Malgré l’échec du Front populaire comme « transition » vers une sorte de « démocratie avancée » (concept que le PCF développera par la suite), Maurice Thorez a réussi à façonner le PCF à son image, tout comme Maurice Thorez a été façonné à l’image du PCF.
Il peut ainsi expliquer qu’au final, le marxisme-léninisme est simplement une sorte de machiavélisme politique pour aboutir à la mise en commun des biens.
Voici ce qu’il explique dans « Ce que nous apprend la théorie marxiste-léniniste », un court article publié en juin 1939 :
« Le marxisme-léninisme nous enseigne comment la dictature du prolétariat s’épanouit en une démocratie socialiste de tout le peuple (…).
La Constitution stalinienne est le monument de granit qui n’assure pas seulement la marche au progrès et au bonheur de l’Union soviétique, mais qui donne à tous les travailleurs du monde la certitude du triomphe de leur cause, du triomphe du communisme (…).
La théorie marxiste-léniniste nous apprend à distinguer en toute chose « ce qui naît et ce qui meurt », ce qui évolue et se transforme, sous l’influence des autres phénomènes, et en réagissant à son tour sur le milieu environnant.
La théorie marxiste-léniniste nous apprend par conséquent à juger d’une situation dans son ensemble tout en tenant compte de chacun des éléments et facteurs particuliers de cette situation donnée, tout en tenant compte des influences réciproques et variables de ces éléments sur l’évolution de la situation.
Nous avons appris que la réalité d’aujourd’hui peut ne plus être celle de demain ; par exemple, notre Parti communiste étant un des facteurs de l’évolution en France, de son activité peuvent dépendre des modifications importantes dans le sens des intérêts de la classe ouvrière, des intérêts du peuple.
Nous avons donc appris à déterminer une tactique qui varie nécessairement en fonction des changements dans la situation.
Nous avons appris à lancer les mots d’ordre appropriés aux conditions, aux circonstances données : nous avons appris à rejeter le mot d’ordre qui ne convient plus à une nouvelle situation.
Nous avons donc appris à joindre à la fermeté des principes, la capacité de manœuvre, la souplesse tactique.
Nous avons appris à pousser hardiment de l’avant quand les circonstances sont favorables et à tenir nos positions, voire à battre en retraite, en bon ordre, lorsque l’ennemi de classe est parvenu à reprendre l’avantage. »
On est là pleinement dans une posture pragmatique-machiavélique, et on voit bien comment Maurice Thorez « justifie » la liquidation de la culture « classe contre classe ».
Et comme on le voit, Maurice Thorez profite dans son élan « social-démocrate dur » de l’erreur de Staline : avoir considéré que les luttes de classes étaient terminées en URSS et avoir ancré cette conception dans la Constitution soviétique.
Mao Zedong réparera cette erreur, avec la conception de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne ; dans le processus de critique du révisionnisme soviétique, Maurice Thorez qui appuyait sur celui-ci sera également une cible importante de la critique chinoise effectuée (comme par exemple dans D’où proviennent les divergences ? Réponse à Maurice Thorez et d’autres camarades)
Une position qui ne change pas durant l’Occupation.
La position de Maurice Thorez ne sera pas différente pendant l’Occupation. Or, la situation a changé, ce qui prouve que le PCF de Maurice Thorez a bien prôné une ligne globale de « libération nationale ».
Voici comment Maurice Thorez présente la situation en août 1943, dans l’article « L’offensive victorieuse de l’Armée rouge rend plus proche l’insurrection nationale » :
« Et d’abord, que faut-il faire ? Il faut, selon notre mot d’ordre de toujours, unir, unir et encore unir.
Le Parti communiste français ne s’est jamais départi de son attitude profondément unitaire : unité politique de la classe ouvrière, autrefois scellée par le Pacte d’union d’action conclu entre le Parti communiste et le parti socialiste ; unité syndicale, réalisée dans une seule C.G.T. À laquelle les militants communistes donnèrent tous leurs efforts ; Front populaire, pour le pain, la liberté et la paix, fondé sur notre initiative et dont le programme, s’il eût été appliqué effectivement, eût certainement épargné beaucoup de souffrances au peuple de France ; Front français, que notre Parti préconisait dès août 1936 pour faire face à la menace hitlérienne ; que nous ne pûmes malheureusement faire aboutir en raison des préjugés, des préoccupations subalternes et d’un certain esprit de boutique qui animait quelques-uns de nos partenaires du Front Populaire ; Front français qui se réalise aujourd’hui sous la pression des événements pour libérer le pays du joug de l’étranger. »
La continuité qu’affirme ici Maurice Thorez révèle le fond du problème.