Août 1949
Ce n’est pas un hasard si le Livre blanc du Département d’Etat des Etats-Unis sur les relations entre la Chine et les Etats-Unis, et la lettre du secrétaire d’Etat Acheson au président Truman.
Le Livre blanc américain, Relations des États-Unis avec la Chine, a été publié par le Département d’État américain le 5 août 1949. La lettre d’Acheson à Truman est datée du 30 juillet 1949, alors que la préparation du Livre blanc par le Département d’État américain venait d’être terminée.
Le corps principal du Livre blanc ; divisé en huit chapitres, traite des relations sino-américaines dans la période qui va de 1844, année où les États-Unis forcèrent la Chine à signer le « Traité de Wanghsia », jusqu’en 1949, où la révolution du peuple chinois remporta la victoire fondamentale à l’échelle nationale.
Le Livre blanc relate de façon particulièrement détaillée comment, pendant les cinq années qui vont de la dernière phase de la Guerre de Résistance contre le Japon jusqu’en 1949, les États-Unis poursuivirent une politique consistant à aider Tchiang Kaï-chek et à combattre les communistes, s’opposèrent par tous les moyens au peuple chinois et finalement subirent la défaite.
Le Livre blanc et la lettre d’Acheson abondent en déformations des faits, omissions volontaires et inventions mensongères, et ils sont pleins de calomnies venimeuses et d’une haine profonde à l’égard du peuple chinois.
Au cours de la querelle qui éclata au sein du camp réactionnaire des États-Unis, au sujet de sa politique à l’égard de la Chine, les impérialistes tels que Truman et Acheson durent révéler publiquement, sous forme du Livre blanc, une part de la vérité sur leurs activités contre-révolutionnaires, dans l’intention de convaincre leurs adversaires. Ainsi, le Livre blanc constitue en fait un aveu des crimes d’agression commis par l’impérialisme américain contre la Chine.
sont publiés en ce moment même. La publication de ces documents reflète la victoire du peuple chinois et la défaite de l’impérialisme, elle reflète le déclin de tout le système impérialiste mondial. Le système impérialiste est rongé par de multiples contradictions internes qu’il est incapable de surmonter, ce qui plonge les impérialistes dans une profonde désolation.
L’impérialisme s’est préparé les conditions de sa propre ruine. Ces conditions, c’est la prise de conscience des grandes masses populaires dans les colonies et semi-colonies et dans les pays impérialistes mêmes. C’est l’impérialisme qui a poussé les grandes masses populaires du monde entier à s’engager dans l’époque historique de la grande lutte pour la liquidation de l’impérialisme.
L’impérialisme a préparé pour ces grandes masses populaires les conditions de lutte aussi bien matérielles que morales.
Usines, chemins de fer, fusils, canons, etc., voilà les conditions matérielles. La plus grande partie du puissant équipement de l’Armée de Libération de Chine provient de l’impérialisme américain, une certaine partie provient de l’impérialisme japonais et une partie est de notre propre fabrication.
Depuis l’agression britannique de 1840 se sont succédé les guerre d’agression contre la Chine menées par les forces alliées anglo-françaises, par la France, par le Japon, et par les forces coalisées des huit puissances (Grande-Bretagne, France, Japon, Russie tsariste, Allemagne, Etats-Unis, Italie et Autriche), la guerre sur le sol chinois entre le Japon et la Russie tsariste, la guerre d’agression japonaise contre la Chine, dans le Nord-Est, commencée en 1931, la guerre d’agression japonaise contre la Chine tout entière, commencée en 1937 et qui a duré huit longues années, et, enfin, la guerre contre le peuple chinois menée au cours de ces trois dernières années, en apparence par Tchiang Kaï-chek, en réalité par les États-Unis. Dans cette dernière guerre, comme il est précisé dans la lettre d’Acheson, Etats-Unis ont accordé au gouvernement du Kuomintang une aide matérielle représentant « plus de 50 pour cent des dépenses monétaires » de ce dernier et « ont livré à l’armée chinoise » (entendez l’armée du Kuomintang) des « fournitures militaires ».
C’est là une guerre dans laquelle les Etats-Unis donnent l’argent et les armes et où Tchiang Kaï-chek fournit les hommes pour se battre au profit des Etats-Unis et massacrer le peuple chinois. Toutes ces guerres d’agression, plus l’agression et l’oppression politiques, économiques et culturelles, ont fait naître chez les Chinois la haine contre l’impérialisme, les ont amenés à se demander ce que cela pouvait bien signifier, et les ont obligés à déployer leur esprit révolutionnaire et à s’unir dans la lutte.
Lutte, échec, nouvelle lutte, nouvel échec, nouvelle lutte encore ; et ce n’est qu’au bout d’une expérience de 109 ans, faite de centaines de luttes, grandes et petites, militaires et politiques, économique, culturelles, avec ou sans effusion de sang, que le peuple chinois a remporté la victoire Fondamentale d’aujourd’hui. Ce sont là les conditions morales sans lesquelles la révolution n’aurait pu triomphe.
Pour servir ses desseins d’agression, l’impérialisme a fait apparaitre en Chine le système comprador et le capital bureaucratique. L’agression impérialiste a stimulé l’économie sociale de la Chine, y a provoqué des changements et créé les éléments opposés à l’impérialisme – l’industrie nationale et la bourgeoisie nationale de Chine, et tout particulièrement le prolétariat chinois travaillant dans les entreprises gérées directement par les impérialistes, dans les entreprises du capitalisme bureaucratique et dans celles de la bourgeoisie nationale.
Pour ses desseins d’agression, l’impérialisme a ruiné les paysans en les exploitant au moyen d’échanges à valeur inégale ; de ce fait, il a créé de larges masses de paysans pauvres dont le nombre s’élevait à des centaines de millions et représentait 70 pour cent de la population rurale de la Chine. Pour servir ses desseins d’agression, l’impérialisme a créé en Chine des millions de grands et petits intellectuels d’un type nouveau, différents des literati de type ancien ou lettrés.
Mais l’impérialisme et ses valets, les gouvernements réactionnaires de Chine, ne pouvaient avoir de l’emprise que sur une partie de ces intellectuels et finalement sur une poignée d’entre eux seulement, comme Hou Che, Fou Se-nien et Tsien Mou ; les autres leur échappèrent et se retournèrent contre eux. Étudiants, instituteurs, professeurs, techniciens, ingénieurs, médecins, hommes de science, écrivains, artistes et fonctionnaires, tous sont entrés en révolte ou n’ont plus voulu suivre le Kuomintang.
Le Parti communiste est le parti des pauvres, il est, partout et en toute occasion, présenté pour la propagande du Kuomintang comme une bande d’individus qui se livrent au massacre et à l’incendie, au viol et au pillage, qui rejettent l’histoire et la culture, qui renient leur patrie, qui n’ont ni piété filiale ni respect pour les maîtres et les anciens, qui ne veulent jamais entendre raison, qui pratiquent la communauté des biens et des femmes et emploient la tactique militaire de « la mer humaine » − bref, une horde de monstres diaboliques capables de tous les crimes et indignes de pardon. Mais, chose étrange, c’est cette même horde qui a obtenu le soutien de plusieurs centaines de millions d’hommes, y compris la majorité des intellectuels et, en particulier la jeunesse estudiantine.
Une partie des intellectuels préfèrent rester dans l’expectative. Ils se disent en eux-mêmes : le Kuomintang n’est pas bon et le Parti communiste n’est pas forcément bon non plus, alors attendons un peu. Certains d’entre eux se proclament pour le Parti communiste, mais au fond d’eux-mêmes, ils sont dans l’attente.
Ce sont précisément ces gens-là qui gardent des illusions sur les Etats-Unis. Ils ne veulent pas faire de distinction entre les impérialistes américains, qui sont au pouvoir, et le peuple américain, qui n’y est pas. Ils se laissent facilement séduire par les paroles mielleuses des impérialistes américains, comme s’il était possible que ceux-ci traitent la Chine populaire sur la base de l’égalité et de l’avantage mutuel, sans que nous ayons à mener une longue et âpre lutte.
Il subsiste encore chez ces intellectuels de nombreuses idées réactionnaires, c’est-à-dire antipopulaires, mais ils ne sont pas des réactionnaires du Kuomintang ; ils représentent des éléments du centre ou l’aile droite dans la Chine populaire. Ils sont les tenants de ce qu’ Acheson appelle « l’individualisme démocratique » Les manœuvres trompeuses des Acheson ont encore en Chine une base sociale, mais bien mince.
Le Livre blanc d’Acheson révèle que les impérialistes américains sont complètement désemparés devant la situation actuelle de la Chine. L’incapacité du Kuomintang est telle que nulle aide, si importante soit-elle, ne peut le sauver de sa fin inéluctable ; les impérialistes américains ne tiennent plus la situation en main et n’y peuvent plus rien. Dans sa lettre, Acheson dit :
« C’est un fait, malheureux mais inévitable, que le résultats désastreux de la guerre civile en Chine a échappé au contrôle du gouvernement des Etats-Unis. Rien de ce que notre pays a fait et aurait pu faire dans les limites raisonnables de ses possibilités n’aurait pu modifier ce résultat ; rien de ce que notre pays a omis de faire n’y a contribué. Ce fut le produit des forces internes chinoises, forces que notre pays a essayé d’influencer, sans pouvoir y parvenir. »
En bonne logique, la conclusion d’Acheson, comme le pensent ou le disent certains intellectuels chinois aux idées confuses, devrait être ceci : il faut agir comme « le boucher qui pose son couteau et devient bouddha sur-le-champ » ou comme « le brigand qui se repent et devient honnête homme », il faut traiter la Chine populaire sur la base de l’égalité et de l’avantage mutuel et cesser de provoquer des troubles. Mais non, dit Acheson, nous continuerons de provoquer des troubles et nous en provoquerons certainement. Y aura-t-il un résultat ? Il paraît que oui. Sur quelle sorte, de gens s’appuiera-t-il ? Sur les tenants de « l’individualisme démocratique ». Acheson dit :
« … en fin de compte la civilisation millénaire chinoise et l’individualisme démocratique chinois s’affirmeront de nouveau, et la Chine secouera le joug étranger. J’estime que nous devons encourager en Chine tout développement qui, à présent comme à l’avenir, tend vers cette fin.
Combien la logique des impérialistes est différente de celle du peuple ! Provocation de troubles, échec, nouvelle provocation, nouvel échec, et cela jusqu’à leur ruine − telle est la logique des impérialiste et de tous les réactionnaires du monde à l’égard de la cause du peuple et jamais ils n’iront contre cette logique. C’est là une loi marxiste. Quand nous disons : « l’impérialisme est féroce », nous entendons que sa nature ne changera pas, et que les impérialistes ne voudront jamais poser leur couteau de boucher, ni ne deviendront jamais des bouddhas, et cela jusqu’à leur ruine.
Lutte, échec, nouvelle lutte, nouvel échec, nouvelle lutte encore, et cela jusqu’à la victoire − telle est la logique du peuple, et lui non plus, il n’ira jamais contre cette logique. C’est encore une loi marxiste. La révolution du peuple russe a suivi cette loi, il en est de même de la révolution du peuple chinois.
Lutte de classes − certaines classes sont victorieuses, d’autres sont éliminées. Cela, c’est l’histoire ; c’est l’histoire des civilisations depuis des millénaires. Interpréter l’histoire d’après ce point de vue, cela s’appelle le matérialisme historique ; se placer a l’opposé de ce point de vue, c’est de l’idéalisme historique.
La méthode de l’autocritique ne s’applique qu’au sein du peuple ; il est impossible d’espérer qu’on puisse persuader les impérialistes et les réactionnaires chinois de faire preuve de bon cœur et de revenir dans le droit chemin. La seule voie à suivre, c’est d’organiser des forces pour lutter contre eux, comme ce fut le cas dans notre Guerre de Libération populaire et dans notre révolution agraire, c’est de démasquer les impérialistes, de « provoquer » les impérialistes et les réactionnaires, de les renverser, de les punir de leurs infractions à la loi, et de « ne leur permettre que de marcher droit, sans tolérer de leur part aucun propos ou acte contre le pouvoir établi ».
C’est alors seulement qu’on pourra espérer traiter avec les pays étrangers impérialistes sur la base de l’égalité et de l’avantage mutuel.
C’est alors qu’on pourra espérer donner aux éléments de la classe des propriétaires fonciers, aux éléments de la bourgeoisie bureaucratique et aux membres de la clique réactionnaire du Kuomintang ainsi qu’à leurs complices, quand ils ont déposé les armes et capitulé, une éducation propre à transformer les mauvais éléments en bons, et cela dans toute la mesure du possible.
Si de nombreux libéraux chinois − éléments démocrates de type ancien, tenants de « l’individualisme démocratique », sur lesquels Truman, Marshall, Acheson, Leighton Stuart et consorts fondent leurs espoirs et qu’ils cherchent constamment à gagner à eux − sont souvent réduits à une position passive et se trompent fréquemment dans leurs jugements sur les gouvernants américains, sur le Kuomintang, sur l’Union soviétique et aussi sur le Parti communiste chinois, c’est précisément parce qu’ils ne considèrent pas ou n’admettent pas qu’on puisse considérer les problèmes du point de vue du matérialisme historique.
C’est le devoir des progressistes − communistes, membres des partis démocratiques, ouvriers politiquement conscients, jeunesse estudiantine et intellectuels progressistes − de s’unir, au sein de la Chine populaire, avec les couches intermédiaires, les éléments du centre, le· éléments retardataires des différentes couches et tous ceux qui sont encore oscillants et hésitants (ceux-ci continueront à osciller longtemps encore et, même après avoir pris un parti, ils recommenceront dès qu’ils se heurteront à une difficulté), de leur apporter une aide sincère, de critiquer leur attitude hésitante, de les éduquer, de le gagner à la cause des grandes masses populaires, d’empêcher que le impérialistes ne les attirent à eux, de leur demander de rejeter leurs illusions et de se préparer à la lutte.
Il ne faut pas s’imaginer qu’avec la victoire, il ne soit plus besoin de faire du travail auprès d’eux. Il nous faut encore travailler, même travailler bien davantage et avec patience avant de pouvoir réellement gagner ces éléments. Une fois que nous les aurons gagnés, l’impérialisme sera complètement isolé et les ruses d’Acheson ne trouveront plus à s’exercer.
Le mot d’ordre « Préparez-vous à la lutte » s’adresse à ceux qui gardent encore certaines illusions sur la question des relations entre la Chine et les pays impérialistes, en particulier entre la Chine et les États-Unis.
Devant cette question, ils restent passifs, ils n’ont pas encore arrêté leur décision, ils n’ont pas pris la résolution d’engager une longue lutte contre l’impérialisme américain (et britannique), parce qu’ils nourrissent encore des illusions à l’égard des États-Unis. Il subsiste, sur cette question, un fossé profond ou assez profond entre eux et nous.
La publication du Livre blanc américain et de la lettre d’Acheson mérite d’être célébrée, car elle donne une douche froide et fait perdre la face à ceux qui restent attachés à la démocratie de type ancien, l’individualisme démocratique, qui n’approuvent pas ou n’approuvent guère la démocratie populaire, ou le collectivisme démocratique, ou le centralisme démocratique, ou l’héroïsme collectif, ou le patriotisme basé sur l’internationalisme, qui manifestent à leur égard du mécontentement ou un certain mécontentement, voire même de la répugnance mais qui conservent encore des sentiments patriotiques et ne sont pas des réactionnaires du Kuomintang.
C’est particulièrement une douche froide pour ceux qui croient que tout ce qui est américain est bon, et qui espèrent que la Chine prendra modèle sur les États-Unis.
Acheson déclare ouvertement qu’il faut « encourager » les individualistes démocrates chinois à secouer le « joug étranger » revient à dire qu’il faudrait renverser le marxisme-léninisme et la dictature démocratique populaire dirigée par le Parti communiste chinois.
Car cette doctrine et ce régime, paraît-il, sont « d’origine étrangère », ils n’ont pas de racines en Chine et sont imposés aux Chinois par l’Allemand Karl Marx (mort il y a soixante-six ans), et le Russe Lénine (mort il y a vingt-cinq ans) et le Russe Staline (qui, lui, est vivant) ; cette doctrine et ce régime sont par ailleurs franchement mauvais : ils se déclarent pour la lutte de classes, la liquidation de l’impérialisme, etc., et par conséquent, il faut absolument les renverser.
Du reste, il paraît qu’« en fin de compte… l’individualisme démocratique chinois s’affirmera de nouveau » grâce aux « encouragements » du président Truman, du commandant en chef dans les coulisses Marshall, du secrétaire d’État Acheson (l’aimable mandarin étranger responsable de la publication du Livre blanc) et de l’ambassadeur Leighton Stuart qui a décampé.
Les Acheson pensent qu’ils sont là pour donner des « encouragements », mais il est fort possible que ces individualistes démocrates chinois, qui conservent des sentiments patriotiques malgré leur confiance clans les États-Unis, estiment plutôt avoir reçu une douche froide et perdu la face ; car au lieu d’entrer en rapport de la façon qui convient avec les autorités de la dictature démocratique populaire en Chine, les Acheson se livrent à cette sale besogne et, qui plus est, en font l’objet d’une publication. C’est perdre la face !
C’est perdre la face ! Pour ceux qui ont conservé des sentiments patriotiques, la déclaration d’Acheson n’est pas un « encouragement », mais une insulte.
La Chine est au fort d’une grande révolution. Toute la Chine bouillonne d’enthousiasme. Les conditions sont favorables pour gagner et unir à nous tous ceux qui ne ressentent pas une haine profonde et implacable pour la cause de la révolution populaire, même s’ils ont des idées erronées. Les progressistes devront se servir du Livre blanc pour entreprendre un travail de persuasion parmi eux.