Conformément à l’idéologie ultra-libérale du fascisme, Pierre-Joseph Proudhon est contre la démocratie. Tant le fascisme et le national-socialisme ont exprimé la toute-puissance de l’État, mais justement comme structure supérieure, au-delà des classes, au-delà du peuple, légitimant la division en corporations, s’appuyant sur des individus.
C’est le contraire du communisme s’appuyant sur le matérialisme, sur le fait que les être humains sont le produit de la nature, que leur pensée est le reflet du mouvement de la matière. Proudhon est ici un théoricien du fascisme, niant l’humanité au nom des individus. Il dit ainsi :
« De tous leurs préjugés inintelligents et rétrogrades, celui que les communistes caressent le plus est la dictature. Dictature de l’industrie, dictature du commerce, dictature de la pensée, dictature dans la vie sociale et la vie privée, dictature partout : tel est le dogme (…).
Il lui faut UN HOMME. Après avoir supprimé toutes les volontés individuelles, il les concentre dans une individualité suprême, qui exprime la pensée collective, et, comme le moteur immobile d’Aristote, donne l’essor à toutes les activités subalternes. Ainsi, par le simple développement de l’idée, l’on est invinciblement amené à conclure que l’idéal de la communauté est l’absolutisme. Et vainement on alléguerait pour excuse que cet absolutisme sera transitoire ; puisque, si une chose est nécessaire un seul instant, elle le devient à jamais, la transition est éternelle. »
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C’est une critique très nette de la conception matérialiste, d’Averroès à Karl Marx, selon laquelle l’être humain ne pense pas, sa pensée étant un reflet.
Et l’impossibilité d’un dénominateur commun, d’une force commune – à l’opposé donc de Jean-Jacques Rousseau et de son « contrat social » façonné lors des Lumières – amène donc à la négation pure et simple de la démocratie. La seule chose vraie est l’individu, il n’y a rien « au-dessus ». Pierre-Joseph Proudhon théorise la conception fasciste de la négation de la démocratie, du suffrage universel.
Aux yeux de Proudhon :
« La démocratie n’est autre chose que la tyrannie des majorités, tyrannie la plus exécrable de toutes ; car elle ne s’appuie ni sur l’autorité d’une religion, ni sur une noblesse de race, ni sur les prérogatives du talent et de la fortune : elle a pour base le nombre, et pour masque le nom du peuple (…).
Le suffrage universel est une sorte d’atomisme par lequel le législateur, ne pouvant faire parler le peuple dans l’unité de son essence, invite les citoyens à exprimer leur opinion par tête, viritim, absolument comme le philosophe épicurien explique la pensée, la volonté, l’intelligence, par des combinaisons d’atonies. C’est athéisme politique dans la plus mauvaise signification du mot. Comme si, de l’addition d’une quantité quelconque de suffrages, pouvait jamais résulter une pensée générale ! »
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Pierre-Joseph Proudhon élabore donc la théorie idéaliste, typique du futur idéalisme fasciste, de l’individu progressant individuellement, en tant que « travailleur », défini par lui comme « le commerçant, l’industriel, le laboureur, le savant, l’artiste ».
C’est la conception fasciste même. Voici ce que dit Proudhon :
« Ce qui adoucit les mœurs, et qui fait peu à peu régner le droit à la place de la force, ce qui fonde la sécurité, qui crée progressivement la liberté et l’égalité, c’est, bien plus que la religion et l’État, le travail ; c’est, en premier lieu, le commerce et l’industrie ; c’est ensuite la science, qui le spiritualise ; c’est, en dernière analyse, l’art, sa fleur immortelle.
La religion, par ses promesses et ses terreurs, l’État, par ses tribunaux et ses armées, n’ont fait que donner au sentiment du droit, trop faible chez les premiers hommes une sanction, la seule intelligible à des esprits farouches.
Pour nous, que l’industrie, les sciences, les lettres, les arts, ont corrompus, comme disait Jean-Jacques [Rousseau], cette sanction réside ailleurs : elle est dans la division des propriétés, dans l’engrenage des industries, dans le développement du luxe, dans le besoin impérieux de bien-être, besoin qui fait à tous une nécessité du travail.
Après la rudesse des premiers âges, après l’orgueil des castes et la constitution féodale des premières sociétés, un dernier élément de servitude restait encore : c’était le capital.
Le capital ayant perdu sa prépondérance, le travailleur, c’est-à-dire le commerçant, l’industriel, le laboureur, le savant, l’artiste, n’a plus besoin de protection ; sa protection, c’est son talent, c’est sa science, c’est son industrie. Après la déchéance du capital, la conservation de l’État, bien loin de protéger la liberté, ne peut que compromettre la liberté.
C’est se faire une triste idée de l’espèce humaine et de son essence, de sa perfectibilité, de sa destinée, que de la concevoir comme une agglomération d’individus exposés nécessairement, par l’inégalité des forces physiques et intellectuelles, au péril constant d’une spoliation réciproque ou de la tyrannie de quelques-uns.
Une pareille idée atteste la philosophie la plus rétrograde ; elle appartient à ces temps de barbarie où l’absence des vrais éléments de l’ordre social ne laissait au génie du législateur d’autre moyen d’action que la force ; où la suprématie d’un pouvoir pacificateur et vengeur apparaissait à tous comme la juste conséquence d’une dégradation antérieure et d’une souillure originelle.
Pour dire toute notre pensée, nous regardons les institutions politiques et judiciaires comme la formule exotérique et concrète du mythe de la chute, du mystère de la Rédemption et du sacrement de la pénitence. »
(Idée générale de la révolution au XIXe siècle)
On a là une approche et un style, ceux du fascisme.