Le PCF a réussi à s’imposer comme un parti politique puissant et participant à la vie institutionnelle, par l’intermédiaire du Front populaire. Le problème est que celui-ci n’est, en fin de compte, qu’une forme gouvernementale traditionnelle, avec simplement un appui extérieur.
Dans le cadre de l’État bourgeois, il ne saurait en être autrement. Maurice Thorez est obligé, par conséquent, de pratiquer la fuite en avant. Tout ce qui suit 1936 est marqué par cela dans ses positions, qui reflètent désormais une base pratiquant une ligne « social-démocrate dur » et soutenant l’URSS.
La plongée dans l’économisme et le syndicalisme en découle fort logiquement. Dans l’Humanité du 18 janvier 1938, on trouver le compte-rendu de presse d’un discours prononcé la veille à Montreuil, en banlieue parisienne. Voici la fin de ce petit discours :
« Et Maurice Thorez énumère ensuite tout ce que les masses laborieuses de ce pays attendent encore :
Maintien et amélioration des lois sociales. Grands travaux. Retraite aux vieux. Pour les paysans, allocations familiales, caisses d’assurances contre les calamités agricoles et enfin, pour financer toutes ces réformes, la réforme fiscale.
Il faut faire payer les riches, ajoute Maurice Thorez, en finir avec les armements des ligues et mettre les véritables responsables du complot en prison.
Il faut faire passer le souffle républicain, il faut une politique extérieure démocratique et française, il faut permettre à la France du Front populaire de réaliser sa mission dans le monde.
Et l’orateur termine :
En avant pour un gouvernement de Front populaire à l’image du Front populaire et dans lequel les communistes auront leur place !
En avant pour une France libre, forte et heureuse ! »
Le socialisme a disparu de l’horizon politique, remplacé par des revendications qui, dans leur contenu, sont censés former une sorte de sas entre front populaire et république française des soviets.
Des kermesses à la bicyclette
Culturellement, les conséquences sont innombrables sur le PCF, qui perd toute culture de la radicalité. Il n’est pas étonnant que l’interdiction de 1939 mettra le PCF K.O. debout : il n’a aucune culture insurrectionnelle. Sa démarche se veut intégrée aux institutions républicaines.
La vie quotidienne est présentée comme un élément devant être stable, tranquille, dans une optique absolument opposé à la culture de la lutte armée et de l’insurrection.
Dans « Un an de Front populaire, l’unité ouvrière » (juin 1937), Maurice Thorez parle ainsi tranquillement des chorales, des sociétés musicales unifies, des goguettes familiales des cellules d’entreprise, des kermesses, des fêtes, des festivals dans les quartiers et les cités.
Il salue le progrès de la bicyclette et du tandem, du fait que la moto devienne un « sport populaire », que les jeunes pratiquent le camping. Dans sa conférence « Pour une jeunesse heureuse » en mars 1937, Maurice Thorez explique qu’il faut organiser des longues promenades, des excursions, des vacances, des maisons de repos, des trains à prix réduit, des terrains, des salles d’entraînement, des stades, des piscines, des moniteurs, des professeurs, etc.
Il ne comprend absolument pas que toutes ces socialisations se déroulent au sein de la société capitaliste, qui forcément va les intégrer, tout comme elle a intégré la social-démocratie allemande de la fin du XIXe siècle.