Le PCF, avec son « traité », était en mesure de faire un projet de gouvernement, dans une perspective pro-soviétique ouverte. La comparaison avec le Parti Communiste italien est ici très utile.
Dès son huitième congrès les 27-29 septembre 1956, le Parti Communiste italien alla dans le sens d’une participation ouverte aux institutions et de soutien au régime. Cela allait provoquer une très profonde crise idéologique et un vaste mouvement anti-révisionniste en Italie.
Les Brigades Rouges sont nées dans la classe ouvrière notamment en réponse à cette tendance d’implication dans le régime ; l’enlèvement d’Aldo Moro, afin de frapper le « compromis historique » entre démocrates-chrétiens et le Parti Communiste italien, apparaît non pas tant comme un choix stratégique que le produit inévitable d’une certaine mise en perspective.
Une preuve de cela est que les Brigades Rouges, jusqu’à 1982 et leur choix d’une identité bien déterminée, ne cherchèrent nullement à concurrencer le Parti Communiste italien en termes d’organisation partidaire, de structure politique organisée, etc. C’était finalement davantage le basculement du Parti Communiste italien du « bon côté » qui était visé.
Le Parti Communiste français eut de son côté une perspective totalement différente. Il n’avait jamais assumé de ligne révolutionnaire, tout en maintenant une imagerie « dure » et un réformisme intransigeant ; c’est toute l’ambiguïté de la ligne de Maurice Thorez d’une sorte de « Parti syndicaliste ».
En Italie, donc, Palmiro Togliatti affirmait ouvertement qu’il était possible d’utiliser le parlement bourgeois pour réaliser socialisme, qu’un régime multi-partis était possible ; le Parti Communiste français, lui, disait uniquement qu’il était possible d’utiliser le parlement bourgeois pour arriver au point où il doit y avoir le grand changement pour instaurer le socialisme, pour « arracher » l’appareil d’État à la bourgeoisie, comme le formula son idéologue Roger Garaudy.
De très nombreux intellectuels du Parti Communiste français ou gravitant autour émergèrent par ailleurs entièrement sur le terrain de l’étude de l’État comme terrain « neutre » dont il faudrait saisir les particularités (Louis Althusser avec sa thèse des structures, Nikos Poulantzas avec son analyse de l’appareil d’Etat, avec alors en général une très grande attirance pour les thèses intellectualo-culturelles d’Antonio Gramsci, etc.).
Le Parti Communiste français se posait alors comme un continuateur intransigeant de l’affirmation de la lutte de classes, opposé à la fois à Staline et au révisionnisme « italien ».
Le Parti Communiste français s’alignant entièrement sur la ligne soviétique Varga – Khrouchtchev écrasa par ailleurs peu avant avant mai 1968 les nombreux partisans des thèses « italiennes » au sein de l’Union des Étudiants Communistes (l’autre fraction oppositionnelle, « pro-chinoise », consistant en ce qui allait par la suite donner l’UJCML, guidée par Robert Linhart).