Fils d’un important économiste autrichien, Otto Neurath avait étudié les mathématiques, les sciences naturelles et la philosophie à Vienne, avant de partir faire ses études à Berlin, sur les conseils de l’important sociologue allemand Ferdinand Tönnies. Il obtint ses diplômes pour des études sur l’histoire économique de l’antiquité, l’ouvrage de Cicéron De Officiis, ainsi que sur l’économie non-monétaire en Égypte.
Il finit son parcours à l’institut de sociologie de Heidelberg conduit par Max Weber, où il devint professeur de sciences économiques. Otto Neurath s’y était faitre marqué pour son étude de l’économie de guerre de l’Autriche-Hongrie en 1917, ce qui aboutit à sa nomination au poste de directeur du musée de l’économie de guerre à Leipzig, l’année suivante.
Toutefois, sa participation à la révolution allemande, lui-même devenant le directeur de l’administration économique de la république des Conseils de Bavière, lui valut plus d’une année de prison, avant son expulsion en Autriche.
A son retour dans son pays, Otto Neurath s’impliqua dans deux formes d’activités : une forme abstraite – intellectuelle, avec le « cercle de Vienne », constitué d’intellectuels de haute volée étudiant notamment la logique, une forme pratique – activiste, avec son implication dans la très puissante social-démocratie viennoise.
Dans ce cadre social-démocrate, il publia avec Hans Kampffmeyer la revue Der Siedler, Le colon, qui ne dura que peu de temps mais atteignit les 40 000 lecteurs. Otto Neurath était à la pointe du mouvement d’accompagnement des « colons » qui, en périphérie viennoise, construisait des petits logements, un mouvement strictement parallèle à la vaste campagne de construction de logements dans la ville même.
La ville de Vienne organisa en 1923 une exposition sur le mouvement des « colons », qui eut 200 000 visiteurs et qui fut mis en place par Otto Neurath, secrétaire de l’association des colons de 1921 à 1925.
De là naquit la formation d’un musée de la société et de l’économie, qui entre 1925 et 1934 organisa des expositions tant en Autriche qu’à l’étranger.
Car Otto Neurath possédait un souci essentiel : celui de transmettre une information et de trouver un moyen de le faire de la manière la plus efficace possible. Dans la revue Kulturwille (Volonté de culture), en 1927, Otto Neurath affirme dans l’article Statistique et prolétariat :
« La statistique est l’outil du combat prolétarien, la statistique est une composante essentielle de l’ordre socialiste, la statistique est une joie pour le prolétariat en conflit ardu avec les classes dominantes. »
D’où son travail sur les symboles comme outils de communication visuelle universelle, avec un refus des courbes, des camemberts, l’utilisation de chiffres, ainsi que de textes dans les graphiques.
Otto Neurath cherchait un moyen d’exprimer des informations de la manière la plus simple et la plus directe, aussi mit-il en place un travail collectif pour produire cette « méthode viennoise » d’expression graphique des informations.
Cette collectivité de travail de gens d’horizons divers allait de paire avec la vaste gamme des thèmes ciblés. En 1926, dans la revue Der Aufbau, La construction, un mensuel d’architecture, il dit ainsi :
« La démocratie moderne implique que les larges masses de la population soient objectivement éduquées au sujet de la production, de l’immigration, du taux de mortalité infantile, du commerce des biens, du chômage, de la lutte contre la tuberculose et l’alcoolisme, des manières de s’alimenter, de la signification du sport, de l’éducation corporelle et spirituelle, des formes d’écoles, de la répartition des écoles par habitant, des constructions de logements populaires, des villes-jardins, des espaces de petits jardins et de colonisation, des lieux de l’industrie. »
Otto Neurath produisit ainsi les informations au sujet de la tuberculose pour l’exposition sur l’hygiène de la ville de Vienne en 1925.
Dans Der Kampf, il dit dans l’article L’argent et le socialisme en 1923 :
« Tant que la statistique repose dans les mains de l’ennemi, il manque au mouvement ouvrier un moyen important pour la nouvelle construction! »
Otto Neurath ne diffusait pas ses informations que par le musée, mais également par la mairie, des expositions notamment dans les nouvelles constructions sociales alors massives à Vienne, à quoi s’ajoute la presse social-démocrate et les films éducatifs mis en place par le Parti Ouvrier Social-démocrate.
C’est Josef Frank qui mit en place des panneaux d’expositions faciles à démonter, à installer, à transporter.
Otto Neurath fit en sorte de promouvoir son travail à l’étranger également et des instituts avec le même esprit se formèrent à La Haye, Amsterdam, Berlin, Londres, New York, alors que donc en Union Soviétique.
Cela sauva la vie d’Otto Neurath, puisque celui-ci se trouva être à Moscou lors du coup d’Etat austro-fasciste de 1934. Il rejoignit alors son équipe établie aux Pays-Bas, où il fonda une Fondation pour l’éducation visuelle et publiant en 1936 un ouvrage intitulé International Picture Language, ainsi qu’en 1939 Modern man in the making, décrivrant le développement de l’humanité et sa tendance à l’unification.
Il dut fuir l’invasion allemande de 1940 et se réfugier en Angleterre, où il décéda en 1945.