combattre l’alliance avec la Russie après la naissance de l’Etat socialiste, à s’opposer à l’alliance avec le Parti communiste après la fondation de celui-ci, à lutter contre la politique de soutien aux paysans et aux ouvriers après leur prise de conscience et la manifestation de leur force politique, on fait alors des trois principes du peuple quelque chose de réactionnaire, qui ne répond pas à l’esprit de l’époque actuelle.

La réaction d’après 1927 résulta précisément de la méconnaissance de l’esprit de l’époque. « Qui comprend les signes de son temps est un grand homme », dit un proverbe. J’espère que les partisans actuels des trois principes du peuple s’en souviendront.

   Pour ce qui est des anciens trois principes du peuple, ils ne présentent aucune analogie fondamentale avec le programme minimum communiste, parce qu’ils appartiennent au passé et sont périmés.

S’il s’agit de trois principes du peuple dirigés contre la Russie, contre le Parti communiste et contre les paysans et les ouvriers, ce sont des principes réactionnaires qui non seulement n’ont plus rien de commun avec le programme minimum communiste, mais sont ennemis du communisme ; il n’y a donc aucune base de discussion possible. A cela aussi les partisans des trois principes du peuple feraient bien de réfléchir sérieusement.

   De toute façon, tant que les tâches de la lutte contre l’impérialisme et le féodalisme n’auront pas été achevées pour l’essentiel, aucun homme de conscience n’abandonnera les nouveaux trois principes du peuple. Seuls des gens comme Wang Tsing-wei les ont abandonnés. En dépit de l’ardeur de ceux-ci à faire appliquer leurs faux trois principes du peuple qui sont contre la Russie, contre le Parti communiste et contre les paysans et les ouvriers, il se trouvera toujours des hommes honnêtes, des hommes épris de justice qui continueront à défendre les vrais trois principes du peuple de Sun Yat-sen.

Si, après la réaction de 1927, les vrais partisans des trois principes du peuple, qui continuaient le combat pour la révolution chinoise, étaient encore nombreux, maintenant que l’ennemi de notre nation a pénétré profondément dans notre territoire, il est certain qu’ils sont légion. Nous autres communistes, nous persévérerons dans une coopération à long terme avec tous les partisans sincères des trois principes du peuple et, tout en repoussant les traîtres et les anticommunistes invétérés, nous n’abandonnerons jamais aucun de nos amis.

XI. La culture de Démocratie Nouvelle

   Nous avons expliqué plus haut les particularités historiques du système politique de la Chine dans la nouvelle période, ainsi que la question de la république de démocratie nouvelle. Nous pouvons aborder maintenant la question de la culture.

   Toute culture est, sur le plan idéologique, le reflet de la politique et de l’économie d’une société donnée. En Chine, il existe une culture impérialiste, qui est le reflet de la domination ou de la domination partielle, politique et économique, de l’impérialisme sur la Chine. Cette culture est non seulement entretenue par les institutions culturelles administrées directement en Chine par les impérialistes, mais encore prônée par des Chinois sans pudeur. Toute culture qui porte en elle des idées servîtes entre dans cette catégorie.

En Chine, il existe aussi une culture semi-féodale, reflet de la politique et de l’économie semi-féodales du pays ; ses représentants comprennent tous ceux qui prônent le culte de Confucius, l’étude du canon confucéen, l’ancienne morale et les vieilles idées et qui s’opposent à la culture nouvelle et aux idées nouvelles. La culture, impérialiste et la culture semi-féodale sont deux sœurs très unies qui ont contracté une alliance réactionnaire pour s’opposer à la nouvelle culture chinoise.

Ces cultures réactionnaires sont au service des impérialistes et de la classe féodale et doivent être abattues. Sinon, il sera impossible d’édifier une culture nouvelle. Sans destruction, pas de construction ; sans barrage, pas de courant ; sans repos, pas de mouvement. Entre la culture nouvelle et les cultures réactionnaires une lutte à mort est engagée.

   Quant à la culture nouvelle, elle est, sur le plan idéologique, le reflet de la politique et de l’économie nouvelles, et elle est à leur service.

   Comme nous l’avons exposé dans la section 3, depuis que la Chine a vu naître une économie capitaliste, la société chinoise a peu à peu changé de nature : elle a cessé d’être entièrement féodale pour devenir semi-féodale, bien que l’économie féodale prédomine encore. Par rapport à cette dernière, le capitalisme est une économie nouvelle. En même temps que cette économie nouvelle, capitaliste, apparaissaient et se développaient de nouvelles forces politiques : la bourgeoisie, la petite bourgeoisie et le prolétariat.

Et la culture nouvelle est, sur le plan idéologique, le reflet des nouvelles forces économiques et politiques, et elle est à leur service. Sans l’économie capitaliste, sans la bourgeoisie, la petite bourgeoisie et le prolétariat, sans les forces politiques que représentent ces classes, ni l’idéologie ni la culture nouvelles n’auraient pu naître.

   Les nouvelles forces politiques, économiques et culturelles sont toutes des forces révolutionnaires qui s’opposent à l’ancienne politique, à l’ancienne économie et à l’ancienne culture. Celles-ci se composent de deux parties : d’une part, la politique, l’économie et la culture semi-féodales, proprement chinoises ; d’autre part, la politique, l’économie et la culture impérialistes, qui sont prépondérantes dans l’alliance de ces deux parties.

Elles sont aussi nuisibles l’une que l’autre et doivent être détruites complètement. La lutte entre l’ancien et le nouveau dans la société chinoise, c’est la lutte entre les forces nouvelles, celles des masses populaires les classes révolutionnaires, et les forces anciennes, celles de l’impérialisme et de la classe féodale ; c’est la lutte entre la révolution et la contrerévolution. Elle dure depuis un siècle déjà, si on la fait remonter à la Guerre de l’Opium, et depuis près de trente ans, si on la fait débuter à la Révolution de 1911.

   Mais comme il a été dit plus haut, une révolution elle aussi peut être ancienne ou nouvelle ; nouvelle à une époque de l’histoire, elle devient ancienne à une autre. Les cent ans de la révolution démocratique bourgeoise de Chine se divisent en deux grandes périodes : les quatre-vingts premières années et les vingt dernières.

Chacune possède une particularité historique fondamentale : dans la première, la révolution démocratique bourgeoise appartient à l’ancienne catégorie ; dans la seconde, du fait de l’évolution de la situation politique internationale et intérieure, elle appartient à la nouvelle catégorie. Démocratie ancienne pour les quatre-vingts premières années, démocratie nouvelle pour les vingt dernières années. Cette distinction sur le plan politique apparaît également sur le plan culturel.

   Comment se manifeste-t-elle sur le plan culturel ? C’est ce que nous allons expliquer.

XII. Les particularités historiques de la Révolution Culturelle en Chine

   Sur le front culturel ou sur le front idéologique, la période qui précède le Mouvement du 4 Mai et celle qui le suit constituent deux périodes historiques distinctes.

   Avant le Mouvement du 4 Mai, la lutte sur le front culturel en Chine opposait la nouvelle culture bourgeoise à la vieille culture féodale. Les luttes entre le système scolaire moderne et le système des examens impériaux, entre la nouvelle école et l’ancienne, entre les études à l’occidentale et les études à la chinoise étaient toutes de cette nature.

Par système scolaire moderne, nouvelle école ou études à l’occidentale on entendait essentiellement (nous disons essentiellement, parce qu’il s’y mêlait encore bien des séquelles de la féodalité chinoise) les sciences de la nature et les doctrines sociales et politiques de la bourgeoisie dont avaient besoin ses représentants. A l’époque, l’idéologie de cette nouvelle école joua un rôle révolutionnaire en combattant l’idéologie féodale chinoise ; elle était au service de la révolution démocratique bourgeoise de l’ancienne période.

Toutefois, comme la bourgeoisie chinoise était impuissante et que le monde était déjà parvenu au stade de l’impérialisme, cette idéologie bourgeoise fut repoussée dès les premières rencontres par l’alliance réactionnaire des idées serviles, inculquées par l’impérialisme étranger, et des idées féodales de « retour aux anciens ».

Face à la contre-offensive esquissée par cette alliance idéologique réactionnaire, la nouvelle école roula ses drapeaux, fit taire ses tambours et sonna la retraite ; son âme perdue, il ne resta d’elle que l’enveloppe. Dès l’époque de l’impérialisme, l’ancienne culture démocratique bourgeoise, corrompue, avait perdu toute vigueur ; sa défaite était inévitable.

   Mais à partir du « 4 Mai », les choses ont changé de cours. Une force culturelle toute nouvelle est apparue en Chine, ce sont la culture et l’idéologie communistes, guidées par les communistes chinois, autrement dit, la conception communiste du monde et la théorie communiste de la révolution sociale.

Le Mouvement du 4 Mai se produisit en 1919 ; la fondation du Parti communiste chinois et le début réel du mouvement ouvrier datent de 1921. Ces événements ont eu lieu après la Première guerre mondiale et la Révolution d’Octobre, c’est-à-dire au moment où, sur le plan mondial, la question nationale et le mouvement révolutionnaire dans les colonies prenaient un aspect nouveau Ici, la relation entre la révolution chinoise et la révolution mondiale devient manifeste.

Grâce à l’apparition sur la scène politique chinoise de nouvelles forces politiques prolétariat et Parti communiste, la nouvelle force culturelle, en nouvel uniforme et pourvue d’armes nouvelles, rassemblant tous les alliés possibles et se rangeant en ordre de bataille, lançait une offensive hardie contre les cultures impérialiste et féodale.

Cette force nouvelle a connu une grande expansion dans le domaine des sciences sociales (philosophie, sciences économiques, politiques, militaires, historiques) comme dans celui de la littérature et de l’art (théâtre, cinéma, musique, sculpture, peinture). Depuis vingt ans, partout où elle a porté ses attaques, elle a suscité une grande révolution, aussi bien dans le contenu idéologique que dans la forme (dans la langue écrite, par exemple). Elle a donné une impulsion si forte, fait preuve d’une puissance si considérable qu’elle fut irrésistible. La mobilisation qu’elle a réalisée est d’une ampleur sans égale dans l’histoire de la Chine.

Et Lou Sin est le porte-drapeau le plus glorieux et le plus intrépide de cette nouvelle force culturelle. Commandant en chef de la révolution culturelle chinoise, il est grand non seulement comme homme de lettres, mais encore comme penseur et révolutionnaire.

D’une rectitude inflexible, sans une ombre de servilité ou d’obséquiosité qualité inestimable pour le peuple d’un pays colonial ou semi-colonial Lou Sin représente sur le front culturel l’écrasante majorité du peuple ; il est le héros national le plus lucide, le plus courageux, le plus ferme, le plus loyal et le plus ardent qui ait jamais livré assaut aux positions ennemies.

La voie dans laquelle il s’est engagé est celle de la nouvelle culture du peuple chinois.

   Avant le « 4 Mai », la nouvelle culture chinoise relevait de la culture de l’ancienne démocratie et constituait une partie de la révolution culturelle capitaliste de la bourgeoisie mondiale. Depuis le « 4 Mai », elle relève de la démocratie nouvelle et fait partie de la révolution culturelle socialiste du prolétariat mondial.

   Avant le « 4 Mai », le mouvement de la nouvelle culture, ou révolution culturelle chinoise, était mené par la bourgeoisie, qui jouait encore le rôle dirigeant. Depuis le « 4 Mai », la culture et l’idéologie de la bourgeoisie retardent encore plus que ses institutions politiques et ne sont plus du tout en mesure de jouer ce rôle.

Tout au plus peuvent-elles, en période de révolution et jusqu’à un certain point, faire partie d’une alliance dont la direction revient nécessairement à la culture et l’idéologie du prolétariat. C’est là un fait patent, indéniable.

   La culture de démocratie nouvelle, c’est la culture anti-impérialiste antiféodale des masses populaires ; c’est aujourd’hui la culture du front uni de résistance contre le Japon. Elle ne peut être dirigée que par la culture et l’idéologie du prolétariat, c’est-à-dire par l’idéologie communiste ; la culture et l’idéologie d’aucune autre classe ne peuvent assumer ce rôle. Bref, la culture de démocratie nouvelle, c’est la culture antiimpérialiste et antiféodale, appartenant aux masses populaires et dirigée par le prolétariat.

XIII. Les quatre périodes

   La révolution culturelle est le reflet, sur le plan idéologique, de la révolution politique et de la révolution économique, et elle est à leur service. En Chine, il y a un front uni dans la révolution culturelle comme dans la révolution politique.

   L’histoire du front uni dans la révolution culturelle a connu, au cours des vingt dernières années, quatre périodes. La première couvre les deux années de 1919 à 1921 ; la deuxième, les six années de 1921 à 1927 ; la troisième, les dix années de 1927 à 1937 ; la quatrième, les trois années de 1937 à nos jours.

   La première période va du Mouvement du 4 Mai 1919 à la fondation du Parti communiste chinois en 1921. Cette période a été marquée essentiellement par ce Mouvement.

   Le Mouvement du 4 Mai fut aussi bien antiimpérialiste qu’antiféodal. Sa portée historique exceptionnelle réside dans le fait que, dépassant la Révolution de 1911, il revêt le caractère d’une lutte conséquente et intransigeante contre l’impérialisme et le féodalisme.

Ce caractère provient de ce que l’économie capitaliste chinoise avait fait un pas en avant, et que les intellectuels révolutionnaires chinois, ayant vu s’effondrer trois grandes puissances impérialistes : la Russie, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, et s’affaiblir deux autres : l’Angleterre et la France, tandis que le prolétariat russe fondait un Etat socialiste et que le prolétariat allemand, hongrois et italien était en révolution, en conçurent un nouvel espoir quant à la libération de la nation chinoise.

Le Mouvement du 4 Mai est né à l’appel de la révolution mondiale, à l’appel de la révolution russe, à l’appel de Lénine. Il fait partie de la révolution mondiale prolétarienne de l’époque. Bien que le Parti communiste chinois n’existât pas encore lors du « 4 Mai », un grand nombre d’intellectuels approuvaient déjà la révolution russe et commençaient à avoir des idées communistes. Le Mouvement du 4 Mai était, à l’origine, un mouvement révolutionnaire d’un front uni formé de trois éléments : intellectuels aux idées communistes, intellectuels révolutionnaires de la petite bourgeoisie et intellectuels de la bourgeoisie (ces derniers en formaient l’aile droite).

Son point faible, c’est qu’il se limitait aux intellectuels, les ouvriers et les paysans n’y participant pas. Mais lorsqu’il engendra le Mouvement du 3 Juin, auquel prirent part non plus seulement les intellectuels mais les larges masses du prolétariat, de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie, il devint un mouvement révolutionnaire d’envergure nationale. La révolution culturelle qu’il avait entreprise était un mouvement d’opposition intransigeante à la culture féodale. Il n’y avait jamais eu dans l’histoire chinoise de révolution culturelle aussi vaste et aussi radicale.

Son grand mérite est d’avoir arboré, à ce moment-là, à la fois le drapeau de la lutte contre l’ancienne morale, pour la nouvelle, et celui de la lutte pour la nouvelle littérature, contre l’ancienne. Toutefois, ce mouvement culturel n’avait pas encore la possibilité de s’étendre aux masses ouvrières et paysannes.

Il a certes lancé le mot d’ordre d’ »une littérature pour les gens du peuple », mais ce qu’on entendait alors par « gens du peuple » devait en fait se limiter aux intellectuels de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie des villes, c’est-à-dire à l’intelligentsia urbaine. Le Mouvement du 4 Mai a préparé, sur le plan des idées et dans le domaine des cadres, la fondation du Parti communiste chinois en 1921, ainsi que le Mouvement du 30 Mai 1925 et l’Expédition du Nord. Les intellectuels bourgeois formaient l’aile droite du Mouvement du 4 Mai ; dans la deuxième période, la plupart d’entre eux entrèrent en compromis avec l’ennemi et passèrent à la réaction.

   Dans la deuxième période, marquée par la fondation du Parti communiste chinois, par le Mouvement du 30 Mai et l’Expédition du Nord, le front uni des trois classes constitué pendant le Mouvement du 4 Mai s’est maintenu, il s’est même développé ; la paysannerie y a été entraînée, et toutes ces classes formèrent sur le plan politique un front uni : première coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste.

Le Dr Sun Yat-sen est un grand homme non seulement parce qu’il dirigea la grande Révolution de 1911 (qui était toutefois une révolution démocratique de l’ancienne période), mais aussi parce que, sachant « suivre les courants mondiaux et répondre aux besoins des masses », il formula les trois thèses politiques révolutionnaires fondamentales : alliance avec la Russie, alliance avec le Parti communiste et soutien aux paysans et aux ouvriers, et donna une nouvelle interprétation des trois principes du peuple, établissant ainsi les nouveaux trois principes du peuple qui comportent ces trois thèses politiques fondamentales.

Jusque-là, les trois principes du peuple présentaient peu d’intérêt pour les milieux enseignants, universitaires et pour la jeunesse, parce qu’ils ne proposaient de mots d’ordre ni contre l’impérialisme, ni contre le régime féodal ni contre la culture et l’idéologie féodales. C’étaient les anciens trois principes du peuple, que l’on considérait comme le drapeau provisoire d’un groupe de gens qui s’en servaient pour accaparer le pouvoir, c’est-à-dire pour accéder à des fonctions officielles, comme un drapeau pour de pures manœuvres politiques.

Mais, par la suite, apparurent les nouveaux trois principes du peuple, avec leurs trois thèses politiques fondamentales, qui, grâce à la coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste et aux efforts des membres révolutionnaires des deux partis, furent propagés dans toute la Chine et se répandirent dans une partie des milieux enseignants et universitaires et dans la masse des étudiants.

Ce résultat est dû entièrement au fait que les anciens trois principes du peuple étaient devenus les trois principes du peuple de démocratie nouvelle, anti-impérialistes et antiféodaux, comportant les trois thèses politiques fondamentales ; sans ce développement, la propagation des idées qu’ils contiennent aurait été impossible.

   Pendant cette période, les trois principes du peuple révolutionnaires devinrent la base politique du front uni du Kuomintang, du Parti communiste et de toutes les classes révolutionnaires ; comme « le communisme est un grand ami des trois principes du peuple », les deux doctrines se constituèrent en front uni formé, du point de vue des classes sociales, par le prolétariat, la paysannerie, la petite bourgeoisie urbaine et la bourgeoisie.

Appuyant leur action sur l’hebdomadaire communiste Hsiangtaotcheoupao, sur le quotidien kuomintanien de Changhaï Minkouojepao et sur les journaux de diverses régions, les deux partis menèrent en commun la propagande anti-impérialiste ; en commun, ils se dressèrent contre l’enseignement féodal basé sur le culte de Confucius et l’étude du canon confucéen, contre la littérature et la langue littéraire écrite de l’ancien style féodal, pour préconiser la nouvelle littérature et la nouvelle langue écrite au contenu anti-impérialiste et antiféodal. Au cours des campagnes dans le Kouangtong et de l’Expédition du Nord, ces idées anti-impérialistes et antiféodales furent introduites dans les armées chinoises et devinrent l’instrument de leur réforme.

Parmi des millions et des millions de paysans furent lancés les mots d’ordre : « A bas les fonctionnaires corrompus ! » et « A bas les despotes locaux et les mauvais hobereaux !’ ce qui déchaîna de grandes luttes révolutionnaires paysannes.

Grâce à tout cela, et aussi grâce à l’aide de l’Union soviétique, la victoire fut remportée dans l’Expédition du Nord. Mais aussitôt que la grande bourgeoisie eut accédé au pouvoir, elle liquida cette révolution, et la situation politique entra dans une phase nouvelle.

   La troisième période fut la nouvelle période révolutionnaire allant de 1927 à 1937. Vers la fin de la période précédente, des changements s’étaient produits dans le camp révolutionnaire : la grande bourgeoisie chinoise était passée dans le camp contre-révolutionnaire des impérialistes et des forces féodales, et la bourgeoisie nationale l’avait suivie ; ainsi, des quatre classes du camp révolutionnaire, il n’en restait que trois : le prolétariat, la paysannerie et les autres fractions de la petite bourgeoisie (y compris les intellectuels révolutionnaires).

C’est pourquoi la révolution chinoise entra inévitablement dans une phase nouvelle, au cours de laquelle le Parti communiste chinois fut seul à diriger les masses dans la lutte révolutionnaire. Cette période fut à la fois celle des campagnes « d’encerclement et d’anéantissement » menées par la contrerévolution et celle de la pénétration en profondeur de la révolution. Les campagnes « d’encerclement et d’anéantissement » revêtirent alors deux formes, l’une militaire et l’autre culturelle, la pénétration en profondeur de la révolution prenant deux formes également, l’une agraire et l’autre culturelle.

A l’instigation des impérialistes, les forces contre-révolutionnaires de toute la Chine et du monde entier furent mobilisées pour cette double campagne « d’encerclement et d’anéantissement », qui ne dura pas moins de dix ans et fut d’une atrocité inouïe ; plusieurs centaines de milliers de communistes et d’étudiants furent massacrés et des millions d’ouvriers et de paysans furent l’objet d’une sauvage répression.

Ceux qui étaient responsables de ces campagnes croyaient pouvoir « liquider une fois pour toutes » le communisme et le Parti communiste. Pourtant, c’est le contraire qui se produisit : les deux campagnes se soldèrent par un échec lamentable. La campagne militaire aboutit à la marche de l’Armée rouge vers le nord pour résister au Japon, et la campagne culturelle, au déclenchement du mouvement révolutionnaire de la jeunesse du 9 décembre 1935.

Et le résultat commun des deux campagnes fut l’éveil de toute la nation. Ce furent trois résultats positifs. Mais voici le plus curieux : Alors que le Parti communiste se trouvait absolument sans défense dans toutes les institutions culturelles des régions contrôlées par le Kuomintang, comment se fait-il que la campagne culturelle du Kuomintang ait connu là aussi un échec complet ? Cela ne donne-t-il pas matière à de profondes réflexions ? C’est du reste au cours de cette campagne que Lou Sin, acquis au communisme, est devenu la grande figure de la révolution culturelle chinoise.

   Le résultat négatif de ces campagnes « d’encerclement et d’anéantissement » menées par la contrerévolution, ce fut l’invasion de notre pays par l’impérialisme japonais. Là est la raison principale de la haine, aujourd’hui encore si vivace, que notre peuple tout entier porte à ces dix années de campagne anticommuniste.

   Au cours des luttes engagées durant cette période, les révolutionnaires s’en tinrent fermement à la démocratie nouvelle et aux nouveaux trois principes du peuple anti-impérialistes et antiféodaux des masses populaires, alors que la contrerévolution pratiquait un despotisme fondé sur l’alliance des propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie, alliance placée sous les ordres de l’impérialisme.

Ce despotisme a causé l’échec politique et culturel des trois thèses fondamentales de Sun Yat-sen et de ses nouveaux trois principes du peuple, plongeant ainsi la nation chinoise dans de profonds malheurs.

   La quatrième période, c’est la période actuelle de la Guerre de Résistance contre le Japon. Dans le cours sinueux de la révolution chinoise réapparaît, mais en plus vaste, le front uni des quatre classes. Il comprend en effet, dans la couche supérieure de la société, de nombreux représentants des milieux gouvernants, dans la couche moyenne, la bourgeoisie nationale et la petite bourgeoisie, et, dans la couche inférieure, tous les prolétaires.

Ainsi, les différentes couches sociales de la nation se sont coalisées dans une lutte résolue contre l’impérialisme japonais. La première phase de cette période précède la chute de Wouhan. Un grand élan animait alors la vie du pays dans tous les domaines : on remarquait, sur le plan politique, une tendance à la démocratisation et, sur le plan culturel, une assez large mobilisation des masses.

La chute de Wouhan a inauguré la deuxième phase, marquée par de nombreux changements dans la situation politique : une fraction de la grande bourgeoisie s’est rendue à l’ennemi, tandis que l’autre fraction cherche à liquider au plus tôt la Guerre de Résistance. Ce phénomène se traduit sur le plan culturel par les agissements réactionnaires de YéTsing, Tchang Kiun-mai et autres, ainsi que par l’absence de liberté de parole et de presse.

   Pour surmonter cette crise, il faut combattre résolument toutes les idées opposées à la Résistance, à l’union et au progrès. Pas d’espoir de gagner la guerre si l’on ne détruit pas ces idées réactionnaires. Quel est l’avenir de cette lutte ? C’est la grande question qui préoccupe le peuple dans tout le pays. A en juger par la situation intérieure et internationale, le peuple chinois vaincra, si nombreuses que soient les difficultés qu’il rencontrera sur le chemin de la Résistance.

Dans les vingt années qui ont suivi le Mouvement du 4 Mai, le progrès est plus grand que dans les quatre-vingts années précédentes, plus grand même que ce qui a été accompli durant les millénaires de toute l’histoire de la Chine. N’est-il pas facile d’imaginer jusqu’où ira la Chine en vingt nouvelles années de progrès ?

Le déchaînement furieux des forces ténébreuses de l’intérieur et de l’extérieur a certes plongé la nation dans le malheur, mais ce déchaînement, s’il montre la puissance qui reste encore aux forces ténébreuses, indique aussi que ce sont leurs dernières convulsions et que les masses populaires approchent peu à peu de la victoire. Cela est vrai pour la Chine comme pour tout l’Orient et pour le monde entier.

XIV. Les déviations dans la question du caractère de la culture

   Le nouveau se forge toujours dans des luttes âpres et difficiles. Il en est ainsi de la culture nouvelle qui, depuis vingt ans, suit une voie sinueuse, marquée de trois tournants, marquée d’épreuves où se sont révélés le bon comme le mauvais.

   Les éléments irréductibles de la bourgeoisie se trompent entièrement sur la question culturelle comme sur la question du pouvoir politique. Ils ignorent les particularités historiques de la nouvelle période en Chine et ne reconnaissent pas la culture de démocratie nouvelle des masses populaires. Leur point de départ, c’est le despotisme de la bourgeoisie, qui se traduit sur le plan culturel par le despotisme de la culture bourgeoise.

Une partie des représentants de la culture dits de l’école européenne et américaine (je dis bien une partie seulement), qui en fait ont jadis soutenu la politique d’ »extermination des communistes » pratiquée sur le plan culturel par le gouvernement du Kuomintang, soutiennent maintenant, semble-t-il, sa politique de « limitation » et de « désintégration » du Parti communiste. Ils ne veulent pas qu’en matière politique ou culturelle les ouvriers et les paysans lèvent la tête.

Mais le despotisme culturel des irréductibles bourgeois est dans une impasse ; comme le despotisme politique, il ne trouve ni les conditions intérieures ni les conditions extérieures qu’il lui faut. C’est pourquoi il vaudrait mieux le « remiser ».

   En ce qui concerne l’orientation de la culture nationale, l’idéologie communiste joue le rôle dirigeant, et nous devons nous employer tant à propager le socialisme et le communisme parmi la classe ouvrière qu’à éduquer les paysans et les autres fractions de la masse, de manière appropriée et systématique, dans l’esprit du socialisme. Mais la culture nationale, considérée dans son ensemble, n’est pas encore socialiste.

   Comme la politique, l’économie et la culture de démocratie nouvelle sont placées sous la direction du prolétariat, elles contiennent toutes un facteur socialiste, qui n’est pas un facteur ordinaire, mais un facteur décisif. Cependant, considérées dans leur ensemble, ni les conditions politiques ni les conditions économiques et culturelles ne sont encore celles du socialisme, mais celles de la démocratie nouvelle.

La raison en est que la révolution, dont la tâche principale, à l’étape actuelle, est de combattre l’impérialisme étranger et les forces intérieures féodales, est une révolution démocratique bourgeoise et non une révolution socialiste visant à renverser le capitalisme. Dans le domaine de la culture nationale, c’est une erreur de prétendre qu’à présent elle est ou devrait déjà être entièrement socialiste. C’est confondre la propagation de l’idéologie communiste avec la réalisation d’un programme d’action immédiat.

C’est confondre la position et les méthodes communistes adoptées dans l’examen des problèmes, dans l’étude des différentes disciplines, dans le travail et la formation des cadres avec la ligne à suivre pour l’éducation et la culture nationales à l’étape de la révolution démocratique en Chine. Une culture nationale de contenu socialiste est nécessairement le reflet d’une politique et d’une économie socialistes.

Comme il y a un facteur socialiste dans notre politique et notre économie, notre culture nationale, qui en est le reflet, contient également un facteur socialiste ; mais, à considérer notre société dans son ensemble, nous n’y avons pas encore établi aujourd’hui une politique et une économie entièrement socialistes, et nous ne pouvons donc avoir une culture nationale entièrement socialiste.

Comme la révolution chinoise actuelle est une partie de la révolution socialiste prolétarienne mondiale, la culture nouvelle de la Chine d’aujourd’hui participe de la nouvelle culture socialiste prolétarienne mondiale dont elle est une grande alliée ; certes, à ce titre, elle contient l’important facteur de la culture socialiste, mais si nous considérons l’ensemble de notre culture nationale, ce n’est pas entièrement en qualité de culture socialiste qu’elle fait partie de cette culture socialiste prolétarienne mondiale, mais en qualité de culture de démocratie nouvelle, de culture anti-impérialiste et antiféodale des masses populaires.

Puisque la révolution chinoise actuelle ne peut se passer du rôle dirigeant du prolétariat, la nouvelle culture, elle non plus, ne peut se passer du rôle dirigeant dévolu à la culture et à l’idéologie du prolétariat, c’est-à-dire à l’idéologie communiste. Mais comme ce rôle consiste, à l’étape présente, à guider les masses populaires dans leurs efforts pour mener une révolution politique et culturelle antiimpérialiste et antiféodale, le contenu de la nouvelle culture nationale, considérée dans son ensemble, appartient encore à la démocratie nouvelle et non au socialisme.

   Il est hors de doute que le moment est venu pour nous de propager plus largement encore l’idéologie communiste et de redoubler d’efforts dans l’étude du marxisme-léninisme ; sinon, nous ne pourrons conduire la révolution chinoise à l’étape ultérieure, celle du socialisme, ni mener l’actuelle révolution démocratique à la victoire.

Cependant, nous devons distinguer non seulement la diffusion de l’idéologie communiste et la propagande en faveur du système social communiste d’avec la réalisation du programme d’action de la démocratie nouvelle, mais aussi l’application de la théorie et des méthodes communistes à l’examen des problèmes, à l’étude des différentes disciplines, au travail et à la formation des cadres d’avec la ligne de la démocratie nouvelle fixée pour l’ensemble de la culture nationale. Ce serait indubitablement une erreur de confondre les unes avec les autres.

   Il apparaît donc que le contenu de la nouvelle culture nationale de la Chine, dans la phase actuelle, n’est ni le despotisme de la culture bourgeoise ni le pur socialisme prolétarien, mais la démocratie nouvelle, antiimpérialiste et antiféodale, des masses populaires, le rôle dirigeant étant assumé par la culture et l’idéologie socialistes du prolétariat.

XV. Une culture nationale et scientifique des masses populaires

   La culture de démocratie nouvelle est nationale. Elle lutte contre l’oppression impérialiste et exalte la dignité et l’indépendance de la nation chinoise. Elle est propre à notre nation dont elle porte les caractéristiques.

Elle s’allie avec la culture socialiste ou la culture de démocratie nouvelle de toutes les autres nations et établit avec ces cultures des relations qui permettent un enrichissement et un développement mutuels, afin de constituer une nouvelle culture mondiale. Mais, étant nationale et révolutionnaire, notre culture ne peut absolument pas s’allier avec la culture impérialiste réactionnaire d’aucune nation.

La Chine doit largement assimiler la culture progressiste des pays étrangers et en nourrir la sienne, travail qui a été jusqu’ici très insuffisant. Nous devons assimiler tout ce qui peut aujourd’hui nous être utile et puiser non seulement dans la culture socialiste ou de démocratie nouvelle de notre époque, mais encore dans l’ancienne culture des pays étrangers, par exemple, dans la culture qu’ont connue divers pays capitalistes au siècle des lumières.

Cependant, toutes les choses qui viennent de l’étranger doivent être traitées comme des aliments ; ceux-ci sont mastiqués dans la bouche, puis élaborés dans l’estomac et l’intestin ; sous l’action de la salive et des sucs gastro-intestinaux, ils sont dissociés en deux parties, le chyle qui est assimilé et les déchets qui sont éliminés ainsi seulement nous en tirerons profit ; nous ne devons rien assimiler sans discernement, en avalant tout d’un seul trait.

C’est un point de vue erroné que de préconiser une « occidentalisation intégrale ». L’assimilation purement formelle des choses de l’étranger a jadis causé de grands torts à notre pays. De même, en appliquant le marxisme en Chine, les communistes doivent unir pleinement et de façon appropriée la vérité universelle du marxisme et la pratique concrète de la révolution chinoise ; en d’autres termes, le marxisme ne sera utile que s’il se combine aux caractéristiques de la nation et prend une forme nationale déterminée ; on ne peut nullement l’appliquer d’une manière subjective et formaliste.

Les marxistes formalistes ne font que se moquer du marxisme et de la révolution chinoise ; il n’y a pas place pour eux dans les rangs de notre révolution. La culture chinoise doit avoir sa forme propre, c’est-à-dire une forme nationale. Nationale par sa forme, de démocratie nouvelle par son contenu, telle est notre culture nouvelle d’aujourd’hui.

   La culture de démocratie nouvelle est scientifique. Elle s’oppose à toute idée féodale et superstitieuse ; elle préconise la recherche de la vérité à partir des faits, la vérité objective, l’unité de la théorie et de la pratique. Sur ce point, le prolétariat chinois, avec sa pensée scientifique, peut constituer avec les matérialistes et les hommes de science de la bourgeoisie chinoise encore progressistes un front uni contre l’impérialisme, le féodalisme et la superstition ; mais il faudra se garder de jamais former un front uni avec un idéalisme réactionnaire quel qu’il soit.

Les communistes peuvent établir, avec certains idéalistes, voire avec des croyants, un front uni anti-impérialiste et antiféodal sur le plan de l’action politique, mais ils ne devront jamais partager les conceptions idéalistes ou religieuses de ces derniers. Durant les longs siècles de la société féodale chinoise, il s’est créé une brillante culture.

Elucider le processus de développement de cette culture antique, la débarrasser des scories de nature féodale et en assimiler l’essence démocratique est une condition nécessaire pour développer la nouvelle culture nationale et renforcer la confiance en l’avenir de la nation. Mais il ne faut jamais rien retenir et emmagasiner sans esprit critique. Il faut distinguer tout ce qui est pourri et qui appartient à la classe dominante féodale de l’excellente culture populaire du passé qui, elle, possède un caractère plus ou moins démocratique et révolutionnaire.

Le nouveau système politique et économique de la Chine provient du développement de l’ancien système politique et économique ; de même, la nouvelle culture de la Chine provient du développement de l’ancienne ; aussi devons-nous respecter notre histoire, et non rompre avec elle. Mais ce respect consiste à conférer à l’histoire une place déterminée en tant que science, à prendre en considération son développement dialectique, et non à glorifier le passé pour condamner le présent, ni à louer les éléments féodaux pernicieux.

Quant aux masses populaires et aux étudiants, l’essentiel est de les orienter afin qu’ils ne regardent pas en arrière, mais en avant.

   La culture de démocratie nouvelle appartient aux masses populaires, et partant elle est démocratique. Elle doit être au service des masses laborieuses, ouvrières et paysannes, qui constituent plus de 90 pour cent de la population de la Chine, et devenir progressivement leur propre culture.

Entre les connaissances à donner aux cadres révolutionnaires et celles destinées aux masses révolutionnaires, il faut faire une différence de degré tout en assurant leur unité ; de même il faut faire une distinction entre l’élévation du niveau des connaissances et leur popularisation, tout en les liant l’une à l’autre. La culture révolutionnaire est pour les masses populaires une arme puissante de la révolution. Avant la révolution, elle la prépare idéologiquement ; puis, dans le front général de la révolution, elle constitue un secteur important, indispensable. Et les travailleurs culturels révolutionnaires sont les commandants aux différents échelons de ce front culturel. « Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire » ; on voit par là combien le mouvement culturel révolutionnaire est important dans la pratique du mouvement révolutionnaire. L’un comme l’autre relèvent des masses.

Aussi les travailleurs culturels progressistes doivent-ils, dans la Guerre de Résistance, avoir leurs propres bataillons culturels, qui sont les masses populaires. Un travailleur culture] révolutionnaire qui s’écarte des masses est « un général sans armée » ; il ne dispose plus de la puissance de feu qui pourrait abattre l’ennemi. Pour atteindre ce but, il faut réformer la langue écrite dans des conditions déterminées et rapprocher notre langage de celui du peuple, car le peuple est une source intarissable de richesses pour la culture révolutionnaire.

   La culture nationale et scientifique des masses populaires, c’est la culture anti-impérialiste et antiféodale du peuple, la culture de démocratie nouvelle, la nouvelle culture de la nation chinoise.

   Par leur union, la politique, l’économie et la culture de démocratie nouvelle donneront une république de démocratie nouvelle, une République chinoise digne de ce nom, la Chine nouvelle que nous voulons créer.

   La voici déjà à portée de notre vue ; acclamons-la !

   Déjà le mât du navire pointe à l’horizon ; applaudissons-la Chine nouvelle et souhaitons-lui la bienvenue !

   Saluons-la des deux bras : La Chine nouvelle est à nous !

=>Oeuvres de Mao Zedong