Rote Zora : Chaque coeur, une bombe à retardement (1981)

paru dans le numéro 6 de Revolutionäre Zorn (Colère révolutionnaire), janvier 1981.

De tous temps les femmes ont combattu dans des groupes armés, cependant la plupart du temps on a dissimulé leur participation à cette lutte.

Mais les temps changent et, depuis, la participation des femmes à la guérilla est devenue si importante que ce mécanisme ne fonctionne plus.

De même on a dépassé la traditionnelle répartition du travail : les femmes prenant en charge les tâches relevant de l’infrastructure et les hommes faisant les actions. 

Il existe des groupes de femmes subversifs, comme « Die rote Zora » [ Zora la rouge/la rousse ], certes encore en petit nombre mais cela aussi va changer !

Nous voulons non seulement faire nos propres actions, même si ce n’est pas facile, mais nous voulons aussi exposer notre manière de voir les rapports figés dans lesquels nous vivons. 

Avant tout nous voulons mettre au clair les deux points suivants : 

Tout d’abord penchons nous sur la manière dont fonctionne le mécanisme impérialiste de l’oppression des femmes ici et dans les pays du tiers monde. 

Nous avons dû constater à propos de cette question que les analyses de l’impérialisme se limitent la plupart du temps à une étude des structures de pouvoir politiques, économiques et militaires et négligent les stratégies de l’impérialisme à l’encontre des femmes ici et dans le tiers monde.

Mais il ne nous suffit pas de dire qu’en analysant l’impérialisme on aboutit à définir la cible de l’otan et qu’en attaquant l’otan, nous les femmes, donnerions à notre lutte féministe sa direction révolutionnaire.

Car selon ce point de vue, la lutte de libération consisterait à nouveau à attaquer seulement les structures de pouvoir centrales de l’impérialisme en mettant entre parenthèses les rapports de violence quotidiens, dans lesquels nous faisons l’expérience de la destruction, de l’oppression et de l’exploitation.

Pour nous, c’est aussi une part de liberté gagnée, un sentiment de vie et de force, que de mettre un peu le feu au cul à un connard de propriétaire ou à son homme de main, à la mafia atomique, etc … Le seul problème c’est que nous voulons plus que ce que nous pouvons faire pratiquement pour l’instant. 

Mais cela aussi va changer ! 

De plus, les actions contre la violence quotidienne sont maintenant déjà compréhensibles, peut être pas par la majorité mais par tou(te)s ceux/celles qui ne se sont pas fait voler leur cerveau.

C’est plus difficile pour les attaques contre les structures de pouvoir centrales et étatiques car elles doivent être planifiées et réfléchies de manière très précise afin que le sens politique en soit clair. En principe, nous pensons qu’il n’y a pas de cible qui puisse faire basculer l’Etat. 

La chance de réussite d’un mouvement révolutionnaire réside bien plus dans l’attaque de toutes les conditions de vie générées par l’Etat. L’attaque des institutions centrales et étatiques n’est qu’une partie de cela. 

Il est aussi illusoire – et même dogmatique –  de mettre toutes ses aspirations révolutionnaires dans une seule action, une cible unique. C’est bien plus l’organisation d’une continuité dans les groupes armés qui ouvre une perspective d’espoir et de victoire.

Un autre point auquel nous avons réfléchi est le mouvement féministe. Nous voulons comprendre pourquoi le mouvement féministe a perdu sa force explosive révolutionnaire et a pris le chemin d’une « nouvelle intériorité » [ou repli sur la sphère du personnel]. 

Il n’y a pas qu’une lutte féministe pure, mais plusieurs formes de luttes de femmes et à l’intérieur de chacune il y a toujours plusieurs éléments en mouvement : les rapports de sexe, les rapports de classe, la nationalité, la situation concrète. 

Même si aujourd’hui c’est tombé dans l’oubli, la conception du racisme aux Etats-Unis a aidé le mouvement féministe à identifier sa propre oppression en tant que sexisme. 

Stokely Carmichael a parlé une fois de l’importance de la définition. Pour ce faire il a cité « Alice au pays des merveilles ». Dans ce livre, il y a une discussion entre Humpty Dumpty et Alice à propos des définitions. Humpty Dumpty dit, de manière un peu méprisante : « Quand j’emploie un mot, il a exactement la signification que je lui donne. 

Ni plus, ni moins », Alice lui répond « La question est de savoir si tu peux donner aux mots une signification pour tant de choses différentes ». « La question », finit Humpty Dumpty, « est de savoir qui sera le maître. C’est tout ». 

C’est effectivement la question cruciale : qui sera le maître ? Le fait même qu’il semble impossible de dire « qui sera la maîtresse », montre que c’étaient les hommes (maîtres) blancs qui donnaient leur signification aux humain(e)s et aux choses. Et il en est toujours ainsi.

Ainsi l’histoire de l’Europe et de l’Amérique est-elle écrite par des hommes blancs qui ont défini ce que sont les personnes de couleur et les femmes de ce monde. 

La signification qu’ils donnèrent aux femmes comme aux personnes de couleur, fut celle « d’êtres naturels incultes » et c’est ainsi qu’on légitima la domination des hommes blancs : les femmes et les personnes de couleur doivent être « civilisées », ce qui ne veut rien dire d’autre que la destruction de toute forme de conscience autonome, qui s’exprime par exemple dans une histoire et une culture propres.

Et quand les femmes ou les personnes de couleur ne voulurent pas accepter les « bénédictions » de la culture masculine occidentale, lorsqu’elles s’y opposèrent, elles furent impitoyablement massacrées.

Ce fut par exemple le cas pour les femmes en Europe au temps de la persécution des sorcières et pour les Indien(ne)s aujourd’hui encore en Amérique Latine.

La reconnaissance du racisme et du sexisme comme partie intégrante du système de domination patriarcal relève encore du voeu pieux et le sexisme reste à peine évoqué comme moyen d’oppression et de division dans les analyses courantes de l’impérialisme. 

Si maintenant nous écrivons sur le sexisme en général et sur la division spécifiquement sexuée du travail, ce n’est pas seulement pour prendre la parole en tant que femmes, mais aussi parce que nous sommes convaincues que, sans l’étude concrète du sexisme, on ne peut comprendre ni la situation dans le tiers monde et dans les métropoles, ni le mouvement féministe.

L’oppression des femmes est antérieure au capitalisme, ce n’est pas nouveau. Une des raisons en est que la capacité des femmes à avoir des enfants fut et reste considérée comme une de leur fonction psychologique et naturelle. 

Avoir des enfants ou pas, n’est pas compris comme un acte conscient, comme une interaction avec la nature, mais comme étant la nature elle même. 

Seules les activités intellectuelles ou manuelles sont vues comme une confrontation avec la nature, comme travail, mais pas celles de la poitrine ou de l’utérus de la femme. 

La théorie marxiste n’a pas non plus dépassé cette conception du travail, selon laquelle on traite la nature biologique de la femme comme une ressource naturelle. 

Selon les besoins économiques, elle est diversement exploitée. Dans le tiers monde, les femmes sont stérilisées de force, dans les métropoles on leur promet de les aider matériellement pour les inciter à faire des enfants et on qualifie l’avortement de meurtre de masse. 

Au facteur économique de l’exploitation de la capacité d’enfanter des femmes vient s’ajouter le facteur raciste. Les craintes et les plaintes poussées dans les médias sur la baisse de la natalité et sur le risque de disparition du « peuple allemand » montrent clairement de quoi il s’agit : seules les « femmes allemandes » doivent faire des enfants, on recommande, voire on ordonne, aux femmes de Turquie, d’Espagne, de Grèce etc… d’utiliser des contraceptifs ou de se faire stériliser. 

Mais cela ne suffit encore pas aux maîtres et dominants : les recherches dans le domaine des bébés éprouvettes et de la manipulation génétique montrent clairement la volonté et la tentative d’arracher définitivement aux femmes le fait de disposer seules de leur capacité à faire des enfants. 

La relation non réciproque et d’exploitation de la nature, dans le cadre de laquelle d’abord les femmes puis d’autres classes et peuples furent ramené(e)s à l’état de nature, est la caractéristique de toutes les formes de production masculines, y compris le capitalisme. Cette relation à la nature, fondée sur l’exploitation, nous a amené(e)s aujourd’hui au bord de la catastrophe écologique. 

C’est sur ces bases que s’est développée la division sexuée et raciste du travail qui a fixé des rapports de production dans lesquels planter de la canne à sucre ou du riz ne sont pas un travail de blancs et les tâches ménagères pas un travail pour les hommes ; et quand les femmes et les enfants se font frapper, ce n’est pas de la violence.

Mais cette division du travail n’est pas un phénomène superstructurel, elle ne se fonde pas sur des représentations ou des pensés fausses qu’il suffirait de reconnaître pour les changer, elle est le fondement économique de la surexploitation par le capitalisme. 

Dans toutes les analyses sérieuses de l’impérialisme nous avons lu que dans le tiers monde coexistent des formes de production archaïques précapitalistes et d’autres, hautement monopolistiques. En observant l’évolution concrète, on a découvert qu’une évolution capitaliste constante ne faisait pas disparaître ces formes de production « archaïques ». 

C’est exactement le contraire qui s’est produit : elles se sont et continuent de se reproduire sans cesse. Un fait marquant est que ce problème d’hétérogénéité de formes de production n’a pratiquement été étudié que pour le tiers monde. Dans les métropoles, des formes de production homogènes sont communément admises.

« Vu sous un autre angle, il est étonnant que la question de l’hétérogénéité ne se pose pas pour le premier monde. Ici ne semblent régner que des rapports de production homogènes. 

Cette affirmation n’est pas seulement eurocentrée et à la gloire du capitalisme … elle est aussi sexiste parce qu’elle dissimule-et- même nie le fait que chez nous aussi une force de travail est surexploitée, rétribuée en dessous de ses coûts de reproduction et même que la moitié de l’ensemble des heures de travail accomplies, à savoir les tâches ménagères, n’est pas rétribué. » (C. von Werlhoff) 

Ici on explique déjà qui sont les producteurs/trices non capitalistes, qui produisent des marchandises sans salaire en retour :
– ce sont les femmes au foyer du monde entier,
– les paysans de subsistance du tiers monde,
– les personnes, hommes ou femmes, marginalisé(e)s, essentiellement dans le tiers monde

Ce sont eux/elles qui réalisent la plus value. Comme l’écrit Rosa Luxemburg, c le fait déterminant est que la plus value ne peut être réalisée ni par les travailleurs, ni par les capitalistes, mais par les couches sociales qui produisent de manière non capitaliste ». 

Il est devenu clair pour nous que le sexisme et le racisme ne sont pas une fausse représentation et un fait de l’esprit, qu’il serait possible de changer par l’éducation et la bonne volonté. 

Ce sont les rapports économiques qui produisent et reproduisent sans cesse sexisme et racisme. Ils sont tout simplement indispensables pour que l’impérialisme puisse fonctionner. 

Cela n’est pas contradictoire avec le fait que, d’autre part, ils puissent également être utilisés comme instrument politique pour diviser les opprimé(e)s.

L’impérialisme est le stade du capitalisme où la rationalité de la forme de production capitaliste – qui consiste à avoir besoin de gens pour pouvoir exploiter leur force de travail -n’est plus valable que pour quelques unEs dans le tiers monde. 

Là bas, la majorité des êtres sont presséEs comme des citrons, sans égards, ni pour leur santé, ni pour leur espérance de vie. Et quand ils/elles sont trop nombreux (ses), la stratégie est celle de l’anéantissement. La barbarie n’est pas une vue de l’esprit. Nous en sommes déjà à ce stade.

Dans les métropoles, les rapports de violence sont plus dissimulés. Ici, c’est encore la violence de la contrainte économique du capitalisme qui reste déterminante et s’est implantée dans la tête des gens. 

Mais la violence et la contrainte d’Etat directes et physiques exercées par ses organes de répression se font de plus en plus importantes lors des conflits sociaux qui se dessinent. De manière générale, on peut constater que le développement du capitalisme n’a pas conduit, même dans les métropoles, au remplacement de formes de violences directes par d’autres, mais a tout simplement aboutit à une hausse de la violence. 

Les femmes sont exposées à tous les ni’veaux de violence, à la forme indirectement et structurellement violente de ce système social qui fige et rigidifie toute forme de vie, comme au rapport de violence brutal, direct et personnel avec les hommes. Au cours des dernières années, on a assisté à l’augmentation des délits violents contre les femmes dans les pays où l’égalité des droits est reconnue de manière formelle et juridique. 

L’usage ouvert de la violence de la part des hommes à l’encontre des femmes a été rendu public dans toute son ampleur grâce au travail des maisons des femmes et des numéros d’appels d’urgence. Les femmes font l’expérience de la violence de manière quotidienne, sous des formes différentes et à des degrés divers. 

Elles se font humilier, rabaisser, frapper, violer. En RFA, une femme est violée toutes les 15 minutes ! 50 % des femmes sont violées par des hommes qu’elles connaissent. 

Chaque année, en RFA, 4 millions de femmes sont maltraitées par leurs maris ! 

Les facteurs déterminants des structures de violence sont les maltraitances de femmes à l’intérieur de la famille, le viol, la menace de viol et l’esthétisation de la violence contre les femmes dans les médias, la publicité et l’industrie de la culture. 

La compréhension de la violence contre les femmes comme étant, non pas une exception, mais un principe général de la domination des hommes, a permis de reconnaître que la lutte contre la violence sexiste expérimentée personnellement est indissociable de la lutte contre chaque violence du système. 

L’augmentation des actes de violence physiques peut être constatée de manière générale dans la société, de même que la perte de sens de la vie et l’anonymat des rapports, et le rôle social des femmes en font les vie, times désignées.

Le fait que la police et la justice couvrent cette violence montre clairement l’imbrication de ces rapports de violence homme/femme, au delà du mariage et de la famille, dans le système de défense de la domination patriarcale. En même temps, la hausse de la violence souligne l’instabilité même du système. 

La contradiction entre l’exigence d’égalité totale des femmes et la nécessité de leur oppression tangible pour le maintien de la domination reste pour ce système une contradiction sans solution.

Les femmes vivent « en exil » car les institutions qui structurent la société, comme le système gouvernemental, l’économie, la science, la culture, les médias, l’église, la police et l’armée sont régies et marquées par les hommes. 

Elles sont déterminées par le principe de la hiérarchie, du pouvoir et de la lutte pour le pouvoir. Par conséquent, les hommes aussi sont concernés par la domination, la violence et l’oppression. 

Ils doivent se soumettre à ces principes pour maintenir la prédominance du -masculin et du maître. Mais notre oppression va au delà de ça, les femmes dans une société patriarcale sont opprimées sans cesse et partout, et sont confrontées à la violence ouverte ou cachée. 

Les femmes ont tendance à éviter autant que possible une confrontation ouverte avec le pouvoir, elles restent en exil, c’est une technique de survie, mais aussi une attitude de victime. Cette attitude conduit à se soustraire à sa responsabilité face aux rapports sociaux et ainsi à en devenir complices. 

Ainsi, le fait que les femmes font l’expérience de la violence n’excuse en rien le fait qu’elles reportent cette violence sur leurs enfants.

L’intériorisation du fait d’être femme, une des formes les plus efficaces pour maintenir la domination, passe par des formes subtiles qui consistent à empêcher la prise de conscience de soi par l’éducation, la morale, l’amour, qui posent des normes et imposent l’adaptation (la normalisation).

Le pouvoir est exercé de manière d’autant plus sûre qu’elle est discrète, si bien que les femmes assument, supportent et même s’identifient à leur fonction sociale sans que la violence ne soit employée de manière manifeste. C’est pourquoi la situation des femmes mène plutôt à un devoir d’identité, à l’autodestruction qu’à la lutte contre sa propre oppression. 

Le mouvement féministe fit de la situation personnelle d’oppression de la femme le point de départ de sa pratique politique. La séparation entre le privé et le politique put être supprimée. 

Le personnel était politique et le politique transposé dans le personnel. La force explosive et révolutionnaire résidait dans la conscience du lien direct entre la suppression de la souffrance personnelle et la nécessité d’un bouleversement social. 

L’idée d’un changement social radical – beaucoup plus radical dans son attaque des institutions de base de cette société et bien plus révolutionnaire dans le changement de conscience de chacunE que toutes les révolutions précédentes – produisit force et puissance chez les femmes.

Ces nouvelles formes et ces nouveaux contenus conduisirent à la séparation avec le mouvement de gauche et à l’autonomie organisationnelle du mouvement féministe. 

L’autonomie a induit d’importants processus : remettre en question les valeurs de la société des hommes, ne pas chercher de perspectives à l’intérieur des structures de pouvoir de la société, ne pas vouloir exercer une influence en participant au pouvoir, ne pas définir la libération des femmes par rapport au rôle des hommes. 

Cela a conduit à la création d’espaces de liberté pour échapper aux structures patriarcales. C’était, et cela reste très important car aucun mouvement n’a autant besoin de lutter contre sa propre identification avec l’oppresseur, que le mouvement féministe ! 

En attaquant toutes les structures d’oppression naquit l’espoir de ne pas être intégrables, d’être foncièrement porteuses du changement révolutionnaire et de le développer. 

Mais à cause de l’importance démesurée accordée à l’expérience subjective, aussi en réaction aux groupes de gauche qui, eux, la rendaient taboue, et de la difficulté à mettre en actes directs de résistance la reconnaissance de l’oppression personnelle, la politique de la subjectivité devint une « intériorité », c’est à dire un changement personnel sans changement de la société. 

Ce chemin vers une nouvelle « intériorité » fut favorisé par la situation de classe de beaucoup de femmes dans le mouvement féministe. Pour des femmes possédant une « bonne » formation professionnelle il y avait, et il y a, de réelles possibilités de trouver une place dans cette société et de chercher son petit « bonheur » subjectif Mais comme l’impuissance vis à vis des rapports sociaux n’est pas supprimée, ce chemin s’avère être une impasse. On poursuit la nostalgie du « bonheur » sans jamais l’atteindre. 

Après la campagne contre le paragraphe 218, la résistance à l’intérieur du mouvement féministe se développa presque uniquement sur le point de la confrontation avec les hommes en tant qu’individus particuliers. Des groupes d’autodéfense, des groupes d’appels d’urgence contre le viol et avant tout des maisons des femmes se constituèrent. 

Certes la répression d’État fut décrite et analysée mais on ne réagit pratiquement pas contre elle. Les deux congrès des femmes qui eurent lieu en 1978 à Francfort : « Femmes contre la répression » et à Cologne : « La violence contre les femmes », montrèrent clairement le dilemme du mouvement féministe. 

Les deux expériences qui coexistaient : – celle de la violence comme une attaque quotidienne et celle de la violence comme oppression clairement dirigée par l’État ne furent pas traitées ensemble ; le fait de renoncer à l’élaboration du lien entre l’oppression capitaliste et sexuelle (patriarcale), de renoncer à ana lyser, qui est le MAÎTRE, mena à ce que dans les « projets d’entraide » (maison des femmes, appels d’urgence, centres de femmes) de la misère.

On retrouve une contradiction similaire dans le domaine de la culture des femmes et des lesbiennes. La radicalité personnelle avec laquelle beaucoup de femmes lesbiennes ont rompu avec le sexe masculin, ce qui s’est aussi traduit par une nouvelle et florissante créativité dans le domaine du théâtre, de la musique, de ta littérature, de la peinture… n’a pas réussi à se prémunir du fait de devenir une partie intégrante d’une subculture tolérée par l’Etat. Les rêves lesbiens sont certes des rêves radicaux mais ils trouvent une place ici aussi, dans la métropole. 

Pour une minorité privilégiée, qui abandonne la volonté d’agir sur la société et par là même l’espoir d’une libération pour toutes les femmes, le projet autonome féministe devient l’illusion de l’accession au bonheur personnel. 

Aujourd’hui on reconnaît l’autonomie fondamentale et organisationelle du mouvement féministe à sa marginalisation sociale. Il n’y a aucun -lien de principe entre autonomie et marginalisation sociale. 

L’autonomie du mouvement peut et doit se développer sans réduire la politique féministe à des problèmes spécifiquement féminins, avec des projets d’entraide, mais qui visent, non pas à éviter, mais â provoquer 1a confrontation, qui brisent les règles du jeu social et ne deviennent pas des rouages qui fonctionnent.

Ces derniers temps de plus en plus de femmes expriment leur insatisfaction face à l’exil politique du mouvement féministe et lesbien, elles brisent les « cloches de verre » des îles aux femmes et essaient de développer des positions et une pratique féministes sur les questions de la destruction écologique, par exemple par l’énergie nucléaire, la chimie, etc…, contre la militarisation et sur le problème de l’internationalisme/ tiers monde. Pour nous il est clair que la lutte féministe ne peut renoncer à l’organisation de la subversion et de contre-violence.

Le mouvement féministe a déjà depuis trop longtemps écrit des analyses sur le fait que les femmes ont été éduquées pour supporter la violence et à ne pas se défendre en s’y opposant. On dresse les femmes à s’installer dans leur impuissance et à réparer par leur émotivité les destructions psychiques causées par ce système.

La compassion des femmes à l’égard des oppriméEs est fortement développée, ce qui n’est pas développé, c’est la haine des oppresseurs, des ennemis.

La haine a à voir avec la destruction et la destruction fait peur aux femmes.

En rester à la description de cet état de chose ne signifie rien d’autre qu’ accepter l’état d’impuissance, accepter le rôle de femme que propose cette société. La thèse des « femmes pacifiques » légitime le fait de persister dans la position de la victime. 

SOUS L’IMPUISSANCE SE CACHE LA LÂCHETÉ 

Mais chaque femme qui a déjà jeté une pierre, qui n’a pas pris la fuite quand des hommes l’ont importunée, mais a répondu en retour, pourra prendre à son compte le sentiment de libération que nous éprouvions lorsque nous avons détruit des sex-shops ou allumé une bombe devant le tribunal constitutionnel à l’occasion du jugement relatif au paragraphe 218. 

La libération a, dans notre société, à voir avec la destruction, destruction des structures qui veulent nous enchaîner au rôle de femme. Et ces structures ne se laisseront détruire que si nous attaquons les rapports qui veulent nous détruire. 

Attaquons-les sous les formes les plus diverses, mais toujours liées à notre irréconciliable haine de cette société. La forme armée de l’attaque est, pour nous, une part du mouvement féministe à laquelle on ne peut renoncer. 

Cette position est, comme nous l’avons expliqué, à peine présente dans le mouvement féministe. C’est pourquoi nous nous sommes organisées dans la guérilla avec des hommes. Mais la contradiction entre la lutte des sexes et la lutte des classes ne disparaît pas, ici non plus.

Notre statut en tant que groupe autonome de femmes à l’intérieur des RZ [Revolutionäre Zellen = cellules révolutionnaires] est déterminé par la situation politique actuelle des femmes, qui se caractérise par une faiblesse de contenu du mouvement féministe et une organisation de la militance par les femmes qui ne se trouve qu’à ses prémisses.

Nous ne sommes pas un front de combat supplémentaire duquel les organisations peuvent se targuer : nous ne sommes pas la solution au problème fondamental mais seulement un chemin. Notre chemin féministe se définit selon les perspectives politiques du mouvement féministe, des luttes révolutionnaires internationales et pas seulement à partir de nous mêmes.

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