Mikhaïl Gorbatchev, l’alcool et la catastrophe de Tchernobyl

Quelques jours après que Mikhaïl Gorbatchev devient secrétaire général du Parti Communiste d’Union Soviétique le 11 mai 1985, commence une campagne de grande envergure. C’est la campagne anti-alcool qui s’ouvre le 17 mai 1985.

Quelques jours auparavant, le 7 mai 1985 avaient été adoptées la résolution du Comité Central du PCUS Sur les mesures visant à vaincre l’ivresse et l’alcoolisme et celle du Conseil des ministres de l’URSS Sur les mesures visant à vaincre l’ivresse et l’alcoolisme, l’éradication de l’alcool de contrebande.

On a affaire ici à un phénomène très particulier, ayant un double caractère très prononcé. En effet, si on regarde les chiffres, l’URSS n’affronte pas un réel problème avec l’alcool puisque sa consommation par habitant en litre pur n’est pas pire que celle d’autres pays. La France consomme bien plus d’alcool par exemple.

Pays19751980
URSS9,9 litres10,5 litres
Autriche11,1 litres11,0 litres
Italie14,9 litres13,9 litres
France17,3 litres15,8 litres

Mais il faut avoir un regard idéologique et culturel. Et là on voit que l’alcool est consommé massivement depuis le triomphe du révisionnisme. En 1952, on en était à la consommation de deux litres purs par habitant, soit cinq fois moins.

L’explosion de la consommation d’alcool correspond donc à une mentalité décadente, liée à l’absentéisme, au dédain dans le travail, voire au crime.

Entre 1973 et 1983, les crimes violents ont bondi de 58 %, les vols de 100 %, les cambriolages et la corruption de 200 %, et on parle ici de statistiques officielles.

C’est une véritable mentalité qui se développe en URSS social-impérialiste alors. Tout le monde en avait conscience et l’existence d’une production clandestine d’alcool était alors tout à fait connue. On est donc plus à 14 litres que 10,5 de litre pur par habitant.

Affiche dénonçant la « honteuse association entre la fainéantise et la vodka »

Ce n’est pas tout. L’alcool consommé en URSS social-impérialiste, c’était la vodka. Si on prend la fin des années 1970, en France on consommait 6 litres de boissons fortes, 90 litres de vin, 44 litres de bière, et en URSS au même moment 11 litres de boissons fortes, 19 litres de vin, et 23 litres de bière.

Ce que cela sous-tend, si on prend l’opposition entre quantité et qualité, c’est que l’alcool fort était en URSS l’apanage d’une minorité en pleine déroute sociale, par opposition à un alcool de masse diffus en France.

Néanmoins, dans la période 1980-1984, l’alcool fort recule un peu, alors que la consommation de vin et de bière augmente.

Cela étant, les mesures de mai 1985 eurent un effet énorme. Déjà, la production d’alcool a grandement reculé, de moitié entre 1985 et 1988.

Si c’est une bonne chose, de par la hausse nette de l’espérance de vie qui est notable, il y a un problème pour l’État : les recettes fiscales sur l’alcool ont naturellement connu un effondrement. Or, cela constituait autour de 12 % des revenus de l’État !

Et parallèlement, la production illégale d’alcool et sa contrebande se sont renforcées. On parle ici d’une activité clandestine formant autour de 2,2 % du PIB. Preuve de son développement, entre 1985 et 1987, la consommation de sucre passe 7, 85 millions de tonnes à 9,28 millions de tonnes (le sucre renforce la teneur en alcool lors de la fermentation – le fait d’en ajouter dans l’alcool déjà produit en pensant le renforcer en est le fétichisme ).

« Et personne ne sait raisonner un tel expert »

Il faut ajouter à cela une grande croissance de la consommation de colle de la marque BF (sous le surnom de « Boris Federovitch »), de produits pour nettoyer les vitres, d’eau de Cologne, de dentifrice (qui est séchée sur le pain qui absorbe l’alcool), d’insecticide de la marque Dichlorvos.

La conséquence du maintien grandissant du trafic clandestin fit que, à partir de 1987, la campagne anti-alcool est obligé de reculer et de céder de nouveau à la consommation de masse.

Cette question de l’alcool posait bien sûr un problème de fond, affaiblissant le tissu social ; la catastrophe de Tchernobyl vint véritablement poser un clou dans le cercueil des ambitions du social-impérialisme soviétique.

Le 26 avril 1986, un accident majeur se produisit en effet dans le réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire V.I. Lénine de Tchernobyl, à quelques kilomètres de la ville de Pripyat, en Ukraine. Une zone d’exclusion a été mise en place, le réacteur ayant été détruit et des substances radioactives rejetées dans l’environnement.

115 000 personnes ont été déplacées, 500 000 ont participé à différents degrés aux opérations pour stopper la catastrophe, qui s’est déroulé lors d’un test majeur, alors qu’il y avait un défaut de conception majeur dans le processus de refroidissement.

Cela a eu comme conséquence de provoquer une réaction incontrôlée du réacteur, avec une explosion défonçant les 2 000 tonnes de la dalle de béton le recouvrant, le cœur du réacteur se fracturant ensuite avec les débris.

Plus de quinze jours plus tard, Mikhaïl Gorbatchev prononça une allocution télévisée de 45 minutes racontant l’ampleur du drame. Entre mai et novembre 1986, un abri recouvrant le quatrième réacteur est construit, au moyen de 400 000 mètres cubes de mélange de béton et de 7 000 tonnes de structures métalliques.

De manière délirante, les trois autres réacteurs ont continué d’être utilisés jusqu’en décembre 2000. Commencé en 2010 et fini en 2019, financé par la Commission européenne et réalisé conjointement par Vinci et Bouygues, un nouveau sarcophage a été mis en place. Coûtant 1,5 milliard d’euros, il pèse 31 000 tonnes.

La catastrophe a porté un coup fatal à l’URSS social-impérialiste. Outre les centaines de milliers de cas de cancers sur plusieurs décennies dans une zone contaminée allant par ailleurs jusqu’à la France, s’occuper de la centrale pour l’isoler a coûté une fortune et fourni une exigence se présentant pour une longue période.

Il faut ajouter à cela que cinq millions d’hectares de terres ont été retirés de l’agriculture, alors qu’ont été suspendues la construction et la conception de dix nouvelles centrales nucléaires.

L’URSS social-impérialiste vivait déjà à crédit, la catastrophe de 1986 scellait son destin.

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