Qu’est-ce que la crise générale du capitalisme ?

1) Le concept de crise

a) Le profit capitaliste et la chute tendancielle du taux de profit

Le mode de production capitaliste s’appuie sur l’accumulation du capital. Karl Marx, dans Le capital, décrit dès le départ les cycles Argent – Marchandise – Argent et Marchandise – Argent – Marchandise. Le capitaliste apporte de l’argent pour produire des marchandises et obtenir plus d’argent en retour ; la marchandise est mise sur le marché, vendue pour de l’argent, ce qui amène avec cet argent une nouvelle production de marchandises.

Cependant, le capitaliste investit du capital pour avoir toujours plus de capital : le capitalisme entraîne le capitaliste et non le contraire. Il y a en effet d’entraînement, où le capitaliste sert le capital et non le contraire. Cet effet d’entraînement repose sur l’opposition irréductible de deux classes.

Le capitaliste exploite en effet les travailleurs qu’il emploie, en les rémunérant moins que ce qu’ils apportent dans la production. Plus le capitaliste fait grandir son capital, plus il renforce la classe capitaliste aux dépens de la classe laborieuse : le prolétariat.

Plus le capitaliste accumule du capital plus il est lui-même capitaliste et plus il enchaîne le prolétaire comme prolétaire.

Cependant, le paradoxe historique est que les capitalistes, qui forment une seule et même classe, sont divisés entre eux, ils sont en concurrence, en compétition pour parvenir à renforcer l’accumulation du capital qu’ils portent individuellement.

L’exploitation est ainsi renforcée, d’un côté en employant davantage de prolétaires afin de mettre en activité le capital, de l’autre en en mettant de côté afin de rogner sur les salaires. Or, comme c’est le prolétaire qui apporte la richesse « en plus » par son exploitation, les licenciements impliquent un abaissement du taux d’exploitation réaliser par le capitaliste : c’est la baisse tendancielle du taux de profit.

b) La surproduction de capital et la surproduction de marchandise

Les capitalistes constatent la baisse tendancielle du taux de profit mais ne parviennent pas à trouver sa source, ce qui renforce encore plus leur fuite en avant à l’élargissement le plus large possible de l’accumulation du capital d’un côté, aux licenciements en masse de l’autre. Cela accentue encore plus les contradictions et renforce à terme la baisse tendancielle du taux de profit.

Ce processus s’accompagne d’une hausse de la productivité, donc du nombre de marchandises. Il faut toutefois les écouler et les licenciements assèchent le marché où le faire. On se retrouve avec une surproduction de marchandises, la spéculation, les crises, un capital inemployé, une population littéralement mise de côté dans la production et la consommation.

C’est là un paradoxe historique : le capitalisme développe les capacités productives, mais se retrouve à un moment à ne plus être en mesure d’en faire quelque chose. Dans Le capital, Karl Marx synthétise cette contradiction en disant que :

« Plus la force productive se développe, plus elle entre en conflit avec la base étroite sur laquelle sont fondés les rapports de consommation. »

Ce conflit ne s’exprime pas nécessairement par une crise générale. En effet, ce qui caractérise la crise – la surproduction de capital et la surproduction de marchandises, soit l’une, soit l’autre, soit les deux – peut amener un redémarrage : les nouveaux capitalistes prennent la place des anciens ou ouvrent de nouveaux marchés, les marchandises dépréciées mais massives sont employées pour redémarrer un cycle de consommation et d’accumulation.

Pour qu’il y ait une crise générale, il faut que les capitalistes ne puissent plus exercer leur fonction, qu’ils ne soient plus capitalistes, qu’ils ne se déterminent plus par rapport au taux de profit. Cela implique une situation où il y a des monopoles si puissants qu’ils aient mis de côté les capitalistes concurrents et qu’ils puissent se contenter d’accumuler du capital en élargissant leur production, sans viser à un taux de profit toujours plus haut.

Ces monopoles doivent être compris de manière dialectique. Leur forme sont très différentes : monopoles en tant que tel ou quasi-monopoles (Windows, Apple, Boeing, Airbus, Total, BP…), trusts, conglomérats (LVMH, Bouygues, General Electric…), mais cela ne change rien au fait que les grands capitalistes ont des intérêts croisés, entremêlés, en même temps qu’antagoniques et que toutes les formes monopolistes relèvent d’une oligarchie, et ce peu importe la forme de ses activités à la nature monopoliste.

c) La base capitaliste et sa superstructure

Le capitalisme signifie concurrence, mais la tendance à la formation de monopoles est irrépressible. Au cours de ce processus, la compétition toujours plus aiguë s’accompagne d’une chute tendancielle du taux de profit, accentuant les situations de crise et généralisant les faiblesses de la base capitaliste en renforçant les contradictions toujours plus antagoniques.

Le capitalisme peut en soi, abstraitement, toujours surmonter des crises de surproduction sauf que le capitalisme est travaillé de l’intérieur par la formation d’une superstructure consistant en les monopoles. Lénine a défini cela comme l’impérialisme.

Dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, il dit :

« La libre concurrence est le trait essentiel du capitalisme et de la production marchande en général ; le monopole est exactement le contraire de la libre concurrence ; mais nous avons vu cette dernière se convertir sous nos yeux en monopole, en créant la grande production, en éliminant la petite, en remplaçant la grande par une plus grande encore, en poussant la concentration de la production et du capital à un point tel qu’elle a fait et qu’elle fait surgir le monopole : les cartels, les syndicats patronaux, les trusts et, fusionnant avec eux, les capitaux d’une dizaine de banques brassant des milliards.

En même temps, les monopoles n’éliminent pas la libre concurrence dont ils sont issus; ils existent au-dessus et à côté d’elle, engendrant ainsi des contradictions, des frictions, des conflits particulièrement aigus et violents. Le monopole est le passage du capitalisme à un régime supérieur. »

On a ainsi un capitalisme monopoliste qui s’impose d’autant plus qu’il étouffe relativement le capitalisme concurrentiel présent et qu’il atteint une telle dimension qu’il échappe à la perspective capitaliste, et donc à la baisse tendancielle du taux de profit, en passant sur un mode purement parasitaire.

Le développement des monopoles est ainsi un aspect de la crise capitaliste : il l’amène, il la porte, il consiste en elle, en amenant l’extinction de la concurrence.

d) Le caractère général de la crise

Le caractère général de la crise est atteint lorsque que la surproduction de capital et la surproduction de marchandises se produisent en commun et ne peuvent plus être surmontées, car aucun redémarrage n’est possible en raison du poids immense des monopoles. Il ne plus y avoir de crise relative, servant de décompression pour un redémarrage.

Cela ne veut nullement dire que dans certains secteurs, il n’existe pas un élan capitaliste concurrentiel, mais cela reste totalement partiel. Les forces productives ne connaissent plus de développement et le seul moyen de résorber ce problème, c’est de procéder à la socialisation des monopoles puis de l’économie toute entière.

Le capitalisme monopoliste, lorsqu’il prédomine et asphyxie l’économie de type capitaliste pour le faire passer à un régime parasitaire, forme l’antichambre du socialisme.

La première guerre mondiale et la révolution russe sont au cœur d’une telle crise générale du capitalisme, la première historiquement.

2) La première crise générale du capitalisme définie par l’Internationale Communiste

a) La définition historique de la crise générale du capitalisme

Le concept de crise générale du capitalismea été développé par l’Internationale Communiste. Celle-ci affirmait sa justification historique par l’ouverture d’une nouvelle époque.

L’affirmation d’une organisation unitaire des communistes à l’échelle mondiale correspondait à la mise en place progressive de la république socialiste mondiale, alors que le capitalisme est entré dans sa phase de déclin, d’effondrement.

Le Programme de l’Internationale communiste, adopté par le VIe Congrès mondial, le premier septembre 1928 à Moscou, présente de la manière suivante cette question :

« La lutte entre les principaux États capitalistes pour un nouveau partage du monde provoqua la première guerre impérialiste mondiale (1914-1918). Cette guerre ébranla le système capitaliste mondial et inaugura la période de sa crise générale (…) .

L’ébranlement profond du capitalisme mondial, l’aggravation de la lutte de classes et l’influence immédiate de la révolution prolétarienne d’Octobre, déterminèrent des révolutions et des mouvements révolutionnaires tant en Europe que dans les pays coloniaux et semi-coloniaux (…). Ces faits et des événements tels que l’insurrection de l’Indonésie, l’effervescence profonde de l’Inde, la grande révolution chinoise qui a ébranlé tout le continent asiatique, forment les chaînons de l’action révolutionnaire internationale et sont les éléments constituants de la grave crise générale du capitalisme.

Ce procès de la révolution mondiale comprend la lutte immédiate pour la dictature du prolétariat, les guerres de libération nationale et les soulèvements coloniaux contre l’impérialisme, indissolublement liés au mouvement agraire des grandes masses paysannes.

La masse innombrable des hommes s’est ainsi trouvée entraînée dans le torrent révolutionnaire. L’histoire du monde est entrée dans une nouvelle phase, celle de la crise générale et durable du système capitaliste.

L’unité de l’économie mondiale s’exprime dans le caractère international de la révolution ; et l’inégalité de développement des diverses parties de l’économie mondiale dans le fait que les révolutions n’éclatent pas simultanément dans les différents pays. »

La crise générale du capitalisme n’est pas présentée comme simplement économique, elle n’est pas considérée non plus comme un « arrêt » du capitalisme, même si les possibilités de développement sont bloquées de par la prédominance de la surproduction de capital et de la surproduction de marchandises.

La crise générale du capitalisme consiste en l’instabilité générale de l’économie, des institutions, des mœurs, de l’idéologie dominante, avec en opposition dialectique une activité des masses dans le sens du soulèvement, une tendance à la révolution démocratique anti-impérialiste et la révolution socialiste.

b) Les phénomènes accompagnant la crise générale du capitalisme

L’Internationale Communiste s’est organisée comme Parti Communiste à l’échelle mondial afin de fournir un état-major donnant des directives aux communistes de chaque pays. Seul un aperçu mondial permettait, selon elle, de déduire les tactiques adéquates dans chaque pays, la crise générale du capitalisme s’y exprimant de manière spécifique dans le blocage de l’économie, mais en correspondance avec des tendances générales.

Les phénomènes accompagnant la crise générale du capitalisme étaient, selon l’Internationale Communiste, les suivants :

– une tendance accrue aux monopoles de la part des entreprises capitalistes afin de chercher à surmonter le manque de débouchés ;

– une pression renforcée sur les masses, amenant leur paupérisation (relative, absolue), afin de leur faire porter tout le poids d’une relance du capitalisme ;

– une fuite en avant dans la recherche technique afin de trouver des solutions miracles ;

– un renforcement agressif de la compétition internationale pour le contrôle des matières premières, des zones d’influence ;

– une intervention étatique approfondie au service des monopoles ;

– une instabilité économique avec l’éruption de crises ;

– une généralisation des initiatives unilatérales par en haut dans le domaine politique ;

– la soumission de l’appareil social-réformiste à l’appareil d’État et la quête de solution planiste ;

– une diffusion rapide des idéologies réactionnaires de type mystiques ;

– un développement urgentiste du fascisme comme mouvement contre-révolutionnaire.

Ces phénomènes correspondent au déclin du capitalisme, le mouvement communiste étant la résolution dialectique de la crise.

c) La décadence des classes dominantes et leur remplacement

Ce qui détermine en fait la nature de la crise générale du capitalisme pour l’Internationale Communiste, c’est à juste titre la question du remplacement des classes dominantes. Ces dernières, entrées en décadence, ne peuvent plus assurer la conduite de la société. Leurs valeurs et leurs décisions n’ont plus d’autre dimension historique que leur propre survie.

Si ces classes dominantes ont pu jouer auparavant un rôle historiquement positif, elles sont désormais passées de l’autre côté du miroir et sont réactionnaires sur le plan historique.

Ces classes dominantes se ressemblent d’ailleurs de moins en moins : la passivité bureaucratique prend le pas sur l’esprit d’initiative, les capacités de décision cèdent le pas au relativisme, l’héritage culturelle historique est rejetée au profit d’une fuite en avant subjectiviste.

La classe ouvrière, elle, se ressemble à elle-même de plus en plus ; elle prend possession de ses moyens historiques et s’affirme politiquement dans une tendance révolutionnaire. Elle cherche à façonner la société selon ses propres valeurs, à conduire les choix de la société dans tous les domaines.

Au sens strict, la crise générale du capitalisme consiste en le remplacement de l’ancien par le nouveau. L’ancien décline et cède la place au nouveau grandissant.

d) Le dépassement du capitalisme comme mode de production

Un mode de production n’est pas une manière avec laquelle sont produites les biens que consomment une société. C’est un type d’organisation productive permettant la reproduction de la vie de l’humanité et son élargissement.

Cette reproduction de la vie concerne en premier lieu les besoins vitaux, mais s’élargit au fur et à mesure à sa vie culturelle. Cela accompagne le développement des forces productives et les rapport sociaux relatifs à un certain développement des forces productives connaissent une révolution lorsque celles-ci exigent une modification.

Les grandes étapes marquées par des révolutions consistent en les modes de production : au communisme primitif succède le mode de production esclavagiste, suivi du féodalisme, du capitalisme, du socialisme et du communisme.

Il ne faut donc pas considérer que le capitalisme serait une « économie » avec d’un côté une certaine forme d’organisation de la production et de l’autre une certaine forme de répartition. Ce n’est en effet qu’un aspect de la question du mode de production ; pour mieux percevoir les choses, il faut raisonner en termes de civilisation, de développement de l’humanité parallèlement à celui des forces productives (et inversement).

Karl Marx, dans la Critique de l’Économie politique, explique que :

« Dans la production sociale de leur existence, les hommes nouent des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté ; ces rapports de production correspondent à un degré donné du développement de leurs forces productives matérielles.

L’ensemble de ces rapports forme ; la structure économique de la société, la fondation réelle sur laquelle s’élève un édifice juridique et politique, et à quoi répondent des formes déterminées de la conscience sociale. Le mode de production de la vie matérielle domine en général le développement de la vie sociale, politique et intellectuelle.

Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience.

A un certain degré de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en collision avec les rapports de production existants, ou avec les rapports de propriété au sein desquels elles s’étaient mues jusqu’alors, et qui n’en sont que l’expression juridique.

Hier encore formes de développement des forces productives, ces conditions se changent en de lourdes entraves.

Alors commence une ère de révolution sociale. Le changement dans les fondations économiques s’accompagne d’un bouleversement plus ou moins rapide dans tout cet énorme édifice.

Quand on considère ce bouleversements il faut toujours distinguer deux ordres de choses. Il y a le bouleversement matériel des conditions de production économique. On doit le constater dans l’esprit de rigueur des sciences naturelles.

Mais il y a aussi les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques, philosophiques, bref les formes idéologiques, dans lesquelles les hommes prennent conscience de ce conflit et le poussent jusqu’au bout. »

Un mode de production correspond ainsi à toute une étape historique de l’humanité et absolument tous les domaines sont concernés, tant dans la vie quotidienne que dans la vision du monde, tant dans les normes culturelles que dans les valeurs sociales.

La crise générale d’un mode de production entremêle tous ces aspects.

3) La conception erronée d’un capitalisme organisé

a) Le planisme et le néo-socialisme

Le remplacement de l’ancien par le nouveau implique de considérer que tout phénomène relève du mouvement dialectique. Si on adopte un autre point de vue, alors la crise générale du capitalisme ne peut pas être générale. Elle est au mieux un fait, mais conditionné par des choix et des situations.

Ainsi, les réformistes ont affirmé que le capitalisme en crise devait avoir comme réponse non pas le changement des classes dominantes et le dépassement du capitalisme comme mode de production, mais des modifications en profondeur dans le système économique capitaliste.

Cela aboutit notamment aux idéologies « planiste » et « néo-socialiste » des années 1930 qui firent de toute aile du réformisme un mouvement en convergence avec le fascisme. Une figure majeure de cette convergence fut Henri de Man, dont le Parti Ouvrier Belge s’aligna sur le principe « Le Plan, tout le Plan, rien que le Plan ». Il fallait organiser le capitalisme pour le modifier, l’améliorer, le changer et mettre de côté toute autre considération.

En 1926, Henri de Man expliquait dans Au-delà du marxisme :

« Pour le marxisme, la révolution sociale – la crise finale qui doit résoudre la tension entre Bourgeoisie et Prolétariat, entre Capitalisme et Socialisme – ressemble à s’y méprendre à un mouvement de forces mécaniques, tel qu’il résulte du choc de deux corps. Son contenu est donc donné a priori et une fois pour toutes (…).

Les expressions telles que capitalisme et socialisme ne désignent pas des phénomènes empiriques qui appartiennent au monde des réalités. Ce ne sont que des catégories, des produits de l’abstraction conceptuelle. Il n’y a aucune réalité qui corresponde soit au concept capitalisme, soit au concept socialisme.

Le socialisme en particulier n’est qu’une hypothèse, la représentation d’un ordre social possible, ou plutôt de certains traits schématiques et caractéristiques d’un tel ordre, qui n’existe pas encore et qui n’a jamais existé.

Mais le concept capitalisme lui aussi ne correspond qu’à une représentation conçue dans notre cerveau (…).

Qui pourrait dire : à tel moment et à tel endroit le féodalisme prit fin et fit place au capitalisme ? Dans la société actuelle, les formes économiques les plus diverses coexistent (…). Un antagonisme comme celui qui s’exprime dans l’antithèse marxiste Capitalisme-Socialisme est un état de mentalité et non un fait de la réalité objective. »

Il n’y aurait pas de camp figé ni de « capitalisme » en soi : il ne pourrait donc pas y avoir de crise générale du capitalisme, seulement une crise à laquelle il faudrait répondre par un plan cherchant à mobiliser le plus largement possible.

b) la social-démocratie

Une autre conception du capitalisme organisé au sein des réformistes fut développé par toute une série d’intellectuels historiques de la social-démocratie, dont Karl Kautsky et Rudolf Hilferding. En Russie, Boukharine s’aligna sur cette même conception. Ils écrivirent de nombreuses analyses où ils affirmèrent que si le capitalisme peut connaître une crise, la tendance au monopole l’emporte inéluctablement.

Or, si les monopoles l’emportent, alors cela sera la paix mondiale et l’absence de crise, de par un capitalisme désormais unifié et organisé. Il suffirait ensuite de prendre le contrôle de ces monopoles à un moment pour que ce soit le socialisme.

Boukharine résume tout à fait cette conception en disant en 1929 dans un article de la Pravda, « La théorie de la « gabegie organisée » », pour lequel il sera critiqué pour déviationnisme social-démocrate, que :

« Aujourd’hui le capitalisme d’État grandit sur une nouvelle base.

Dans un certain sens, toutes réserves faites sur la nature relative de l’analogie, on peut dire que le capitalisme d’État contemporain, dans les pays capitalistes « avancés », est comparable au capitalisme d’État de [la période de mobilisation générale pendant la guerre de ] 1914-18 (…).

Dans les pays capitalistes la question n’est plus celle d’une théorie de l’économie planifiée dans une forteresse assiégée (le « capitalisme d’État de guerre »), mais concerne l’analyse des tendances vers le capitalisme d’État qui se développe dans un système capitaliste « normal ». »

Le capitalisme d’État correspondrait à une rationalisation du capitalisme, ce qui serait positif et irait dans le sens d’une meilleure organisation, donc du « socialisme », ce dernier étant conçu comme principe d’organisation seulement.

Si crise du capitalisme il peut y avoir, cela ne peut être nullement une crise générale, seulement une crise relative, car le principe d’organisation permettrait au capitalisme de surmonter lui-même ses problèmes internes, allant ainsi indirectement au socialisme.

c) Le « capitalisme monopoliste d’État »

La conception du « capitalisme organisé » après 1918 fut remise en avant par l’économiste Eugen Varga, plaçant cette fois le curseur en 1945. La seconde guerre mondiale aurait amené un interventionnisme d’État majeur aboutissant à une rationalisation du capitalisme par l’appareil d’État.

Eugen Varga explique dans Le Capitalisme du XXe siècle, publié en 1961, que :

« Le capitalisme monopoliste d’État qui a émergé durant la première guerre mondiale s’est pleinement développé (…).

Le capitalisme monopoliste d’État est l’alliance des forces des monopoles et de l’État bourgeois (…), effectué principalement sous la forme de la fusion des monopoles et de la machine d’État.

Les monopoles envoient leurs représentants à des postes dirigeants dans le gouvernement, comme ministres, sénateurs ou membres du parlement.

La réciproque est également vrai – des généraux, des diplomates et des ministres quittent fréquemment le service du gouvernement pour des postes hautement payés dans les monopoles. L’alliance prend aussi la forme de décisions communes au sujet de questions économiques importantes (…).

Le capitalisme monopoliste d’État pleinement développé se manifeste principalement par la régulation étatique de l’économie, des entreprises possédées par l’État et l’appropriation et la redistribution d’une plus part du revenu national par l’État. »

Il ne peut donc plus y avoir de crise générale du capitalisme, puisque le capitalisme est désormais organisé par l’État, présenté comme neutre, et qu’il suffirait de contrôler pour parvenir à contrôler le capitalisme.

d) Le corporatisme

Une partie des réformistes n’accepta pas l’idée que le capitalisme organisé puisse passer par les monopoles et prolongea la conception planiste jusqu’au bout. Cela donne l’idéologie corporatiste, qui considère qu’il n’y a pas tant un capitalisme ou un socialisme – c’est le point commun avec le planisme – qu’une communauté générale d’intérêt.

Il faut donc l’unité du capital et du travail au moyen d’une vaste organisation en corporations, au service de l’ensemble social ayant une dimension nationale. C’est le fascisme italien, le national-socialisme allemand, l’État corporatiste autrichien, ainsi que toutes les variantes espagnole, portugaise, hongroise, roumaine, slovaque, ukrainienne, polonaise, etc.

Le corporatisme ne considère pas qu’il y a un capitalisme qui est en crise, mais une dégénérescence de la société sur le plan des idées et de l’organisation. Le fascisme se présente comme un mouvement régénérateur des élites devant mettre en place une organisation adéquate de la société.

Il est l’expression de l’autodéfense du mode de production capitaliste, sous la direction de l’oligarchie utilisant la petite-bourgeoisie comme levier.

4) L’approfondissement du capitalisme au-delà de la première crise

a) Le dépassement de la première crise

Il n’est pas possible de saisir la crise générale du capitalisme de manière statique, formelle, car elle forme tout un processus. Voilà pourquoi Karl Marx, dans Le capital, utilise à de nombreuses reprises l’expression ceteribus partibus lors de ses explications d’un aspect du capitalisme.

Cela signifie « toutes choses étant égales par ailleurs », comme si on se fondait sur une analyse de la chose « pure », isolément, abstraitement séparée, dans un cadre statique, ce qui n’est jamais réel mais est nécessaire pour les besoins de l’aperçu explicatif général.

Concrètement, la crise générale du capitalisme n’a pas un « point départ » ni un « arrêt ». Comme elle concerne tous les aspects de la vie (car elle est interne à un mode de production et non pas une « économie »), elle est une expression de tout un mouvement historique.

Et le mode de production capitaliste a réussi à s’arracher à sa première crise générale. La raison en est que les facteurs antagoniques n’ont pas joué à plein là où ils le devraient : l’échec des révolutions dans la partie orientale de l’Europe a notamment permis une stabilisation relative dans la partie occidentale, puis le fascisme et l’avancée vers la guerre ont fourni une dynamique suffisante pour tenir dans l’entre-deux guerre.

Après 1945, plusieurs facteurs déjà présents sont alors intervenus en acquérant une qualité nouvelle, repoussant au loin la crise générale en relançant les forces productives.

Le capitalisme américain déjà puissant et le capitalisme japonais en développement avaient été les maillons forts du capitalisme lors de la première crise générale.

C’est pour cette raison qu’après 1945 le capitalisme américain joua le rôle d’aiguillon historique et d’orientation systématique au capitalisme mondial, en profitant du capitalisme japonais ainsi que capitalisme allemand de l’Ouest du pays qui avait été très largement préservé des destructions.

Le capitalisme n’a ainsi pas dépassé sa première crise générale pour des raison extérieures, mais de manière interne car des facteurs secondaires sont devenus principaux, permettant une relance du capital, de la production, de la consommation.

Ces facteurs sont nés dans la crise, par la crise et sur le terrain de la crise, pour répondre à la crise, amenant un dépassement relatif de la crise pour toute une vaste période.

b) L’utilisation des animaux et la systématisation

Le capitalisme américain a historiquement pu profiter de l’absence d’obstacles économiques et culturels pour se développer pleinement, tout en étant constamment renforcée par une immigration apportant tant de la main d’œuvre que de nouvelles qualifications.

C’est le passage extrêmement rapide à une grande densité qui a permis au capitalisme américain de trouver de nouvelles voies, telles le travail à la chaîne organisée sur des assemblages, dont le modèle fut les abattoirs de Chicago, préfigurant les usines de Ford à Detroit. Il ne s’agit pas que du développement de l’organisation du travail, mais bien de la systématisation de l’appropriation capitaliste de tous les aspects possibles de la production et de la consommation.

L’écrivain français Paul Bourget constate déjà en 1893 :

« Je ne sais qui a dit plaisamment qu’un porc entrait à l’abattoir de Chicago pour en ressortir un quart d’heure après, jambon, saucisson, saucisse, pommade à la graisse et reliure de Bible.

C’est l’exagération humoristique, mais à peine chargée, du travail hâtif et minutieux que nous voyons s’accomplir sur les bêtes tuées tout à l’heure devant nous, et la distribution de ce travail, sa précision, sa simplicité, sa suite ininterrompue nous font oublier la férocité, utile mais intolérable, des scènes auxquelles nous avons assisté.

Dans l’immense salle, des comptoirs se succèdent, placés sans trop d’ordre à la suite les uns des autres. Chaque membre de l’animal est détaché et utilisé, sans qu’un tendon ou un os soit perdu. »

La croissance naturelle des animaux a été intégrée au capitalisme et ceux-ci modifiés génétiquement afin d’encore plus contribuer à l’extension et l’intensification de la production. Les animaux ont été employés de manière dantesque dans la production, principalement pour l’alimentation mais également dans toute une série d’autres domaines, absolument tout étant récupéré par la machinerie capitaliste œuvrant à se systématiser.

C’est ce processus qui amène la systématisation des farines raffinées, de McDonald’s et sa mécanique parfaitement rodée au point d’être le symbole du capitalisme américain, de Coca Cola, exemple même de l’utilisation massive du sucre comme moyen de former de nouveaux marchés en faussant tout le rapport naturel du métabolisme à l’alimentation, en aliénant le rapport naturel à celle-ci.

Le capitalisme façonne tout un chacun comme simple consommateur individuel dont les comportements et les attitudes doivent s’insérer dans une consommation capitaliste présente à tous les niveaux.

La chirurgie esthétique, le changement systématique de tout le dentier des stars hollywoodiennes, la « trans-sexualité », la Gestation Pour Autrui… chaque individu ne doit plus exister que par ses choix de consommation, dans tous les domaines, sans aucune limite autre que les possibilités techniques.

c) Le développement technique-technologique et l’encadrement

Le capitalisme a systématisé sa présence à tous les niveaux de la vie individuelle, en forçant sa pénétration dans tous les domaines possibles, et pour cela il a profité du développement technique et des avancées technologiques. Les calculateurs, l’automation, la robotisation, l’informatique… ont incroyablement facilité l’intensification capitaliste.

Moins le capitalisme a été capable de produire des savants, des théories, des conceptions, plus il a reposé son approche sur le calcul des possibilités, les statistiques obtenus de manière toujours plus massive.

Il a fallu, afin de mettre cela en place, non seulement former une vaste couche de cadres, ingénieurs et techniciens, mais également renforcer toujours davantage le réagencement de l’organisation capitaliste, au moyen d’une participation accrue des syndicats. La formation d’une aristocratie ouvrière extrêmement puissante a été un levier essentiel pour la modernisation capitaliste et la mobilisation passive des masses au sein des nouvelles formes productives.

Le formidable développement des réseaux de communication (courrier, colis, téléphone, télex, fax, internet, etc.) a été également un accélérateur de l’intensification et de l’extension du capitalisme à toujours plus de domaines.

Dans ce contexte, tout le mouvement ouvrier a, à partir des années 1950 et parallèlement au révisionnisme soviétique, basculé dans les pays capitalistes dans un soutien intérieur au capitalisme, alors que la classe ouvrière s’est retrouvée rivetée à la production en échange d’une progression matérielle individuelle avec un accès à la propriété.

L’immense consensus qui s’en est produit – la CGT et son bras politique le P«C»F étant en France le principal obstacle au mouvement de mai 1968 – a permis au capitalisme d’approfondir son expansion et de parvenir à de véritables rapports internationaux le servant.

d) Le division mondiale du travail

La décolonisation a été un puissant moteur pour le capitalisme. En effet, le modèle économique colonial était arriéré, alors que la mise en place d’États indépendants en apparence, mais semi-féodaux semi-coloniaux en réalité, permettaient leur intégration modernisée dans la division mondiale du travail.

La gestion directe par un capitalisme bureaucratique de monocultures tels l’huile de palme et le soja, aux croissances très fortes et à ce titre très utiles à l’intensification capitaliste, a été un vecteur immense de l’accumulation capitaliste à l’échelle mondiale. Mais cela est vrai en général pour toutes les matières premières, depuis le café jusqu’aux métaux rares, ainsi que pour la transformation de pays en ateliers géants, voire en usines géantes comme la Chine.

L’intégration de la Chine dans le dispositif capitaliste, à partir de la fin des années 1970, a ici apporté un immense développement au capitalisme mondial. Il a également été profité de l’intégration de l’ensemble des pays de l’Est européen alors que la superpuissance social-impérialiste soviétique s’était effondrée, permettant à la superpuissance américaine mais également à l’impérialisme allemand de grandement en profiter.

Le développement de l’Union européenne comme marché unifié est ici exemplaire également de toute une période de stabilité et de consensus, avec des crises ne marquant que des temps d’arrêt et n’empêchant pas une intensification capitaliste et une extension toujours plus grande de ses domaines.

5) La découverte de la modernisation du capitalisme

a) Une mise en perspective approfondie par le maoïsme

Chaque passage d’une étape à une autre exige un renversement dans tous les domaines. Il ne s’agit pas seulement de l’économie, mais de toutes les approches concernant la vie. Ce sont les communistes chinois, avec Mao Zedong à leur tête, qui ont saisi de manière bien plus approfondie cette question, à travers la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

En constatant le triomphe du révisionnisme en URSS à partir de 1953 et en saisissant les contradictions propres à une société socialiste, les communistes chinois ont saisi l’ampleur des questions idéologiques et culturelles qui sont en jeu dans le processus révolutionnaire.

En 1975, dans De la dictature intégrale sur la bourgeoisie, Zhang Chunqiao qui fut l’une des figures de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne explique que :

« Tout changement important du système de propriété au cours de l’histoire, tant lors de la substitution du système féodal à l’esclavagisme que pendant celle du capitalisme au féodalisme, a invariablement commencé par la prise du pouvoir, pour passer ensuite, en s’appuyant sur la force du pouvoir conquis, à la transformation sur une vaste échelle de la propriété, et à la consolidation et au développement du nouveau système de propriété (…)

Réfléchissons un peu, camarades.

Si, au lieu de comprendre les choses ainsi, on s’emploie, en théorie comme dans la pratique, à limiter, tronquer et altérer le marxisme, à faire de la dictature du prolétariat un mot creux, à mutiler la dictature intégrale sur la bourgeoisie, et que l’on exerce cette dictature dans certains domaines seulement, et non pas dans tous les domaines, à une certaine étape seulement (par exemple avant la transformation du système de propriété) et non pas à toutes les étapes ; autrement dit, si, au lieu de détruire totalement tous les « villages fortifiés » de la bourgeoisie, on en conserve quelques-uns et qu’on la laisse élargir à nouveau ses effectifs, n’est-ce pas préparer là des conditions à la restauration de la bourgeoisie et faire de la dictature du prolétariat un paravent de la bourgeoisie, notamment de la bourgeoisie nouvellement engendrée ? »

En comprenant de manière meilleure la question de la restauration, les communistes chinois indiquent en même temps les exigences du chemin révolutionnaire. L’ancien régime possède des « villages fortifiés » qui lui permettent de reprendre le dessus si son affaiblissement n’est pas poussé jusqu’au bout et concerne tous les domaines de la vie.

Cette manière de voir les choses en profondeur a permis de saisir davantage l’ensemble des aspects du capitalisme et leur interaction.

b) La fin de la première crise générale du capitalisme

La première crise générale du capitalisme a été considérée comme irrépressible par l’Internationale Communiste ; Lénine pensait que le processus de la révolution mondiale se déroulerait relativement rapidement. Il a ensuite été compris que le processus serait complexe et prolongé, que le déclin du capitalisme connaissait par endroits des contre-tendances.

L’irruption du fascisme comme mouvement conquérant le pouvoir dans toute une série de pays et la marche à la guerre impérialiste ont alors précipité les choses. La question était en 1945 de savoir quelle serait la substance de la situation.

Les communistes ont alors fait l’erreur de considérer que la situation n’était que le prolongement du passé et qu’un paupérisation générale se produisait. L’ensemble des analyses communistes produits après 1945 se fonde sur un capitalisme qui serait en train de s’effriter et dont il faudrait simplement accompagner un inévitable tassement jusqu’à l’effondrement.

Cette analyse totalement erronée, alors que se produisait une gigantesque vague d’accumulation capitaliste, a largement contribué à la désagrégation du Mouvement Communiste International alors que le révisionnisme s’infiltrait déjà, notamment à travers la thèse de « l’accompagnement » de la crise capitaliste, par des moyens pacifiques car le phénomène irait de lui-même.

c) La compréhension de la relance du capitalisme après 1945

Les communistes chinois ont repoussé l’ensemble des thèses révisionnistes, mais ils n’ont pas étudié la question de la crise générale du capitalisme. Cela a posé un énorme problème dans les pays impérialistes, car les avant-gardes ont alors cherché à expliquer la stabilité du capitalisme en reprenant la thèse révisionniste du « capitalisme monopoliste d’État » d’Eugen Varga.

L’État « socialiserait » les pertes et « organiserait » le capitalisme pour les monopoles. Accepter cette lecture du révisionnisme, c’était se mettre dans son orbite et disparaître, ou bien se précipiter dans un volontarisme relevant de l’idéalisme.

Heureusement, il y a eu des avant-gardes des pays impérialistes qui n’ont pas basculé dans cette réduction « marxiste-léniniste » du capitalisme à une « économie », car ayant réellement compris le sens profond de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. Des organisations comme la Fraction Armée Rouge en Allemagne de l’Ouest et à Berlin-Ouest et le Collectif Politique Métropolitain en Italie ont saisi le 24 heures du 24 du capitalisme. La Fraction Armée Rouge affirme avec justesse en 1972 :

« Le fait est que l’exploitation dans le domaine de la production a pris une forme jamais atteinte de charge physique, un degré jamais atteint de charge psychique, avec l’éparpillement plus avancé du travail s’est produite et développée une terrifiante augmentation de l’intensité du travail.

Le fait est qu’à partir de cela, la mise en place des huit heures de travail quotidiennes – le présupposé pour l’augmentation de l’intensité du travail – le système s’est rendu maître de l’ensemble du temps libre des gens.

À leur exploitation physique dans l’entreprise s’est ajoutée l’exploitation de leurs sentiments et de leurs pensées, de leurs souhaits et de leurs utopies – au despotisme des capitalistes dans l’entreprise s’est ajouté le despotisme des capitalistes dans tous les domaines de la vie, par la consommation de masse et les médias de masse.

Avec la mise en place de la journée de huit heures, les 24 heures journalières de la domination du système sur les travailleurs a commencé sa marche victorieuse – avec l’établissement d’une capacité d’achats de masse et la « pointe des revenus », le système a commencé sa marche victorieuse sur les plans, les besoins, les alternatives, la fantaisie, la spontanéité, bref : de tout l’être humain !

Le système a réussi à faire en sorte que dans les métropoles, les masses sont tellement plongées dans leur propre saleté, qu’elles semblent avoir dans une large mesure perdu le sentiment de leur situation comme exploitées et opprimées.

Cela, de telle manière qu’elles prennent en compte, acceptant cela tacitement, tout crime du système, pour la voiture, quelques fringues, une assurance-vie et un crédit immobilier, qu’elles ne peuvent pratiquement rien se représenter et souhaiter d’autre qu’une voiture, un voyage de vacances, une baignoire carrelée.

Il se conclut de cela cependant que le sujet révolutionnaire est quiconque se libère de ces encadrements et qui refuse de participer aux crimes du système.

Que quiconque trouve son identité dans la lutte de libération des peuples du tiers-monde, quiconque refuse de participer, quiconque ne participe plus, est un sujet révolutionnaire – un camarade. »

Si la Fraction Armée Rouge a surestimé cette dimension du rupture, il n’en reste pas moins qu’il y a une part indéniable de vérité quant à la neutralisation des pays impérialiste alors que l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie devenaient la « zone des tempêtes ».

C’est pourquoi le concept de « poids croissant de la subjectivité dans les métropoles impérialiste » fut forgé en Italie afin d’avoir un aperçu correct de cette question du 24 heures sur 24 du capitalisme.

d) La découverte de la systématisation du capitalisme

C’est sur le terrain de l’opposition au 24 heures sur 24 du capitalisme que se sont développés, entre 1945 et 2020, les mouvements révolutionnaires authentiques dans les métropoles impérialistes. Ils ne sont pas partis du fait que le capitalisme moderne amènerait moins d’exploitation, mais au contraire qu’il l’approfondirait d’une manière intense, au point d’amener une aliénation générale.

Ils ont, en pratique, compris que plus le capitalisme se développe, plus il écrase, appauvrit, abrutit les masses, par encore plus d’exploitation physique et psychique, encore plus de dégradation morale. Karl Marx, dans Le capital, souligne de la manière suivante ce rapport dialectique entre le développement du capitalisme et l’écrasement des prolétaires sur le plan humain :

« Mais toutes les méthodes qui aident à la production de la plus-value favorisent également l’accumulation, et toute extension de celle-ci appelle à son tour celles-là.

Il en résulte que, quel que soit le taux des salaires, haut ou bas, la condition du travailleur doit empirer à mesure que le capital s’accumule.

Enfin la loi, qui toujours équilibre le progrès de l’accumulation et celui de la surpopulation relative, rive le travailleur au capital plus solidement que les coins de Vulcain ne rivaient Prométhée à son rocher.

C’est cette loi qui établit une corrélation fatale entre l’accumulation du capital et l’accumulation de la misère, de telle sorte qu’accumulation de richesse à un pôle, c’est égale accumulation de pauvreté, de souffrance, d’ignorance, d’abrutissement, de dégradation morale, d’esclavage, au pôle opposé, du côté de la classe qui produit le capital même. »

C’est ainsi sur le terrain de la rébellion au 24 heures sur 24 du capitalisme, son exploitation, son aliénation, que s’est formée la résistance allant historiquement dans le sens de l’affirmation communiste. Ce processus a été différent selon les situations historiques.

Le Front de Libération Animale s’est formée comme vague populaire en Grande-Bretagne, pays où la problématique animale était apparue en premier au XIXe siècle, au moment de la cynique généralisation industrielle de l’emploi des animaux dans l’industrie alimentaire, les cosmétiques et pour les tests en général.

Les États-Unis, pays de grands espaces, ont connu un vaste mouvement d’écodéfense, comme avec le Front de Libération de la Terre ; en Belgique, c’est dans l’opposition aux initiatives impérialistes dans le cadre de l’OTAN et à l’intégration du prolétariat qu’est apparue la contestation réelle du capitalisme.

L’Italie a connu le basculement de secteurs du prolétariat dans l’autonomie prolétaire afin de remplacer l’État réactionnaire par le pouvoir concret des masses comme nouvel État ; en Allemagne, bastion capitaliste, il y a eu la centaine de logements occupés à Berlin-Ouest puis dans le Berlin réunifié avec les autonomes, dans une critique de la vie quotidienne allant jusqu’à la confrontation avec les initiatives impérialistes.

Les années 1980, apogée de la rébellion dans les pays impérialistes, ont été marqué par l’espoir de former un front de toutes les dynamiques de rupture avec le mode de vie impérialiste.

Cependant, l’effondrement du social-impérialisme soviétique et l’intégration de la Chine dans le circuit capitaliste mondial ont totalement anéanti les fondements mêmes de la démarche, en raison d’un capitalisme sorti renforcé et élargi, profitant également de progrès techniques et technologiques.

6) La seconde crise générale du capitalisme

a) Le covid-19 comme expression d’une crise d’expansion

L’intégration de la Chine comme atelier, puis usine majeure du monde, a permis un très grand élan du capitalisme, la crise du covid-19 étant son expression directe. Le PCF(mlm), dans son document de mars 2020 au sujet de cette question, pose que :

« L’irruption d’une souche de coronavirus particulière, jamais encore identifiée chez l’être humain, ne doit rien au hasard.

C’est un produit – entièrement nouveau, un saut qualitatif du virus – de la collision entre les villes et les campagnes provoquée par le mode de production capitaliste (MPC).

Ces villes et ces campagnes sont, qui plus est, elles-mêmes largement façonnées par le MPC, ce qui est vrai du mode de vie de l’humanité en général.

Et tout cela se déroule de manière planétaire. Il ne faut donc pas penser que la crise sanitaire vienne de l’extérieur de l’humanité, de l’extérieur du MPC, bien au contraire.

Elle naît de l’intérieur même du MPC et du monde qu’il a formé à son image. Un monde qui n’est nullement fini, ferme, stable, permanent… et qui s’effondre sous les coups de boutoir de ce qui est nouveau, exponentiel, en rupture (…).

La maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) est directement issue du développement du MPC en Chine, développement monopoliste et bureaucratique, avec des métropoles établies en peu de temps et engloutissant tout leur entourage (…).

Ces sauts entre espèces de virus, qu’on ne trouve pas en situation naturelle, deviennent récurrents en raison de la situation imposée par le MPC.

Tout le monde a pour cette raison entendu parler du VIH, d’Ebola, des grippes aviaires, des grippes porcines. La grippe dite espagnole, qui a tué entre 20 et 100 millions de personnes en 1918, est de ce type également ; provenant d’un élevage d’animaux aux États-Unis, elle reflète le début de la généralisation du rapport dénaturé à la vie.

Le MPC produit, par son action (et son inaction), des phénomènes destructeurs, naissant de la contradiction entre lui et la vie sur Terre.

Rien de tout cela n’est cependant saisissable par le MPC, qui ne cerne la réalité qu’au moyen de statistiques, du « big data », de l’évaluation quantitative de données. 

Le principe du développement qualitatif est étranger au MPC. »

Le capitalisme a connu une expansion telle qu’il s’attaque désormais directement à la dimension biologique et provoque des situations nouvelles, explosives, montrant que la limite a été franchie et que désormais la tendance est unilatéralement à la destruction.

b) La décadence complète des valeurs dominantes

Le capitalisme lessive en général toutes les consciences ; la Fraction Armée Rouge constatait déjà en 1982 que :

« L’impérialisme ne dispose plus d’aucune perspective productive, positive; il n’est plus que destruction. C’est là l’essentiel de l’expérience où s’enracine la nouvelle militance dans tous les domaines de la vie.

Cette expérience est vécue de façon matérielle dans la base économique de la vie, dans l’armement et la préparation de la guerre nucléaire, dans celle des conditions de vie naturelles et sociales, et à l’intérieur de l’individu lui-même, où l’aliénation et l’oppression s’expriment par une déformation massive et la destruction de toute la richesse individuelle de la pensée, de la sensibilité, de la structure de la personnalité. La plupart en perdent tout espoir.

L’impérialisme dans les centres a perfectionné et systématisé sa domination au point qu’ils ne trouvent plus la force de résister.

Taux de suicides en forte augmentation, fuite dans la maladie, l’alcool, les tranquillisants, les drogues, voilà la réaction à la réalité d’une longue histoire d’échecs, d’épreuves et de souffrances, de dépolitisation, alors que la violence extérieure n’est plus perçue comme la cause de tout cela. »

C’est encore plus vrai dans la séquence commencée en 1989, qui a de plus profité de l’effondrement littéral de toutes les résistances s’étant affirmé dans les années 1980.

Les années 1990-2010 ont été une traversée du désert pour les avant-gardes communistes des pays impérialistes, et même dans les pays semi-féodaux semi-coloniaux qui ont été entraîné dans le développement capitaliste.

La révolte durant cette période a été façonnée par le capitalisme comme révolte contre soi-même : au lieu de changer le monde, on change d’identité, de « sexe », de communauté, on tombe dans le sado-masochisme, les drogues, l’alcool, etc.

Le choix par une consommation « différente » est esthétisée en moyen de devenir soi-même, alors qu’en réalité dans le capitalisme les consciences sont aliénés et les personnalités déformées.

Le capitalisme a réussi à former un gigantesque marché aux idées où le nationalisme répond au communautarisme, l’idéologie LGBT au traditionalisme, l’antispécisme au repli localiste, la religion à l’hédonisme, l’esprit mafieux à la démarche de l’entrepreneuriat capitaliste dans le secteur informatique, le hardcore gamer entièrement tourné vers les jeux vidéos à l’utilisateur de réseau sociaux fascinés par le luxe dans la mode, etc.

Ces idéalismes n’existent que sur le terreau de l’aliénation et de la neutralisation du tissu prolétarien permettant la lutte des classes.

C’est la raison pour laquelle ils imprègnent toujours plus la société et dissolvent même les anciens conservatisme, afin de former autant de « villages fortifiés » capitalistes.

c) L’affrontement entre les deux superpuissances américaine et chinoise

Les années 1980 ont été des années de tension extrême, où le risque de guerre impérialiste, sur le territoire de l’Europe de l’Ouest, a été majeure. C’est de là que partait toute conception révolutionnaire authentique. L’effondrement du social-impérialisme soviétique a permis au capitalisme de faire croire qu’il formait désormais une utopie consumériste, mais la tendance à la guerre n’en est que revenue plus forte.

La crise générale du capitalisme s’exprime également par la formation de deux protagonistes en opposition frontale pour l’hégémonie mondiale, en l’occurrence la superpuissance impérialiste américaine dominante et l’outsider qu’est la Chine mettant en place sa dimension de superpuissance.

La crise du covid-19 est issue de la montée en puissance de la Chine vers le statut de superpuissance et des immenses destructions que cela a exigé dans l’environnement et dans le mode de vie. C’est une marche forcée d’autant plus importante que la Chine a grandi précisément dans la relance du capitalisme après 1989 et qu’elle en est une composante essentielle.

L’affrontement entre les deux superpuissances n’est ainsi pas un arrière-plan contextuel, mais bien une composante de la crise générale du capitalisme. Dans tous les domaines, le capitalisme amène l’improductivité ou bien les conflits destructeurs.

d) Paralysie économique et implosion de la société

Le covid-19 a impliqué une paralysie de l’économie en raison du confinement, montrant que la croissance chaotique capitaliste était rentrée en contradiction avec la vie elle-même. En démantelant les réalités naturelles, que ce soit avec les immenses fermes industrielles, la négation des sexes au nom des « genres », le culte des apparences virtuelles, la malbouffe, etc., le capitalisme a soulevé une pierre qu’il a fait retomber sur ses pieds.

L’expansion a été telle que désormais, la surproduction de capital et la surproduction de marchandises sont à l’ordre du jour, alors que d’immenses monopoles sont présents sur la planète. Ceux qui décident toujours plus des orientations, ce sont Nestlé, Danone, VISA, Amazon, Microsoft, LVMH, Berkshire Hathaway, Johnson & Johnson, JPMorgan Chase, Coca Cola, McDonald’s, AT&T, Walmart, Toyota, Siemens, etc.

Le capitalisme voit son élan cassé et son consensus se briser dans ses maillons faibles, aboutissant à une implosion de la société. Ce processus n’a pas été « causé » par la crise du covid-19, il s’agit d’un mouvement général, avec une marée montante de la seconde crise générale du capitalisme.

La société relevant du mode de production capitaliste n’existe que comme fuite en avant, avec des individus isolés portant des projets utiles à l’expansion du capital. Lorsque la machine se grippe, le capitalisme devient comme un pantin désarticulé. Son déclin s’exprime à tous les niveaux et ce déclin correspond, dans les faits, à l’affirmation de la proposition stratégique communiste, au remplacement de l’ancien par le nouveau.

7) La révolution mondiale comme réponse

a) Le mouvement dialectique crise – révolution

Le processus révolutionnaire n’existe pas indépendamment du mode de production ; il est le miroir de son déclin. Il n’y a pas de sens non plus à séparer les conditions objectives des conditions subjectives, car les deux sont liées : s’il y a les conditions objectives mais pas les conditions subjectives, c’est que la lutte des classes n’est pas arrivé encore à ébranler et démanteler les « villages fortifiés » capitalistes, que ceux-ci restent des cibles.

Ce qu’on appelle « guerre populaire », c’est le processus de conquête du pouvoir par la classe ouvrière et ses alliés, sous la direction de la classe ouvrière, qui correspond au déclin des forces capitalistes ayant le pouvoir entre leurs mains.

Il ne peut pas y avoir de révolution qui soit séparée de la crise, car la crise est la révolution et inversement. La crise contient elle-même des étapes et ces étapes sont elles-mêmes celles de la révolution.

Le Parti Communiste du Pérou, en 1988, souligne bien que la révolution démocratique se déroule par rapport à la « crise générale du capitalisme bureaucratique » et que ses modalités sont déterminantes dans le processus.

La guerre populaire est la réponse au fait que le capitalisme, au Pérou, est rentré dans un cul-de-sac : sa crise générale est la guerre populaire et inversement.

« L’État, dirigé par la bourgeoisie bureaucratique, devient donc le moteur de l’économie, mais c’est durant ce moment de l’histoire que l’économie entre dans une grave crise. Et le troisième moment, qui s’ouvre à partir de 1980 et qui se poursuit est celui du début de la crise généralisée du capitalisme bureaucratique et de sa destruction finale ; ce moment s’amorce avec la guerre populaire.

Ce capitalisme qui est né, malade, en état critique, pourri, lié à la féodalité et soumis à l’impérialisme, entre en une crise générale en ce troisième moment et court à sa destruction sans que rient ne puisse le sauver (…).

Le troisième moment est marqué par le début de la guerre populaire, sous la direction du PCP , jalon transcendant de l’histoire et qui la change radicalement par le bond qualitatif supérieur que représente la prise du Pouvoir au moyen de la force armée et de la guerre populaire.

Tout cela prouve l’aspect politique du capitalisme bureaucratique, qui apparaît à peine, et que le Président Gonzalo considère comme un aspect clé, car le capitalisme bureaucratique fait mûrir les conditions pour la révolution et, aujourd’hui, quant il entre dans son étape finale, il fait mûrir les conditions pour le développement et le triomphe de la révolution. »

Ce qui est vrai pour le capitalisme bureaucratique dans les pays semi-féodaux semi-coloniaux est valable pour les pays impérialistes, avec le capitalisme monopoliste. Leur nature parasitaire correspond au tassement du capitalisme, à l’arrivée à sa limite. Chaque pays connaît sa propre expression de la crise, le capitalisme ayant un parcours déterminé dans un cadre national.

b) La crise d’envergure nationale

La crise générale du capitalisme implique la mobilisation toujours plus grande des secteurs de la société, dans une situation donnée, formée dans un cadre national déterminé. Le fascisme vise justement à détourner les masses mobilisées par la crise pour les orienter vers l’option réactionnaire.

Lénine, dans La maladie infantile du communisme (le « gauchisme »), précise de la manière suivante comment la crise et la révolution sont étroitement liés comme pôle d’une contradiction dans un pays :

« La loi fondamentale de la révolution, confirmée par toutes les révolutions et notamment par les trois révolutions russes du XX° siècle, la voici : pour que la révolution ait lieu, il ne suffit pas que les masses exploitées et opprimées prennent conscience de l’impossibilité de vivre comme autrefois et réclament des changements. Pour que la révolution ait lieu, il faut que les exploiteurs ne puissent pas vivre et gouverner comme autrefois.

C’est seulement lorsque « ceux d’en bas » ne veulent plus et que « ceux d’en haut » ne peuvent plus continuer de vivre à l’ancienne manière, c’est alors seulement que la révolution peut triompher. Cette vérité s’exprime autrement en ces termes: la révolution est impossible sans une crise nationale (affectant exploités et exploiteurs).

Ainsi donc, pour qu’une révolution ait lieu, il faut: premièrement, obtenir que la majorité des ouvriers (ou, en tout cas, la majorité des ouvriers conscients, réfléchis, politiquement actifs) ait compris parfaitement la nécessité de la révolution et soit prête à mourir pour elle ; il faut ensuite que les classes dirigeantes traversent une crise gouvernementale qui entraîne dans la vie politique jusqu’aux masses les plus retardataires (l’indice de toute révolution véritable est une rapide élévation au décuple, ou même au centuple, du nombre des hommes aptes à la lutte politique, parmi la masse laborieuse et opprimée, jusque-là apathique), qui affaiblit le gouvernement et rend possible pour les révolutionnaires son prompt renversement. »

c) Le programme et la formation d’un nouvel État

La question du pouvoir d’État est central dans la dialectique crise – révolution ; elle en est la substance. Le remplacement d’une classe dominante par une autre, afin d’assurer la direction de la société et de l’orienter vers le positif et non le négatif, est une exigence historique.

La démocratie populaire, comme alliance anti-monopoliste, est la clef pour faire face au capitalisme en déclin, dominé par les monopoles et allant à la guerre. La démocratie populaire aboutit, de manière ininterrompue, au socialisme, car elle s’aligne déjà sur la résolution révolutionnaire des contradictions villes / campagnes et travail manuel / travail intellectuel.

Telle est le noyau de l’orientation du programme révolutionnaire, et cela quelle que soit la composition concrète de celui-ci réalisé dans le parcours concret, qui est spécifique à chaque pays de par les conditions particulières du capitalisme.

Les Brigades Rouges, dans leurs Vingt thèses finales en 1980, affirment la chose suivante quant aux points nodaux de la séquence révolutionnaire :

« Sans un Programme de Transition au Communisme, qui explique les objectifs sociaux de la guerre, il n’est pas possible de localiser toutes les composantes prolétariennes qui y sont objectivement intéressés.

Ce programme, d’autre part, ne naît pas de rien, mais de dix années de luttes prolétariennes, de critique pratique et radicale de l’usine et de la formation sociale capitaliste, il dispose de grandes lignes qui ont été esquissées dans son contenu essentiel, que nous pouvons résumer ainsi :

– réduction du temps de travail : travailler tous, travailler moins ; libération massive du temps social et construction des conditions sociales pour son utilisation évoluée ;

– recomposition du travail manuel et du travail intellectuel, de l’étude et du travail, pour chaque individu et pour tout son temps de vie ;

– renversement de l’exercice du pouvoir et des flux de conception de la finalité collective, à tous les niveaux de la vie sociale :

– restructuration de la production, du rapport homme-nature, sur la base des valeurs d’usage collectivement définis et historiquement possibles ;

– remise à plat de notre formation sociale suivant les principes d’un internationalisme prolétarien effectif. »

d) Le Parti, avant-garde du système de pouvoir populaire

Dans le parcours de la crise générale du capitalisme, il y a un détachement, pas à pas, de différents secteurs populaires, strate par strate, par rapport au consensus capitaliste. L’avant-garde, Parti de la classe ouvrière, permet l’articulation de ces détachements, faisant du démantèlement du consensus dans la crise l’affirmation de la proposition stratégique communiste.

La difficulté est de parvenir à conjuguer politiquement les expériences différentes faites dans l’antagonisme grandissant avec le capitalisme en phase de déclin. De son côté, la bourgeoisie cherche inlassablement à restructurer, afin de relancer le processus capitaliste, toujours aux dépens de la classe ouvrière, et avec la guerre impérialiste comme seule perspective.

L’avant-garde œuvre donc à la sédimentation des acquis de la lutte des classes, pour avancer dans les étapes de destruction du vieil État et de construction du nouveau. La contre-révolution cherche à protéger ce qui doit être détruit et à démanteler ce qui a été formé. Cet affrontement entre révolution et contre-révolution se fait en spirale ; le parcours révolutionnaire, de dépassement de la crise générale, n’est pas linéaire.

Seul un haut niveau de maîtrise du matérialisme dialectique permet la saisie des différents moments, des différentes phases et étapes de concrétisation de la crise générale du capitalisme, et sans cette saisie, aucune orientation n’est possible pour calibrer les termes de l’initiative politique.

Comme l’a formulé Mao Zedong :

« Sans contraste, pas de différenciation.

Sans différenciation et sans lutte, pas de développement. »

La crise générale permet l’affirmation pleine et entière, dans un mouvement en spirale, de la contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie ; la guerre populaire est le dépassement de la crise générale par le renversement des classes dominantes et la constitution du nouvel État : l’océan des masses en armes.