Potere Operaio: Pour un travail politique dans les quartiers populaires (1970)

POTERE OPERAIO (groupe de Pise, 1970)

POUR UN TRAVAIL POLITIQUE DANS LES QUARTIERS POPULAIRES 

L’ISOLEMENT COMME CONDITION POLITIQUE DU QUARTIER

L’isolement des quartiers populaires est le résultat d’une politique dont l’appareil administratif est l’exécutant direct. Il s’agit toujours de reléguer ces quartiers à l’extrême périphérie du tissu urbain où ils seront coupés du   développement physique et social de la ville. 

A ce fait s’ajoutent une pauvreté architecturale fondamentale, une très grave carence des équipements sociaux, des services et du   réseau   de   communications   ;   ces   éléments   confèrent   au quartier ce caractère de « ghetto » qui interdit pratiquement à ses habitants de participer activement à la connaissance et au développement des contradictions qui se forment petit à petit au « centre » du tissu urbain pris globalement.

L’exploitation économique et sociale intense que subissent les habitants   des   quartiers   populaires   opère   une   discrimination supplémentaire par rapport aux habitants du « centre ». 

La sujétion psychologique et matérielle, ainsi que l’impuissance sociale   qui en   découle, empêchent de fait les habitants de constituer, aux niveaux individuel et de groupe, des centres de décision et d’organisation qui   pourraient influer de quelque manière sur le développement physique et social du quartier. 

Cette impuissance est d’autre part aggravée par des rivalités et par l’arrivisme individuel et familial nés de l’espoir illusoire (et entretenu   par   l’imagerie   bourgeoise)   de   s’en   sortir   tout   seul, chacun de son côté. 

Tout   cela   se   traduit   par   une   capacité   d’organisation   et d’association faible, qui se répercute   inévitablement sur les possibilités d’organisation à l’usine et à l’école  : le cycle de l’exploitation se trouve ainsi bouclé. Dans les quartiers populaires, l’organisation du groupe familial selon la morale bourgeoise est plus forte qu’ailleurs, ce qui rend ces quartiers peu perméables à la relative liberté de mœurs et de mouvement qui caractérisent les autres secteurs sociaux.

La position du chef de famille est presque toujours autoritaire et exclusive.

Celle de la femme est, à l’inverse, de soumission totale, tandis que les enfants n’ont que peu de possibilités de contacts et d’expériences sociales en dehors du noyau familial.

Dans ces conditions, la famille augmente son propre isolement et celui du quartier. D’autre part, les difficultés de la vie quotidienne, l’exploitation, la durée des trajets pour se rendre au travail et en revenir, ont pour effet de décomposer le noyau familial   sur   le   lieu   de l’exploitation et de le recomposer ensuite devant la télévision, ce qui revient à briser en fait l’unité politique de la famille, en réduisant celle­-ci à un pur organisme de reproduction   et   de consommation.

L’ISOLEMENT ET LES CENTRES AUTORITAIRES

L’organisation   de   l’isolement   se   fonde   sur   deux   volontés parallèles   qui   naissent   en   même   temps   que   le   quartier   lui­-même. La première est celle d’exercer un contrôle direct, politique et administratif sur les habitants du quartier ; la seconde est celle de les intégrer et de canaliser autoritairement leurs principaux besoins matériels et culturels.   Cette double volonté est essentiellement exercée par les centres de pouvoir suivants : 

L’Eglise 

L’Église  s’installe dans les   quartiers   populaires   avec   tout   le poids et l’importance de son organisation, intervenant sur deux plans liés : « le   spirituel et le matériel ».  

La   fonction   de contrôle   qu’elle   exerce   sur   la   famille,   en   particulier   en contribuant   à   la   maintenir   dans   la   voie   étroite  de   la   morale bourgeoise,   est   facilitée   par   le   fait   que   l’Église   détient   le monopole de toutes les formes de divertissement, du terrain de jeu au cinéma. 

En outre, les énormes possibilités qu’elle a de s’insérer dans la structure sociale extérieure et intérieure du quartier lui permet d’exercer une autre forme de chantage : procurer des postes de travail, des aides matérielles, des assistances diverses qui sont tout autant d’instruments lui permettant d’exiger des habitants du quartier un comportement social conforme à la « bonne paix » de tout le monde. 

Les centres sociaux 

Les   centres   sociaux   sont   toujours   présents,   surtout   dans   les quartiers les plus neufs ; ils ont pour fonction de récupérer et d’isoler, selon la ligne autoritaire qui les caractérise, puisqu’ils sont imposés de l’extérieur, ces petites forces isolées qui pourraient mener à une prise de conscience des contradictions inhérentes à la condition d’isolement des habitants du quartier. Les centres sociaux, gérés par des organismes publics ou des instituts confessionnels, récupèrent les poussées politiques en les transformant et les réduisant en un conformisme « culturel ». 

La radio et la télévision 

L’influence   de   la   radio, ­T.V.   est   d’autant   plus   forte   que l’isolement   est   plus   grand.   

En   outre,   des   ressources   limitées réduisent   la   possibilité   d’utiliser   le   temps   libre   d’une   autre manière : à tel point que, dans les quartiers populaires, l’écoute des   programmes  de télévision s’étend  à  toutes   les  heures  de transmission de la journée. Le fantôme du « monde chez soi » est la  compensation manipulatrice et autoritaire à l’isolement des quartiers populaires : c’est pourquoi la petite chance qu’il y a de recomposer politiquement l’unité du noyau familial autour des   grands   sujets   de   l’exploitation   est   immédiatement compromise et annulée par l’effet centrifuge des programmes de télévision. 

Administrations  décentralisées des « habitations  populaires ». 

Dans   les   quartiers   populaires,   l’administration   du   patrimoine immobilier est confiée à des comités qui ont leur siège dans le quartier et qui sont essentiellement de deux types : autonomes et forfaitaires. Les   comités   autonomes,   qui   devraient   être   élus   au   suffrage populaire,   sont   contrôlés   par   l’administration   centrale   et peuvent être dissous à n’importe quel moment.

La gestion forfaitaire est entièrement contrôlée par l’administration centrale. Dans les deux cas il se forme un rapport de délégation entre les habitants du quartier et ces comités, ce qui pousse les premiers à se désintéresser de la question et facilite toutes les formes possibles d’escroqueries de la part des organismes de gérance.

LES RÉSULTATS DE L’AUTORITARISME

L’exploitation se fait en deux moments : l’exploitation directe à la fabrique, l’exploitation indirecte dans le quartier. L’ouvrier qui rentre du travail n’est plus un ouvrier, mais un habitant du quartier : il oublie ce qu’est son patron, au point même de jouer le rôle de patron dans sa famille. La séparation entre ces deux moments est nette ; si bien que, souvent,  les habitants des quartiers deviennent, ou du moins tendent à devenir, des petits­-bourgeois. 

Et   c’est   précisément   l’autoritarisme   du   chef   de   famille, confirmé,   contrôlé   et   renforcé   par   les   centres   d’autorité extérieurs au noyau familial, qui est le point de rencontre et de séparation entre ces deux moments. 

Le fait d’être inséré dans le processus productif signifie pour le chef de famille qu’il est le porteur et le gardien de la « dignité » et de la « noblesse » du travail et, donc, qu’il est le seul à offrir les  garanties  «  morales » nécessaires à  la promotion et  à  la direction de la famille.

Son poids économique lui permet d’agir directement sur les membres du noyau familial : sur les enfants, en les contraignant à s’insérer dans le processus productif ; sur la   femme,   en   l’isolant   dans   une   position   de mère et   de ménagère.

En définitive, l’ouvrier qui rentre de son travail s’isole dans son noyau familial et isole celui­ci d’une structure sociale plus large : il finit donc par « avoir sa famille à charge » ; charge qui, inévitablement, le freine et l’affaiblit au moment de la lutte. 

L’attitude autoritaire et donc répressive du chef de famille est en   définitive   le   lien   qui   unit   l’exploitation   directe   et   sa continuation   indirecte   au   niveau   de   la   famille.   Les   centres autoritaires   extérieurs,   d’autre   part,   de   l’Église   à   la   T.V., confirment,   renforcent,   généralisent   ce   type   de   relation   au niveau du quartier.

USINE ET QUARTIER

Le   quartier   n’est   pas   seulement   le   lieu   où   le   cycle   de l’exploitation est bouclé, mais il constitue aussi un inépuisable réservoir d’exploitation directe, concrète, immédiate. Le quartier moderne n’est presque jamais un quartier homogène : il est essentiellement formé de deux groupes : d’une part, les ouvriers   moyens   qui   aspirent   à   posséder   leur   maison   ;   de l’autre, toutes les couches sociales « en marge » : ex­habitants des   bidonvilles,   qui   ne   sont   spécialistes   que   d’une   seule technique, celle de la survie, de l’expédient comme forme de subsistance. Et ce n’est pas un hasard. 

La ville qui ne cesse de consommer et de gaspiller a besoin de cette grande réserve de main ­d’œuvre bonne à tout faire, de ces personnes   prêtes   à   fournir   n’importe   quel   service,   de   ces familles d’où sortent ces petits garçons qui servent dans les bars et les boutiques au lieu d’aller à l’école, de ces maçons, de ces éternels  apprentis   qui   se   voient   licenciés   à   la   fin   de l’apprentissage,   de   ces   super­exploités   qui   travaillent,   à domicile,   pour   le   compte   d’autrui,   de   ce   nouveau   marché d’esclaves, privés de toute force de représailles. 

Ce sont ceux-­là qui finissent dans les maisons les plus laides et qui subissent saisies sur saisies parce qu’ils n’arrivent pas à payer leur loyer ; et c’est à travers eux que prennent   une   forme  concrète les rivalités au sein du quartier ; et c’est aussi en se comparant à eux que l’ouvrier se sent « plus avancé » et se contente de ce qu’il a. 

Car l’ouvrier, lui, paie presque toujours son loyer, un loyer qui peut être incroyablement élevé. Le prix des maisons et des appartements dits « populaires » (I.N.A.­Casa, G.E.S.C.A.L., I.A.C.P.)  sont maintenant presque aussi élevés que ceux des logements   privés  :   ils   peuvent   représenter   jusqu’à   40  %   des salaires. 

Par l’intermédiaire des « maisons populaires », l’office­-patron, qui   est   d’ailleurs   le   même   patron   qu’à   l’usine,   mais   masqué derrière une apparente volonté d’« assistance » et derrière une incroyable   complexité   bureaucratique­ administrative   de gestion,   réussit   à   tirer   du   quartier   des   gains   énormes.  

Les maisons   I.A.C.P.,   en   particulier,   sont   l’objet   de   spéculations frénétiques  qui  favorisent  les  entrepreneurs  privés,  le  capital financier   privé,   des   partis   et   des   individus.  

La   politique   du « logement populaire » coûte cher : ce sont les locataires qui la paient. Mais cesser de payer signifie défendre le salaire réel ; ne pas payer signifie porter la lutte commencée sur le lieu du travail au­-delà des grilles de l’usine : car l’exploitation ne s’arrête pas là, elle pénètre chaque moment de chaque vie individuelle.  

Les habitants des quartiers populaires, ouvriers, employés, artisans, commerçants, policiers, chauffeurs de taxi, doivent commencer à   comprendre que   la   classe   exploitée   n’est   pas  seulement   la classe travailleuse traditionnelle, non propriétaire de ce qu’elle produit et contrainte à le racheter au triple. 

Il   faut   aussi   que   l’alliance   se   forme   au   niveau   du   logement parce que,   à   côté   des   problèmes   traditionnels   de   la   classe ouvrière sur les lieux de travail, il y en a maintenant d’autres : ceux de l’exploitation en dehors de l’usine.

Le problème de la condition des masses exploitées ne se pose donc plus seulement au niveau de la lutte syndicale, mais à celui de la lutte politique,  c’est­-à-­dire   de   la   lutte   contre   l’intensification   de l’exploitation à l’usine et dans le quartier, de manière que la lutte serve à renforcer l’organisation politique et à éduquer dans le sens de l’autogestion à tous les niveaux. 

Les augmentations de salaire que l’ouvrier réussit à arracher par l’intermédiaire des syndicats sont tout de suite absorbées par l’augmentation du coût de la vie : en particulier par le loyer, l’alimentation,  l’école, les services, les transports, l’assistance médicale ; la lutte pour le salaire ne suffit donc pas si on ne lutte pas parallèlement contre ces augmentations. 

Sans   prétendre   approfondir le problème complexe  de l’exploitation par le logement, disons que la bataille qu’on peut et doit mener pour la réduction des loyers, dans le cadre de ladéfense du salaire réel des ouvriers, constitue le sens essentiel de la lutte de quartier.

QUARTIERS   ET   «   MOVIMENTO   STUDENTESCO » (MOUVEMENT ÉTUDIANT)

L’extension   des   quartiers   populaires   et   leur   structure   sociale complexe   rendent   nécessaire   une   intervention   massive   et systématique qui s’auto­programme et se modifie au fur et à mesure de la pénétration dans la réalité vivante du quartier.

D’autre   part,   le   M.S.   (Movimento   Studentesco)   doit comprendre que sa stratégie de travail politique de masse et sa méthode   de   révolution   culturelle   doivent   dépasser   les revendications universitaires  et envahir la ville de façon à y créer, comme à l’école et à l’usine, des instruments autonomes de   lutte,   permettant   aux   habitants   sous­privilégiés   de s’organiser et de refuser de déléguer la défense de leurs intérêts à de quelconques organismes qu’ils ne peuvent pas contrôler efficacement eux­mêmes. 

L’usine et la ville, l’usine et le quartier, l’usine et l’école sont des structures dépendantes les unes des autres.

L’action que le M.S. devra  exercer aux niveaux théorique et pratique pourra établir la liaison entre les diverses situations d’exploitation, la poussée   et   l’organisation,   la   vérification   et   la   concrétisation poli­tique de l’interdépendance des fato et la possibilité  de contre­pouvoirs qui appuient la lutte du M.S. dans la ville et la société.

Il faudra constamment rappeler, à ce propos, qu’il n’y a pas de distinction entre le moment de l’analyse et celui de la mobilisation, entre ceux qui pensent et ceux qui agissent, entre le moment théorique global de définition et d’étude et celui de l’action pratique ; mais il doit y avoir une relation dialectique continue   entre   les   deux   moments   ;   le   travail   d’enquête   et d’analyse   ne   peut   jamais être séparé des luttes et des interventions. Le   travail   de   quartier   se   présente   donc   comme   un   travail politique essentiellement extérieur et, en même temps, comme un   des   moments   de   la   croissance  politique   du   M.S.  comme mouvement de masse ; cet aspect a été négligé au profit de l’objectif partiellement corporatif que s’était donné le M.S. en se   repliant   sur   lui­-même,   en   confondant   l’endoctrinement idéologique   de   l’avant­-garde   avec   la   croissance   politique globale. De cette manière la lutte ne pouvait être qu’évasion limitée   au  seul milieu  de la  faculté  et   sans  aucun  débouché politique réel. Pour   reprendre   l’action   dans   les   facultés,   il   est   possible d’intervenir dans les quartiers par un travail analytique utilisant toutes   les  compétences  disciplinaires spécifiques.

Il  s’agit   ce faisant   d’utiliser   de   manière   anti­-institutionnelle   les   diverses disciplines, pour relier directement le travail interne et le travail externe, ainsi que les travaux internes entre eux. 

En effet, à l’inverse de la structure du M.S., subdivisé   en secteurs de travail indépendants les uns des autres, les types d’intervention possibles et nécessaires sur les divers problèmes peuvent   trouver dans le travail de quartier   leur   moment   de contact et d’homogé­néîsation politique, au­-delà de la sectorialisation imposée par la structure universitaire. 

Schématisons les interventions  : dans les quartiers,  les étudiants  en  médecine pourraient étudier et relancer tous  les problèmes relatifs à la surpopulation, au travail et à l’hygiène ; les étudiants des écoles d’ingénieurs et  les étudiants en droit pourraient s’occuper de la structure physique et administrative des « maisons populaires » ; ceux de Lettres et de Langues, la composition   générale   du   quartier,   du   noyau   familial,  la situation de la femme et tous les facteurs sur lesquels se fonde la sélection scolaire. 

Cette manière de poser les tâches, directement liée à la réalité concrète   de   la   ville,   peut   être   éventuellement   accompagnée d’une   récupération   des   recherches   analytiques   effectuées   à l’Université, sans tomber dans la logique de la « restructuration de la recherche et de l’enseignement» et du « renouvellement culturel de la Faculté ». 

« La commission   de quartier »   devrait   donc   naître   de   la convergence   des   divers   secteurs   de   travail   et   d’étude,   en s’organisant elle­-même en cours d’intervention, dans la pratique sociale   de   masse,   pour   combattre   l’isolement   auquel   on condamne   les   quartiers,   pour   ne   laisser   aucun   champ   à l’idéologie   de   la   classe   dominante   qui,   à   travers   certains instruments   comme  la  T.V.   et   l’Église,  manipule   les  masses socialement subordonnées.

INSTRUMENTS D’INTERVENTION DANS LE QUARTIER

La « Doposcuola ». [Doposcuola   :   ensemble   des   activités   (surtout   d’étude surveillée)  organisées   les   après­-midi,  dans  les  écoles   et,  au dehors, puisqu’il n’y a généralement classe que le matin.] 

Le « doposcuola » est la première forme d’intervention dans un quartier  ;  elle est   issue d’une  exigence  d’assistance générale, dans le  but de réparer les dommages  causés par la structure sélective de l’école ; elle agit en particulier sur les enfants des ouvriers et des sous-­prolétaires. 

Mais l’engagement solidaire envers les habitants du quartier ne suffit  absolument pas à donner un caractère politique  à  la « doposcuola ».  D’où l’effort pour lui conférer un effet incisif sur les structures scolaires et les habitants du quartier.

On essaie de résoudre le problème par la formation d’une espèce de contre- école qu’on s’épuise à faire fonctionner à l’aide d’« expériences didactiques nouvelles » qui devraient notamment expliquer à une dizaine de gosses ce qu’est vraiment   l’école, ce qu’est vraiment le patron.   

Ce type d’expérience, naïve et  vouée à l’échec, est l’aboutissement inévitable d’une « doposcuola » qui n’est pas insérée dans un travail de quartier plus général ; car la seule  exigence des parents qui envoient leurs enfants à la  « doposcuola » est de voir s’améliorer la performance scolaire de leurs enfants.

Par conséquent, toute initiative qui va au-­delà de cette   exigence   ou   la   gêne,   est   critiquée   par   les   élèves eux­-mêmes. La « doposcuola » doit donc s’insérer dans des activités plus générales   dans   le   quartier.  

Il   faut   avant   tout   l’utiliser   pour gagner   la   confiance   des   habitants,   pour   rendre   légitime   et concrète la présence parmi eux, pour établir un rapport avec les parents à travers les enfants et pour lancer une discussion plus générale sur les problèmes de l’école et, surtout, du quartier. 

Il   est   essentiel   à   cet  égard   que  le  M.S.,   organisé en  groupe d’intervention spécifique, réussisse à introduire dans le quartier la discussion politique sur l’école, en se servant d’une analyse qui, partant de données générales, se concrétise et adhère à la situation particulière du quartier.

Tous les instruments peuvent être   utilisés   à   cet  effet  :  de  l’entretien  direct  avec un  noyau déterminé   d’élèves-­parents   de la   «   doposcuola   »,  qui sera ensuite élargie au reste des habitants, jusqu’aux enquêtes et statistiques sur le rapport entre école et quartier, sous l’angle des conditions d’exploitation des habitants du quartier.

Contre-­presse.

L’instrument   fondamental   d’intervention   dans   le   quartier   est sans doute le  contact immédiat, direct, avec les habitants du quartier,   d’abord   individuellement,   et   ensuite   en   comités   de travail,   sur   des   problèmes   spécifiques,   ou   en   assemblées générales. 

Il   est   cependant   possible   de   combiner   cette   méthode d’intervention   avec   une   activité   d’information   et   de   contre­ information, destinée à clarifier les problèmes qui apparaissent au fur et à mesure que l’intervention se développe et progresse. 

Tracts,   bulletins,   numéros   uniques,   manifestations,   placards mobiles,   chansons,   cinéma,   etc.,   sont   autant   d’instruments politiques et techniques. D’autre   part,   une   activité   de   contre-­presse   proprement   dite risquerait, sauf exceptions, de ne mener à rien, les journaux bourgeois n’étant lus que par un très petit nombre de personnes.

L’activité   de   contre­-presse   ne   peut   donc   être   confiée   à   un groupe   particulier,   mais   elle   doit   être   utilisée   par   tous   les groupes d’intervention du quartier, qui doivent s’en servir selon leurs   propres   exigences, selon  le secteur dans lequel   ils travaillent.

Les différents groupes d’étude et d’intervention sur l’école, la femme,   la   maison, la santé, etc., en élaborant séparément leur propre travail, finissent par constituer   tous ensemble l’organisation de l’activité de « contre-­presse » dans le quartier.

Cinéma.

L’isolement des habitants du quartier, le sentiment d’abandon et de frustration dont ils souffrent, le sentiment d’être en marge de la   société,   de   ne   pas   pouvoir   décider   de   leur   sort,   rendent nécessaire la présence continuelle et massive d’un groupe qui circule parmi les habitants, va dans leurs maisons, est toujours prêt  à   discuter  sous  n’importe  quelle  forme  et   par  n’importe quel moyen. Une présence, en somme, qui éveille la curiosité, contribue à la confiance réciproque et à l’information générale sur les problèmes du quartier. 

Le cinéma, ou plutôt la caméra, l’enregistreur,   le   mégaphone   peuvent   être   des   instruments d’intervention   politique   valables   s’ils   sont   utilisés   non   de l’extérieur à la manière du cinéma documentaire traditionnel, mais comme un aspect de la participation directe du M.S. aux problèmes du quartier.

Par l’intermédiaire de la caméra, capable d’attirer l’attention et d’animer les discussions, mais qui refuse d’être   l’instrument   d’un   cinéma   imposé   aux   autres   et   les réduisant au rôle de spectateurs, il est possible de susciter un dialogue   entre   les   groupes   d’intervention   et   les   habitants,   et surtout   entre   les   habitants   eux-­mêmes   ;   un   dialogue ininterrompu allant du moment des prises de vue jusqu’à celui de la projection qui montre aux habitants les scènes dont ils sont eux­-mêmes les protagonistes. 

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