Blaise Pascal (1623-1662) est extrêmement réputé en France, d’abord comme scientifique, ensuite comme auteur des Pensées. C’est là quelque chose d’absurde, car ces deux faces s’opposent radicalement. Blaise Pascal, ayant basculé dans la religion dans une variante mystique, est un fanatique, radicalement opposé aux sciences.
Cela a été une opération de grande envergure du catholicisme que de prétendre qu’il n’y a aucune contradiction dans ces deux aspects, tout comme par ailleurs le fait de nier que la démarche mystique de Blaise Pascal est janséniste et donc différente de la ligne officielle du Vatican.
Quand Blaise Pascal se lance la polémique pour la défense de Port-Royal, il est déjà complètement acquis au fanatisme religieux. Il est bien connu que l’épisode l’ayant profondément marqué est ce qui a été appelé le « miracle de la Sainte Épine ».
Cette légende veut que Port-Royal ait pu disposer d’une relique sous la forme d’une épine de la « couronne du Christ », et que celle-ci a provoqué un miracle en mars 1656, en guérissant la nièce de Blaise Pascal, Marguerite Périer, d’une fistule lacrymale.
On a là une affirmation absolument irrationnelle et on voit bien que Pascal s’est totalement éloigné du matérialisme et des principes scientifiques. Son œuvre la plus connue, les Pensées, consiste d’ailleurs en un assemblage de textes retrouvés après sa mort devant initialement être une Apologie de la religion chrétienne.
C’est tout un tour de passe-passe d’avoir transformé ce qui est en réalité une œuvre religieuse fanatique en « réflexions » philosophiques d’esprit chrétien. C’est là un exemple très parlant de la capacité du catholicisme à être offensif et invasif, en prenant des formes adéquates dans son entreprise.
Le site penseesdepascal.fr, soutenu par l’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, le CNRS et la Bibliothèque Nationale de France, ne propose ainsi aucune présentation universitaire critique ne serait-ce que formelle : elle aide directement la propagande religieuse, « comme si de rien n’était ».
De la même manière, les professeurs de français au lycée fournissent pratiquement systématiquement des textes de Blaise Pascal, diffusant la vision négative de l’humanité, le pessimisme religieux.
Car les Pensées n’ont, de fait, qu’un seul but : montrer que la vie sur Terre est un calvaire et que les êtres humains utilisent le divertissement afin de passer le temps. C’est une vision d’un pessimisme radical, typique de la décadence féodale.
Voici un passage absolument typique et résumant toute l’œuvre :
« L’âme est jetée dans le corps pour y faire un séjour de peu de durée. Elle sait que ce n’est qu’un passage à un voyage éternel, et qu’elle n’a que le peu de temps que dure la vie pour s’y préparer. Les nécessités de la nature lui en ravissent une très grande partie. Il ne lui reste que très peu dont elle puisse disposer.
Mais ce peu qui lui reste l’incommode si fort, et l’embarrasse si étrangement, qu’elle ne songe qu’à le perdre. Ce lui est une peine insupportable d’être obligée de vivre avec soi, et de penser à soi. Ainsi tout son soin est de s’oublier soi-même, et de laisser couler ce temps si court et si précieux sans réflexion, en s’occupant de choses qui l’empêchent d’y penser. »
Il reste à analyser l’œuvre en détail, pour qu’elle constitue une attaque anti-matérialiste tous azimuts. Ce qui compte ici toutefois, c’est simplement de voir que Blaise Pascal est un élément de Port-Royal et de son nihilisme fondamentaliste.
Tout serait à rejeter, à part la fusion mystique avec Jésus-Christ ; comme il est dit dans les Pensées :
« Non seulement nous ne connaissons Dieu que par Jésus-Christ mais nous ne nous connaissons nous-mêmes que par J.-C. ; nous ne connaissons la vie, la mort que par Jésus-Christ. Hors de J.-C. nous ne savons ce que c’est ni que notre vie, ni que notre mort, ni que Dieu, ni que nous-mêmes. Ainsi sans l’Écriture qui n’a que J.-C. pour objet nous ne connaissons rien et ne voyons qu’obscurité et confusion dans la nature de Dieu et dans la propre nature. »
Au XVIIe siècle, le grand siècle français, Port-Royal nie la réalité, affirme la fusion avec Dieu, rejetant le science et la culture. L’anéantissement de Port-Royal par le XVIIe siècle était donc une nécessité historique. Le progrès de la société française passait par le dépassement de cette fracture historique fondamentaliste.