Maurice Thorez a porté une ligne qui n’était pas matérialiste dialectique. Le Parti Communiste avant Maurice Thorez était un rassemblement informe de militants éparpillés idéologiquement et culturellement, ce n’est que guidé par Maurice Thorez qu’il a pris véritablement forme.
Alors cependant, sa ligne « classe contre classe » qui était juste s’est transformée, en raison de la déviation syndicaliste révolutionnaire, en appel à l’unité posant la soumission au réformisme et aux institutions bourgeoises.
Il n’y avait aucune contradiction entre la ligne « classe contre classe » et celle du Front populaire ; les trotskystes ont joué un rôle contre-révolutionnaire en arguant qu’il y aurait un retournement à 180°.
La ligne classe contre classe se réalise en effet dans l’agrégation des classes exploitées. Dans le Front populaire, le Parti Communiste aurait dû prendre les commandes, ou bien au moins montrer la séparation nette avec le réformisme.
Au lieu de cela, il a couru derrière le réformisme et finalement s’est soumis aux institutions, dans une logique social-chauvine d’une grande intensité.
La participation au gouvernement bourgeois de l’après 1944-1945 est ainsi une contribution à la réorganisation bourgeoise, Maurice Thorez dirigeant même la Mission provisoire de réforme de l’administration, lui-même jouant un rôle central dans la naissance de l’École Nationale d’Administration.
De fait, avant 1934 le Parti Communiste doit être considéré comme l’organisation de construction du Parti, sans que cela soit gagné d’avance.
Après 1934, il est un Parti Communiste, avec une organisation sérieuse et des fondements à approfondir.
Cependant, étant donné que c’est Maurice Thorez qui exprime la ligne générale, dès 1936 il bascule ouvertement dans l’opportunisme de droite.
Après 1938, il est paralysé politiquement, et si la Résistance vient le replacer dans une position révolutionnaire de fait, grâce au soutien de l’URSS, cela ne durera guère : dès 1945 l’opportunisme de droite prime.
Ce n’est que la liaison avec l’URSS qui a empêche le basculement du PCF, qui se réalise ouvertement dès la mort de Staline en 1953.
Cela signifie que le PCF est, en définitive, un mouvement social-démocrate qui a tenté d’aller au bolchevisme, qui y est parvenu en 1934 mais n’a pas su se maintenir et est retombé dans la social-démocratie.
La ligne ouvertement syndicaliste et légaliste du PCF à partir des années 1960 puise directement dans la figure de Maurice Thorez, tellement expression de la base par ailleurs que celle-ci a pu être mise de côté et remplacée facilement au fur et à mesure (notamment par Georges Marchais).
C’est la raison pour laquelle, en France, si le communisme a toujours été puissant, sa réalité a été éparpillée, le PCF ne proposant qu’une variante politique de syndicalisme révolutionnaire, ce qui fait qu’il a été facile pour le trotskysme de s’implanter durablement en France, en tant que communiste dans une variante « révolutionnaire ».
De fait, dépasser la déviation syndicaliste révolutionnaire, qui s’appuie directement sur l’idéologie de la Charte d’Amiens, est précisément ce qui permet de dépasser à la fois Maurice Thorez et son sous-produit qu’a été le trotskysme.
L’oubli de la question culturelle a non seulement annulé la production d’analyses matérialistes historiques sur la France, mais a également borné toute perspective à une série de raisonnements pragmatiques-machiavéliques typiquement français, pays de Richelieu.
Ce n’est pas pour rien que les positions les plus avancées du PCF sur le plan théorique aient toujours concernées la question de l’État, depuis la philosophie d’Althusser jusqu’à la multitude d’analyses sur le « capitalisme monopoliste d’État ».
La révolution socialiste en France, pour avancer, pour dépasser le caractère à la fois social-démocrate et révisionniste de Maurice Thorez, doit donc être portée par un Parti Communiste comprenant enfin le matérialisme dialectique, saisissant l’histoire culturelle-idéologique de la France, réfutant les démarches de type syndicalistes-révolutionnaires.
Les révolutionnaires authentiques des années 1960 en France, se définissant comme marxistes-léniniste ou maoïstes, se précisément brisés sur cette question, les amenant à n’être que des thoréziens de gauche.