Maurice Thorez présente de la manière suivante son rapport au Comité central le 19 mai 1939, lors d’une de ses sessions. Le mot d’ordre est « Pour la paix ! Pour le progrès ! Pour la République ! Français, unissez-vous ! ».
On y trouve d’exprimé la synthèse en cours : celle de l’union la plus large pour la paix et de l’assimilation du marxisme-léninisme diffusé par l’URSS.

Il y a une approche bien plus profonde qu’avant, bien plus idéologique ; on est ici dans le maximum de ce qui pouvait sortir du Parti Communiste Français et il est évident qu’une révolutionnarisation était nécessaire pour pouvoir aller plus loin.
Après la bolchévisation, il fallait assumer le marxisme-léninisme comme science ; le Parti Communiste Français n’en aura pas le temps.
« Camarades,
Quatre mois à peine se sont écoulés depuis la conférence nationale de notre Parti communiste. Et cependant nous nous réunissons aujourd’hui membres du Comité central, secrétaires régionaux et autres militants responsables dans une situation toute nouvelle en France et dans le monde (…).Les espoirs de paix se sont évanouis. L’inquiétude, l’angoisse sont de nouveau au coeur des hommes et des femmes soudain placés devant la dure réalité : la guerre est là, la guerre affreuse, la guerre tueuse et dévastatrice. L’Europe est comme un immense camp retranché. Elle est de nouveau la poudrière que la moindre étincelle peut faire sauter et dans laquelle cependant des fous furieux brandissent leurs torches incendiaires (…).
Le moindre incident, une provocation quelconque, un attentat, peuvent désormais fournir le prétexte à une généralisation de la guerre. Et quelle guerre ! Une guerre qui n’épargnerait rien ni personne. Une guerre si terrible, si effroyable, que disparaîtraient à l’esprit des survivants le souvenir des horreurs de 1914 à 1918 (…).
C’est contre la France que Mussolini élève des prétentions insolentes, visant non seulement Djibouti, et la Tunisie, mais une partie du sol national, la Corse, Nice et la Savoie.
C’est contre la France que Hitler et Mussolini ont poussé au plus loin leurs opérations préliminaires d’isolement, d’encerclement (…).
Nous SEULS, communistes, nous avons en septembre mis en garde contre la trahison qui se préparait.Nous SEULS nous avons dénoncé résolument. à la Chambre et dans le pays, la capitulation de Munich qui a compromis gravement, on s’en rend compte maintenant, la sécurité de la France et là cause de la paix.
Nous, SEULS, le 4 octobre 1938 nous avons refusé la confiance au gouvernement des munichois (…).
Les travailleurs approuvent notre Parti communiste qui a voté, seul, le 4 octobre 1938, et contre les accords de Munich, et contre les pleins pouvoirs.
La classe ouvrière ne veut pas supporter les sacrifices à sens unique, les décrets-lois qui portent atteinte aux lois sociales et aux libertés démocratiques, l’abrogation de la semaine de 40 heures, la violation des conventions collectives et la suppression de la liberté du travail, toute relative.
L’obligation de faire des heures supplémentaires, sous menace de congédiement, sans pouvoir être réembauché dans une autre entreprise ni être inscrit sur un fonds de chômage pendant six mois, fait reculer d’un siècle notre législation sociale (…).
Enfin, mise hors d’état de nuire des traîtres, capitulards, espions du fascisme. Soutien des officiers républicains et des soldats du peuple contre les manœuvres et les provocations des éléments fascistes.
Souffle républicain dans l’armée, la police, l’administration et la magistrature. Dissolution effective des ligues fascistes. Interdiction de leur presse. Arrestation de leurs chefs (…).
Le fascisme, ce n’est pas le signe de la santé et de la force du capitalisme, c’est le signe de sa décrépitude irrémédiable. Le fascisme, c’est le produit le plus abject du monde capitaliste en décomposition.
Le fascisme souligne la faiblesse de la bourgeoisie, en ce sens qu’elle renonce à ses méthodes antérieures de domination, aux méthodes démocratiques qui correspondaient à la période ascendante, progressive, du capitalisme, pour recourir aux méthodes de la violence brutale et sanglante.
Le fascisme, c’est la dictature des éléments les plus réactionnaires et les plus acharnés du capital. Le fascisme supprime toutes les libertés, il tente d’anéantir le mouvement ouvrier, il détruit les syndicats, il interdit le Parti communiste et tous les autres partis de démocratie.
Le fascisme voudrait donner l’apparence de la force, mais nous sommes des communistes, des marxistes-léninistes.Notre doctrine, notre théorie, la théorie scientifique du matérialisme dialectique « veut que les phénomènes soient considérés non seulement du point de vue de leurs relations et de leur conditionnement réciproques, mais aussi du point de vue de leur mouvement, de leur changement, de leur développement, du point de vue de leur apparition et de leur disparition
Pour la méthode dialectique, ce qui importe avant tout, ce n’est pas ce qui à un moment donné paraît stable, mais commence déjà à dépérir ce qui importe avant tout, c’est ce qui naît et se développe, si même la chose semble à tin moment donné instable car pour la méthode dialectique il n’y a d’invincible que ce qui naît et se développe. » (Histoire du Parti communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S., page 100.)
Or, en Allemagne et en Italie, ce qui naît, ce qui se développe, c’est l’opposition de la multitude opprimée, asservie, économiquement et politiquement, à la dictature provisoire momentanée du fascisme.
Les misères et les souffrances des peuples soumis au joug bestial du fascisme déterminent une accumulation énorme de ressentiments et de haines légitimes qui ne peuvent pas ne pas conduire ultérieurement à une explosion formidable qui balayera les dictateurs et leur régime sanglant (…).La volonté de paix et de liberté des masses populaires de tous les pays est encouragée par la fermeté inébranlable de l’Union soviétique face aux agresseurs fascistes et aux provocateurs de guerre.
Oui, on peut résister à la fureur guerrière, du fascisme, il suffit d’unir autour des grandes démocraties tous les peuples oui veulent préserver leur indépendance (…).
Il est encore temps d’inviter les peuples à la ronde de la paix autour de la France, de l’Angleterre et de l’Union soviétique (…).
Les travailleurs sont prêts aux sacrifices qu’exige la défense du pays et de la paix ; ils jugent nécessaires le renforcement de la capacité militaire de la France, la fabrication massive d’armements qu’imposent les circonstances. Mais les travailleurs entendent que les sacrifices soient imposés d’abord aux possédants.
Il faut contraindre le grand patronat routinier et cupide à la rénovation des méthodes de production, à la modernisation de l’outillage, à la réintégration de tous les chômeurs dans la production, et alors, alors seulement, les travailleurs accepteront de faire, sous le contrôle de leurs syndicats, les heures supplémentaires dont la nécessité apparaîtrait.
Un gouvernement de défense nationale s’appuyant sur la classe ouvrière donnerait en outre la certitude que les armements fabriqués par les travailleurs ne seront pas dirigés contre eux ou contre l’Union soviétique (…).
Nous devons dire au camarade Léon Blum : Vous défendez présentement sur les questions vitales pour la classe ouvrière et pour le pays des opinions qui ne se distinguent guère de celles que nous professons depuis longtemps nous-mêmes.
Dans ces conditions rien ne devrait s’opposer à l’action commune de nos deux Partis, à l’unité de la classe ouvrière.
Camarade Léon Blum, dans une grande mesure le sort de la classe ouvrière est entre vos mains, de vous surtout dépend le retour à la pratique effective de l’action commune.
Léon Blum et ses partisans ont obtenu la majorité au Conseil National du Parti socialiste en décembre 1938, puis en mars dernier.
Dans le dernier Conseil National, Blum et ses camarades de tendance auraient pu repousser le vote du texte [de Justin] Arnol suspendant l’unité d’action ; ils ont préféré s’abstenir.Nous souhaitons bien vivement qu’au prochain Congrès socialiste s’affirme une majorité favorable à l’unité d’action.
Ce serait un événement heureux pour la classe ouvrière de notre pays, ce serait un pas sérieux vers la réalisation du front unique international (…).Notre parti groupe en premier lieu les ouvriers d’avant-garde, les meilleurs prolétaires, les représentants authentiques et les plus qualifiés de la classe ouvrière.
Or, la classe ouvrière est, dans la société actuelle de production capitaliste, une classe révolutionnaire. La classe ouvrière qui subit l’exploitation capitaliste ne peut ne pas être l’adversaire, l’antagoniste irréductible de la classe des exploiteurs capitalistes.
La classe ouvrière est ainsi conduite à une lutte de plus en plus consciente contre le capitalisme, à une lutte révolutionnaire qui part de la défense des intérêts quotidiens des prolétaires pour aboutir à la suppression de l’exploitation capitaliste, à l’instauration du système de production socialiste, à l’avènement du communisme.
La conscience de ces buts de la classe ouvrière, de sa mission historique d’affranchissement de l’humanité, voilà l’explication de l’hostilité foncière des communistes au capitalisme qui engendre la guerre et qui a donné naissance au fascisme.
Ce n’est pas tout. Notre Parti communiste est pourvu d’une boussole incomparable qui lui permet de fixer à coup sûr la route de la classe ouvrière ; cette boussole c’est la doctrine scientifique de Marx, Engels, Lénine et Staline, c’est la théorie révolutionnaire du marxisme-léninisme.
La classe ouvrière, en raison de ses conditions de vie, de sa position dans la société vient naturellement au socialisme, au communisme.Mais il à été nécessaire de l’éclairer sur ses propres destinées, de la préparer il son rôle de « fossoyeur du capitalisme », d’organisateur de la société communiste de l’avenir. Ce fut l’oeuvre de Marx et d’Engels, des plus grands penseurs de l’humanité.
Marx et Engels ont découvert les lois du développement des sociétés depuis les époques les plus reculées. Marx et Engels ont démontré que la société capitaliste dans laquelle nous vivons a succédé à d’autres sociétés depuis les communautés primitives, à l’esclavage, et à la féodalité et qu’elle conduit inévitablement à une société, supérieure, au communisme.
Marx et Engels ont démontré que le fondement de ces sociétés diverses, c’est la façon dont les hommes produisent et sont groupés entre eux dans la production sociale ; les rapports sociaux de production, la place des individus et des collectivités dans la production, dépendant en dernière analyse « moins de ce que l’on fabrique, que de la manière de fabriquer, que des moyens de travail par lesquels on fabrique » (Capital, tome I, p.16. E.S.I.).
Marx et Engels ont professé le matérialisme dialectique, « ainsi nommé parce que sa façon de considérer les phénomènes de la nature, sa méthode d’investigation et de connaissance est DIALECTIQUE et son interprétation, sa conception des phénomènes de la nature, sa théorie est matérialiste (Histoire du Parti communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S., p. 98).
Par là, la doctrine marxiste se rattache directement au matérialisme philosophique des grands encyclopédistes français du dix-huitième siècle.
Marx lui-même a écrit : « De même que le matérialisme cartésien a son aboutissement dans les sciences physiques proprement dites, l’autre tendance du matérialisme français aboutit directement au socialisme et au communisme » (Karl Marx. Œuvres philosophiques, La Sainte Famille, tome II, p. 234).
Les représentants de cette autre tendance furent notamment Condillac, Helvétius, La Mettrie, Diderot, d’Alembert, etc.
Marx poursuit : « Quand on étudie les théories du matérialisme sur la bonté originelle et l’égale intelligence des hommes, sur la toute-puissance de l’expérience, l’habitude, l’éducation, l’influence des conditions extérieures sur les hommes, la haute importance de l’industrie, le bien-fondé de la jouissance, etc. il n’est pas besoin d’une sagacité extraordinaire pour découvrir ce qui tes rattache nécessairement au communisme et au socialisme. »
De son côté, Engels écrit dès la deuxième phrase de son œuvre capitale « L’Anti-Dühring » : « Dans sa forme théorique, le socialisme apparaît à ses débuts comme une continuation plus poussée, qui veut être plus conséquente, des Encyclopédistes du XVIIIe siècle.Comme toute théorie nouvelle, le socialisme devait tout d’abord se rattacher au fonds d’idées existant au moment de son apparition, à quelque point qu’il eût sa racine dans les conditions économiques.
Les grands hommes qui, en France, ont éclairé les cerveaux en vue, de la Révolution future, se montraient eux-mêmes extrêmement révolutionnaires. Ils ne reconnaissaient aucune autorité en dehors d’eux, quelle qu’elle fût : religion, conception de la nature, société, organisation de l’Etat, tout était soumis à une critique implacable. »
Le marxisme c’est l’unité de la théorie et de la pratique révolutionnaire. Dès 1845, rédigeant ses thèses sur Feuerbach, Marx termina de la sorte : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, mais il s’agit de le transformer ».
Marx et Engels démontrèrent que nulle classe dans le passé n’avait renoncé de plein gré à l’exercice de sa domination, même lorsque le progrès des forces productives exigeait l’établissement, de nouveaux rapports de production, même lorsque l’histoire portait une condamnation inexorable contre les temps révolus.Le cent cinquantenaire de la Grande Révolution ne vient-il pas rappeler à ce propos que la bourgeoisie française a dû briser par la violence révolutionnaire le pouvoir, du roi et des seigneurs féodaux, qu’elle a dû défendre au moyen de la terreur révolutionnaire, contre les ennemis du dedans et du dehors, les conquêtes sociales et politiques de la France Nouvelle.
Marx et Engels ont démontré que la classe ouvrière devra inévitablement recourir aux mêmes méthodes révolutionnaires pour briser la domination de la bourgeoisie dépassée par les nouveaux progrès de la science, de la technique, des forces de production que la classe ouvrière doit se préparer à l’exercice de la dictature du prolétariat pour assurer son nouveau pouvoir, pour préparer la société sans classes, qui verra enfin régner sur le monde dans l’épanouissement du communisme libérateur, la justice, le bonheur, la paix.Afin de rapprocher le jour heureux où selon son expression si poétique : « il y aura du pain pour tout le monde et aussi des roses. »
Marx et son compagnon Engels, ont enseigné que la classe, ouvrière doit avoir son propre parti qu’ils ont appelé le Parti communiste.
Ils ont rédigé, il y a presque un siècle, leur « Manifeste communiste », l’œuvre immortelle qui reste la base de notre doctrine révolutionnaire.
Lénine n’a pas seulement défendu la doctrine de Marx et d’Engels contre les révisionnistes et les falsificateurs de la social-démocratie. Lénine a fait progresser la théorie marxiste (…).
Comme toute théorie, comme toute science, la théorie marxiste-léniniste se développe ; elle se perfectionne constamment.
Le mérite, la gloire de notre grand Staline résident précisément dans les apports substantiels dont il enrichit sans cesse la doctrine des fondateurs du socialisme scientifique, dans les nouveaux progrès que fait, grâce à ses travaux, le marxisme-léninisme (…).
Les adversaires du communisme, les ennemis du peuple croient nous désobliger en nous appelant des stalinistes. Ils ne voient pas que c’est pour nous un titre de fierté que nous nous efforçons de mériter.
Notre plus vif désir, notre ambition suprême, c’est de devenir des marxistes-léninistes éprouvés, de véritables stalinistes (…).
La voie de l’Internationale communiste, la voie de l’internationale de Lénine et de Staline, c’est la voie dans laquelle nous ont précédés les travailleurs de l’Union soviétique sous la conduite du glorieux Parti bolchevik.
La voie de l’Internationale communiste, notre voie, c’est celle de la lutte pour le pouvoir de la classe ouvrière et de l’édification socialiste.
Le socialisme, le communisme, ce n’est plus une chimère, une utopie, un rêve. C’est la vie heureuse de 180 millions de citoyens soviétiques, c’est la vie joyeuse d’une jeunesse ardente (…).
A l’oeuvre donc, sous le drapeau de l’Internationale, communiste, sous le drapeau de Lénine et de Staline, à l’œuvre pour un Parti communiste toujours plus fort, pour l’unité de la classe ouvrière, en France et dans le monde, pour, l’union de tous les républicains contre le fascisme et contre la guerre, à l’œuvre pour le salut de notre peuple, pour la cause universelle de la liberté et de la paix, pour le triomphe du communisme libérateur. »
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isolé et interdit (1938-1939)