L’histoire du jansénisme et de Port-Royal a marqué les esprits, surtout de par l’ampleur de la répression subie. Historiquement, deux ans après la mort de Jansénius, parut en 1640 son ouvrage majeur, appelée Augustinus seu doctrina Sancti Augustini de humanæ naturæ sanitate, ægritudine, medicinā adversùs Pelagianos et Massilienses.
L’œuvre fut mise à l’index par une bulle papale, In eminenti, dans la foulée, en 1642, mais la bulle ne fut publiée qu’en 1643 ce qui laissa le temps aux jansénistes français d’intervenir pour défendre leur idéologie. La polémique fut lancée avec, en 1653, une nouvelle bulle papale, Cum occasione, condamnant le jansénisme, dont les thèses furent résumées en cinq points :
« 1. Quelques commandements de Dieu sont impossibles aux hommes justes, lors même qu’ils veulent et s’efforcent de les accomplir selon les forces qu’ils ont présentes, et la grâce leur manque par laquelle ils soient rendus possibles.
2. Dans l’état de la nature corrompue on ne résiste jamais à la grâce intérieure.
3. Pour mériter et démériter dans l’état de la nature corrompue, la liberté qui exclut la nécessité n’est pas requise en l’homme, mais suffit la liberté qui exclut la contrainte.
4. Les semi-pélagiens admettaient la nécessité de la grâce intérieure prévenante pour chaque acte en particulier, même pour le commencement de la foi, et ils étaient hérétiques en ce qu’ils voulaient que cette grâce fût telle que la volonté humaine pût lui résister ou lui obéir.
5. C’est semi-pélagianisme de dire que Jésus-Christ est mort ou qu’il a répandu son sang généralement pour tous les hommes. »
En apparence, le jansénisme est alors éliminé à peine apparu, d’autant plus que Léonard de Marandé, conseiller et aumônier de Louis XIV (il l’a été également de Louis XIII), publie en 1654 Inconvénients d’État procédant du jansénisme.
Pourtant, c’est une répression prolongée qui s’est développée. Il y a ainsi un formulaire anti-janséniste avait été réalisé par le pape Innocent X en 1653. En voici le contenu :
« Je me soumets sincèrement à la Constitution du pape Innocent X du 31 mai 1653, selon son véritable sens, qui a été déterminé par la Constitution de notre Saint-Père le pape Alexandre VII du 16 octobre 1656. Je reconnais que je suis obligé en conscience d’obéir à ces Constitutions, et je condamne de cœur et de bouche la doctrine des Cinq propositions de Cornelius Jansenius contenues dans son livre intitulé Augustinus, que ces deux papes et les évêques ont condamnée ; laquelle doctrine n’est point celle de saint Augustin, que Jansenius a mal expliquée, contre le vrai sens de ce saint docteur. »
En 1655, le cardinal Mazarin et quinze évêques le prescrivent ; en 1657, il est accepté par l’Assemblé du clergé, puis le parlement lors d’une séance solennelle en présence du Roi (ce qui s’appelle un « lit de justice »). Enfin, en 1661, la monarchie absolue impose qu’il soit signé par tous les ecclésiastiques, jusqu’aux religieuses et aux maîtres d’école.
Entre-temps, en 1656, Antoine Arnauld se voit enlevé son titre de docteur par la Sorbonne ; connaissent la même mésaventure tous ceux qui l’ont soutenu. Dans la foulée le Roi ordonne la dispersion des solitaires de Port-Royal et les Petites-Ecoles chez les particuliers sont également poursuivies, les enfants remis à leurs parents ou à des membres de leur famille. Les pensionnaires, les postulantes et les novices sont chassées des deux monastères de Port-Royal.
En août 1664 a lieu une véritable opération de police, avec 200 archers envahissant la cour du monastère de Paris pour évacuer les douze dernières soeurs qui sont enlevées de force et enfermées dans des couvents, jusqu’en juillet 1665, sous surveillance armée. Par la suite, les 68 religieuses jansénistes purent se rassembler dans le monastère de Port-Royal, tout le reste étant confisqué, tant les annexes que le bâtiment parisien.
Ayant aggloméré des sympathisants autour d’elle, la monarchie absolue procéda en 1679 à une nouvelle répression, dispersant 34 pensionnaires, 13 postulantes, 17 ecclésiastiques ou séculiers. Il est significatif que cette répression suive la paix définitive avec les Provinces-Unies, par le Traité de Nimègue de 1678. La variante janséniste n’a véritablement plus aucun sens et forme une parenthèse à éliminer.
Antoine Arnauld et Pierre Nicole fuient alors aux Pays-Bas espagnols. La dernière figure janséniste française, Pasquier Quesnel (1634-1719), les y rejoint, avant de devoir fuir à Amsterdam pour échapper à la répression implacable de la monarchie absolue. Ses papiers sont découverts, avec tous les réseaux jansénistes, forçant à la fuite soit aux Pays-Bas belgique, soit aux Provinces-Unies.
La question des Pays-Bas est définitivement close. Port-Royal peut alors mourir à petit feu. Clément XI publie en 1708 la bulle Ad instantiam regis qui prononce la suppression de Port-Royal, et celle-ci est fermée dans la foulée en 1709 : 300 mousquetaires viennent organiser la dispersion de 15 religieuses et 7 converses.
Les bâtiments furent rasés l’année suivante, cependant, depuis le XIIIe siècle, 3000 corps avaient été enterrés dans le cloître et dans des cimetières. Il fut décidé de les déterrer et des les jeter, en vrac, dans une fosse commune, dans le village proche de Saint-Lambert.
Enfin, en 1713, les fondations sont détruites au moyen de la poudre, et le pape annonce alors dans une bulle, Unigenitus, que le jansénisme est une hérésie.