La comédie musicale West Side Story est très célèbre ; elle expose de manière dramatique et dans une perspective sociale l’affrontement à New York entre deux bandes de jeunes, une constituée d’Américains d’origine européenne, une autre constituée de Portoricains.

Pepe, Bernardo, Juano
L’immigration portoricaine à New York est, en effet, très importante, notamment dans le quartier de East Harlem (parfois surnommé « El Barrio »).
Cela tient à l’histoire de Porto Rico, une colonie espagnole absorbée par les États-Unis.
À ce titre, il n’est possible que de faire un bref aperçu, dans la mesure où son histoire est largement séparée des pays latino-américains, tout en restant fondamentalement liée sur le plan culturel, surtout toutefois par le prisme des latinos présents aux États-Unis.
Historiquement, les Indiens de l’île (découverte dès le départ par Christophe Colomb) furent immédiatement massacrés et asservis ; il y avait environ 30 000 Indiens qui vivaient sur l’île au début de sa colonisation en 1508, il n’en restait qu’un peu plus de 1 000 en 1530.

le premier gouverneur de Porto Rico
S’il y eut une importation d’esclaves noirs, l’île resta toutefois à la marge de l’empire espagnol, fondé surtout sur les Vice-royautés de Nouvelle-Espagne et du Pérou, et dans la région des Caraïbes sur Cuba et l’île Hispaniola (qui donnera la République dominicaine et Haïti).

Néanmoins, la monarchie espagnole vacilla en raison des invasions napoléoniennes, en 1809, et cela donna l’occasion aux Espagnols criollos, c’est-à-dire nés en Amérique, de se soulever dans la plupart des colonies.
La monarchie espagnole rétablie appela ainsi ses partisans présents en Amérique à venir s’installer sur l’île. Ce furent surtout des militaires, des fonctionnaires, des commerçants ou des colons qui s’installèrent.
Cet apport est essentiel. Il ajoute à la diversité, au métissage des Porto Ricains. Cela va apporter une charge culturelle espagnole, mais avec une grande influence des descendants d’esclaves, ainsi que très relativement des Indiens.

à Porto Rico, vers 1808
Néanmoins, Porto Rico était dominé par 10 % de grands propriétaires terriens qui possédaient 80 à 90 % des terres agricoles, ce qui était d’autant plus vrai que le sucre représentait la majeure partie de la production.
On est dans la monoculture, avec une administration coloniale espagnole cherchant à maintenir sa logique de pillage.
Porto Rico est toutefois une île peu peuplée, avec 583 308 habitants en 1860.
Et si l’Espagne sut faire face aux envahisseurs français, néerlandais, britanniques, elle ne fut nullement capable de faire face aux États-Unis.
Ces derniers l’emportèrent en trois mois et demi en 1898, l’objectif alors était surtout de récupérer Cuba, à qui fut accordée une pseudo-indépendance.
Porto Rico devint un « État librement associé aux États-Unis », un État « non incorporé ». Cela veut dire que Porto Rico est une sorte de protectorat.

Le pouvoir législatif dépend d’une assemblée locale (qui envoie un représentant sans droit de vote au Congrès américain), il y a un gouverneur élu. Cependant, c’est la juridiction des États-Unis qui prime en économie, en politique étrangère, dans le domaine militaire.
Par contre, les Portoricains ont la nationalité américaine,
et ce depuis 1917.
Cet avantage en termes d’immigration sur le continent fait que si 5 % des gens veulent l’indépendance, les 2/3 veulent que Porto Rico devienne le 51e État, un peu moins d’un tiers souhaitant rester associé.
La population portoricaine est de toute façon déjà largement imbriquée dans celle des États-Unis.
Il y a aujourd’hui 3,2 de Portoricains sur l’île, mais 2 millions à New York (en comptant les descendants), plus d’un million dans le New Jersey voisin, plus d’un million en Floride, plusieurs centaines de milliers en Pennsylvanie, mais également dans l’Illinois, dans le Massachusetts, au Texas, en Californie.

Des forces indépendantistes tentèrent d’assumer cette situation, agissant également par de très nombreuses actions armées sur le continent, principalement par les Fuerzas Armadas de Liberación Nacional Puertorriqueña (Forces Armées de Libération Nationales Portoricaines) et l’Ejército Popular Boricua (Armée Populaire de Boricua, du nom Borikén, « Terre du Vaillant Seigneur », terme en langue amérindienne des Taïnos pour désigner l’île), surnommé Los Macheteros (les manieurs de machettes).

L’un des dirigeants historiques de cette option armée, Filiberto Ojeda Ríos, fut exécuté en 2005 par le FBI.
Le jour choisi pour l’action de cette dernière fut le 23 septembre – c’est-à-dire le jour anniversaire du Grito de Lares (le cri de Lares), référence à la révolte portoricaine anti-espagnole dans la ville de Lares le 23 septembre 1868.

Les velléités indépendantistes ne sont clairement que l’expression la plus radicale de l’autonomie locale ou éventuellement d’un romantisme révolutionnaire, qui n’a de sens de toute façon que dans un cadre historique plus large, lié au rapport entre les latino-américains et les États-Unis.
Elles étaient également poussées par Cuba et le social-impérialisme soviétique, afin de contribuer aux forces centrifuges.
Dans la réalité, il y a une imbrication de Porto Rico dans les États-Unis, à l’instar de l’immense reconnaissance des superstars du reggaeton Bad Bunny et Daddy Yankee.


C’est en fait l’ajout américain qui a amené l’éclosion du reggaeton, ce genre musical au croisement du hip-hop, du reggae et du dancehall, jouant sur la musicalité latino mais ajoutent une sophistication sonore largement empreinte à la musique américaine.

inspiré de celui de Cuba
Porto Rico est, ainsi, au nexus de l’Amérique latine et des États-Unis, tout comme les chicanos, c’est-à-dire les personnes d’origine mexicaine aux États-Unis.
Il y a un apport historique indéniable qui doit se produire, dans la dialectique des révolutions dans les pays latino-américains et aux États-Unis.

=>Retour au dossier sur
Les pays issus de la colonisation espagnole de l’Amérique