PCF (mlm) : L’architecture de l’Organisation

Nous voulons ici parler de la question de l’organisation, c’est-à-dire de comment les révolutionnaires s’organisent, développent leurs activités, conçoivent leurs actions. Nous ne l’avons jamais fait, en raison de la nécessité de préserver ce qui est la chose la plus fondamentale pour une organisation révolutionnaire : sa survie. Le capitalisme vise en effet, par la pression sociale et la répression, à écraser l’organisation révolutionnaire. Pour éviter les coups, il ne faut donc rien livrer à l’ennemi quant à son propre fonctionnement.

Il est nécessaire qu’à chaque moment, en cas de coup dur, un noyau de l’Organisation soit en mesure de reconstruire celle-ci à lui tout seul. Cela présuppose, non pas tant un haut niveau de formation ou de capacité de « positionnement », qu’une réelle détermination. De par la nature du capitalisme existant en France, avec des forces de production réellement développées, se mettre au service de la bataille pour le communisme exige une détermination engageant toute son existence.

Nous ne sommes plus au début du XXe siècle où la question du socialisme pouvait se résoudre intellectuellement, au sens où il s’agissait de convaincre de la justesse des thèses de Karl Marx sur le mode de production capitaliste, de se positionner de manière adéquate dans le parcours de la lutte des classes. Aujourd’hui, pour s’arracher à l’esprit du capitalisme lui-même, à ses influences concernant ses choix, il faut une rupture et une culture de la rupture.

Cette culture de la rupture est essentielle. Elle est la base pour porter une alternative et ne pas tomber dans l’esprit chroloforme-réforme. Qui ne vit pas la rupture sur le plan des valeurs, dans sa vie personnelle, se fait rattraper par la corruption capitaliste. C’est la bataille pour transformer l’être humain dans ce qu’il a de plus profond.

Lénine avait déjà compris la question de cette rupture, en soulignant de manière tout à fait juste la primauté de la conscience. Le rejet du spontanéisme et l’affirmation de la conscience socialiste forment la base du principe de rupture. Lénine, dans Que faire ?, a écrit notamment ces lignes essentielles :

« La conscience politique de classe ne peut être apportée à l’ouvrier que de l’extérieur, c’est-à-dire de l’extérieur de la lutte économique, de l’extérieur de la sphère des rapports entre ouvriers et patrons.

Le seul domaine où l’on pourrait puiser cette connaissance est celui des rapports de toutes les classes et couches de la population avec l’Etat et le gouvernement, le domaine des rapports de toutes les classes entre elles.

C’est pourquoi, à la question : que faire pour apporter aux ouvriers les connaissances politiques ? – on ne saurait donner simplement la réponse dont se contentent, la plupart du temps, les praticiens, sans parler de ceux qui penchent vers l’économisme, à savoir “aller aux ouvriers”.

Pour apporter aux ouvriers les connaissances politiques, les social-démocrates doivent aller dans toutes les classes de la population, ils doivent envoyer dans toutes les directions des détachements de leur armée. »

Cette rupture doit être assumée comme bataille pour le communisme, sans quoi il y a toujours un espace pour le repli, la fuite, la capitulation, dans un confort matériel plus ou moins illusoire. Le capitalisme est un mode de production qui avilit les consciences, qui engourdit les esprits, qui humilie les valeurs positives dans la vie. Qui ne veut pas se laisser corrompre dans le combat révolutionnaire doit partir du poids croissant de la subjectivité dans les métropoles.

Ulrike Meinhof a eu raison d’affirmer, en 1976, au sujet des communistes que :

« Nous ne partons pas d’une position de classe, quelle qu’elle soit, mais de la lutte des classes comme principe de toute histoire, et de la guerre de classes, comme réalité dans laquelle se réalise la politique prolétarienne, et – comme nous l’avons appris – seulement dans et par la guerre.

La position de classe ne peut être que le mouvement de la classe dans la guerre des classes, le prolétariat mondial armé et combattant, réellement ses avant-gardes, les mouvements de libération – ou comme dit [le Black Panther George] Jackson : connections, connections, connections – c’est-à-dire mouvement, interaction, communication, coordination, lutte collective – stratégie.

Tout cela est paralysé dans le concept de ‘‘position de classe’’. »

Aucune existence authentique n’est possible à l’extérieur de la bataille pour le communisme !

La cooptation

La lutte des classes est un processus ardu. Les éléments d’avant-garde se reconnaissent entre eux dans leur engagement, suivant le principe de la dignité du réel. Il ne s’agit pas que de théorie, de programme, de lignes, de tactiques, etc., car qui va dans le bon sens de l’histoire sait, le cas échéant, dépasser les différences seulement apparentes. Il s’agit d’engagement.

C’est ce qui fait qu’il y a toujours une grande interaction au sein des éléments d’avant-garde. Le principe de la cooptation pour l’Organisation en découle. On ne peut pas « adhérer » au Parti. On ne sympathise pas au point de décider d’en être membre un jour. Cela n’a jamais été ainsi et cela ne sera jamais ainsi. L’appartenance à l’Organisation se déroule selon une interaction, une base commune dans la détermination à changer la réalité.

Comme cette détermination se fonde sur des valeurs, il est logique que la question de fond, celle des idées, soit essentielle. Mais dans la bataille pour la libération du prolétariat, les valeurs ne sont jamais un obstacle formel. La différence programmatique n’a en rien empêché l’unité ouvrière antifasciste en février 1934, puis le Front populaire en 1936. De la même manière, si quelqu’un dit qu’il n’est pas d’accord avec le PCF(mlm) simplement en raison de tel ou tel point particulier, c’est hypocrite et on sait que ce sont de fausses excuses, la question n’étant pas là. Car ce qui compte, c’est d’assumer le saut dans l’antagonisme.

On est soit une partie du problème, soit une partie de la solution. Alors, une fois qu’on voit cela, concrètement, les choses se posent naturellement. On voit qui avance car on lutte ensemble, et on s’unit, dans le processus critique – autocritique – unité.

Le second point essentiel rendant inévitable la cooptation, c’est bien entendu la question de la sécurité. L’Organisation ne peut fonctionner que si sa base est saine de toute infiltration, de tout opportunisme. En ce sens, il y a un haut niveau d’exigence. Reprenant l’argument utilisé contre Lénine, certains de nos détracteurs nous accusent d’être une « secte ». C’est là une argumentation typiquement libérale petite-bourgeoise, dont le caractère erroné ressort d’autant plus qu’une secte peut être rejointe facilement, alors qu’il est très difficile d’en sortir. Or, chez nous, c’est le contraire, car notre objectif est de produire des cadres et nous suivons l’adage léniniste « mieux vaut moins, mais mieux ».

La compartimentation

Le principe de la cooptation nous distingue fondamentalement des organisations non révolutionnaires, car aucune organisation révolutionnaire ne peut pas chercher à se structurer sans parer aux coups des ennemis. Il en va de même pour la compartimentation.

Le principe de la compartimentation consiste en ce que l’organisation consiste en des secteurs qui ne connaissent pas les activités des autres secteurs, ni même leurs membres. Ainsi, si un secteur est « infecté », il ne peut en contaminer d’autres, il est isolé. Le principe est bien connu en France de par l’épisode de la Résistance.

Nous n’avons jamais voulu parler de ce principe ouvertement. Non pas, car des non-révolutionnaires pourraient l’utiliser : cela ne peut pas être le cas. Il n’existe pas de « technique » décisive, de « méthode » à suivre, ou quoi que ce soit de ce genre. C’est là un point absolument capital, qui doit être compris dans toute son ampleur.

En ce sens, nous rejetons résolument la conception pragmatique-machiavélique du Parti Communiste des Philippines, du Parti Communiste d’Inde (maoïste), du TKP/ML en Turquie, de la seconde position des années 1980 en Italie. Nous voyons bien la validité des thèses affirmant la primauté de la politique – donc de l’idéologie – dans les actions, dans l’application des décisions !

Si nous n’avons pas posé la question de la compartimentation ouvertement, c’est que nous voulions éviter que le concept soit incompris dans un contexte où la crise générale du capitalisme n’était pas si marquée. Désormais, c’est le cas et la lutte des classes reprend ses droits dans une France impérialiste dont l’histoire a été « gelée » pendant plusieurs décennies.

La clandestinité

La Résistance était, pendant l’Occupation allemande, par définition clandestine. La clandestinité n’implique pas forcément des activités illégales, cela signifie simplement que les actions sont secrètes. Aucune organisation révolutionnaire peut se satisfaire, par définition, que l’État connaisse ses membres, ses actions, son développement, etc. Aucune révolution ne peut en effet avoir lieu ou même se développer si, de manière aisée, la répression intervient pour mettre les révolutionnaires en prison ou briser ses initiatives. En fait, la clandestinité au sens substantiel du terme, c’est l’évitement de la contre-révolution. L’État n’a pas à savoir avec qui il est discuté, qui pense quoi, qui fait quoi.

Sur internet on trouve, à l’inverse, aisément des gens revendiquant d’avoir ici diffusé des tracts, là écrit un slogan sur un mur, ou encore d’avoir rencontré des gens à tel endroit, d’avoir organisé une réunion à tel autre endroit. C’est de la vanité qui n’aide que l’ennemi. Bien entendu, la mise en avant sur internet est pour beaucoup de ces gens une fin en soi et on sait que pour exister virtuellement, il faut faire du bruit. Cela s’oppose toutefois totalement aux exigences révolutionnaires.

Une activité est calibrée par le fait : 1. de s’inscrire dans les masses 2. d’élever le niveau de conscience des masses 3. d’organiser les masses 4. d’en arriver au terrain de l’autonomie prolétarienne, en-dehors des institutions et des syndicats 5. de parvenir à la conscience communiste 6. de développer l’insurrection pour la prise du pouvoir.

Une activité est donc bien circonscrite et le fait de la révéler est inutile et même contre-productif. C’est se tourner vers une reconnaissance formelle de son travail au lieu de chercher un succès concret sur le terrain des masses. Nous savons bien qu’en agissant de telle manière, on obtient pas la reconnaissance des opportunistes voulant des illustrations d’actions avec des textes d’autosatisfaction. En même temps, nous nous en passons bien et nous pensons que ceux qui cèdent à la démagogie des compte-rendus complaisants sur internet ne font, finalement, rien d’autre que le choix de la facilité.

Le centralisme démocratique

Toute cette architecture de l’Organisation ne peut pas fonctionner sans mouvement du bas vers le haut et du haut vers le bas, c’est-à-dire la dialectique de la base et de la direction. Il ne s’agit pas ici de penser que la direction est le simple lieu de rassemblement des points de vue de la base. Ce serait une lecture communiste libertaire. En réalité, il y a un saut qualitatif à chaque palier de direction. La Direction, son plus haut niveau, est ainsi, comme l’a formulé Gonzalo, le produit de tout un mouvement historique, une synthèse exprimant la mise en perspective s’appuyant sur le matérialisme historique.

Pour cette raison, chaque niveau de l’Organisation se place en rapport dialectique avec ce qui se situe en-dessous de lui et ce qui se situe au-dessus. Pour la Direction, ce qu’il y a d’au-dessus, c’est la base, et inversement la base a en-dessous le plus haut niveau de l’Organisation. Ce processus est difficile à saisir en pratique de prime abord, il demande un expérience concrète afin que les contours en soient suffisamment délimités et saisis. Il reflète, dans les faits, la vie de l’Organisation.

Parti Communiste de France (Marxiste-Léniniste-Maoïste)
Janvier 2020

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