L’école de Port-Royal a pu profiter, dans le cadre de ses activités, du soutien d’un peintre : le belge Philippe de Champaigne (1602-1674). Au départ, celui-ci eut une carrière classique, progressant comme peintre pour le régime : d’abord pour la reine mère, Marie de Médicis, ensuite pour le cardinal de Richelieu, qu’il sera le seul à représenter en tenue de cardinal, onze fois au total. Il devient, dans ce cadre, en 1648, un des membres fondateur de l’Académie royale de peinture et de sculpture.
Philippe de Champaigne prend cependant le parti pris de Port-Royal, où sa fille est pensionnaire, et où il pense qu’elle a été guérie miraculeusement de sa paralysie. La voici, dans son tableau le plus célèbre, intitulé Ex-voto. En-dessous, on a le Double portrait de Mère Agnès et de Mère Angélique.
Philippe de Champaigne va alors être le peintre du jansénisme en tant que concurrent de la peinture baroque. On a dans sa peinture des individus (comme dans le calvinisme) mais dans une austérité complète, dans le dépouillement. C’est le parti-pris mystique intérieur de Port-Royal, qui oriente la contre-réforme dans une perspective différente de celle de la réforme.
Voici deux tableaux montrant l’un une Vanité, extrêmement prisée par ailleurs des professeurs de français en terminale, une représentation de « Saint » Augustin et une du Christ mort couché sur son linceul.
Philippe de Champaigne a représenté à de nombreuses reprises les gens de Port-Royal. Devant éviter de montrer trop ostensiblement leur sainteté non reconnue officiellement par le Vatican, il accentue encore plus le dépouillement, le caractère stoïque typiquement janséniste.
Voici le portrait de Mère Catherine-Agnès de Saint-Paul, dite Agnès Arnauld, puis de Saint-Cyran (qui a une main posée sur les oeuvres de « Saint » Augustin) et de son neveu Martin de Barcos, qui fut notamment directeur spirituel de Mère Angélique.
A ces nombreux tableaux s’ajoutent ceux directement liés à la piété religieuse, avec donc un décalage par rapport au baroque traditionnel, dans la mesure où la dimension personnelle est davantage soulevée.
Voici Saint Bruno, Ecce homo, Saint Jean-Baptiste, ainsi que la Madeleine pénitente et le Bon Pasteur (en deux versions différentes).
On remarque les tons bleus dans les trois derniers tableaux, ce qui est la seule particularité positive de l’oeuvre de Philippe de Champaigne, de par sa maîtrise. La raison du choix de cette couleur est bien entendu liée à la figure du Christ, qui sert de portail mystique unique dans la conception janséniste.
Voici par exemple La Vierge de douleur au pied de la Croix et L’enfant Jésus retrouvé dans le temple.
On a ici une peinture oscillant entre un classicisme lié à son époque, le XVIIe siècle, et une tentative baroque d’esprit janséniste ; la force et la dextérité technique ne sont ni l’une ni l’autre au rendez-vous, ce qui ne donne finalement qu’un éloge sectaire d’un positionnement de repli individuel religieux et mystique.