Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) est le Eugen Dühring français ; il est un socialiste qui ne considère pas le capitalisme comme un mode de production, avec une contradiction interne, mais comme un phénomène « isolé » dans l’histoire du monde.
Par conséquent, Pierre-Joseph Proudhon a formulé toute une vision du monde pour expliquer les sources de « l’oppression », et cela sur des bases idéalistes faisant lui un ennemi juré de Karl Marx et de Friedrich Engels.
Voici comment Pierre-Joseph Proudhon présente son approche, où la propriété est assimilée à l’esclavage :
« Si j’avais à répondre à la question suivante : Qu’est-ce que l’esclavage ? et que d’un seul mot je répondisse : c’est l’assassinat, ma pensée serait d’abord comprise, je n’aurais pas besoin d’un long discours pour montrer que le pouvoir d’ôter à l’homme la pensée, la volonté, la personnalité est un pouvoir de vie et de mort, et que faire un homme esclave, c’est l’assassiner.
Pourquoi donc à cette autre demande Qu’est-ce que la propriété ? ne puis-je répondre de même c’est le vol, sans avoir la certitude de n’être pas entendu bien que cette seconde proposition ne soit que la première transformée ? »
Qu’est-ce que la propriété ? ou recherches sur le principe du droit et du gouvernement
Pierre-Joseph Proudhon attaque la religion, il dénonce la propriété, mais pour fournir un point de vue qui est finalement celui de la petite propriété. Derrière les grands discours sur la liberté, le socialisme, etc., Proudhon s’avère en fait un petit-bourgeois défendant la petite propriété « égalitaire ».
Voici comment Karl Marx raconte, dans une lettre de 1865, le résultat de sa rencontre avec Pierre-Joseph Proudhon:
« Pendant mon séjour à Paris, en 1844, j’entrai en relations personnelles avec Proudhon. Je rappelle cette circonstance parce que, jusqu’à un certain point, je suis responsable de sa « sophistication », mot qu’emploient les Anglais pour désigner la falsification d’une marchandise. Dans de longues discussions, souvent prolongées toute la nuit, je l’injectais d’hégélianisme — à son grand préjudice, puisque ne sachant pas l’allemand, il ne pouvait pas étudier la chose à fond. Ce que j’avais commencé, M. Karl Griin, après mon expulsion de France, le continua. Et encore ce professeur de philosophie allemande avait sur moi cet avantage de ne rien entendre à ce qu’il enseignait. »
Un épisode connu fut par la suite la publication par Pierre-Joseph Proudhon de Philosophie de la misère, à laquelle Karl Marx répondit par une œuvre du nom de Misère de la philosophie.
Sa critique de Pierre-Joseph Proudhon a la même base que la critique de Eugen Dühring faite par Friedrich Engels ; voici ce que dit Karl Marx, dans la même lettre déjà mentionnée :
« J’ai montré, entre autres, comme il a peu pénétré les secrets de la dialectique scientifique, combien, d’autre part, il partage les illusions de la philosophie “spéculative” : au lieu de considérer les catégories économiques comme des expressions théoriques de rapports de production historiques correspondant à un degré déterminé du développement de la production matérielle, son imagination les transforme en idées éternelles, préexistantes à toute réalité, et de cette manière, par un détour, il se retrouve à son point de départ, le point de vue de l’économie bourgeoise. »
Historiquement, Pierre-Joseph Proudhon joue un rôle essentiel dans la naissance du « socialisme français », c’est-à-dire d’un national-socialisme à la française, utilisant l’antisémitisme comme anticapitalisme romantique, comme le fera également Alphonse Toussenel (1803-1885). Il est de fait le véritable théoricien du corporatisme, en fait il pave même la voie intellectuelle au fascisme ; Georges Sorel (1847-1922) reconnaîtra sa dette envers Pierre-Joseph Proudhon.
Dans notre pays, l’influence de Pierre-Joseph Proudhon a été immense, tant intellectuellement que culturellement. Le syndicalisme révolutionnaire est une conception directement emprunté à la logique du proudhonisme. Même les anarchistes et les anarcho-syndicalistes, qui suivent le théoricien russe anarchiste Mikhail Bakounine lui-même issu du proudhonisme, auront un mal énorme à développer leurs tendances face au proudhonisme étroit.
Car le proudhonisme est une approche globale plus qu’une idéologie précise, malgré des tentatives fascistes d’en formuler les principes généraux au moyen des Cahiers du Cercle Proudhon publiés de 1912 à 1914, ou encore avec « l’école d’Uriage » du régime pétainiste. Ce qui compte, ce sont ses principales composantes, du type anticapitaliste romantique ; ce sont elles qu’il s’agit de comprendre et de combattre.